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Le PDG démissionnaire de Lyon Mag nous écrit

En réponse à notre récent article consacré à Lyon Mag, nous avons reçu, daté du 24 décembre 2008, un courrier électronique signé "Philippe Brunet-Lecomte Pdg démissionnaire de Lyon Mag, mais toujours rédacteur en chef" que nous publions volontiers, suivi de nos précisions. (Acrimed)

Deux jeunes journalistes de Lyon Mag viennent de me faire part de leur étonnement après avoir lu votre chronique sur Lyon Mag qui pose une question légitime : “Lyon Mag un mensuel indépendant et pluraliste ?” Etonnement parce qu’ils ont été frappés par le décalage entre votre point de vue qui répond par la négative en nous suspectant d’être au fond un magazine à la botte de la mairie de Lyon tout en étant tenté par certaines dérives droitistes.

Paradoxe, bien sûr. Mais là encore c’est votre droit de développer des paradoxes. Je tiens tout d’abord à vous dire franchement que je ne trouve pas très élégant de tabasser Lyon Mag qui aujourd’hui est touché par une crise grave, ce qui revient à tirer sur une ambulance. Mais là encore, c’est votre liberté. Et je la respecte. Je souhaite également à préciser que je vous écris d’abord et avant tout pour répondre à ces deux jeunes journalistes de Lyon Mag qui, comme un certain nombre de jeunes journalistes, sont des fidèles de votre site qui a l’ambition de décrypter la presse. Je me suis donc levé aujourd’hui un peu plus tôt ce matin pour prendre une heure et vous répondre. Je tiens à souligner que vous vous êtes livré non pas à une enquête journalistique mais à une chronique, c’est-à-dire un papier d’humeur qui s’appuie sur quelques citations soigneusement sélectionnées. Et que vous n’avez même pas pris la peine de prendre contact avec la rédaction, de nous rencontrer ou de venir nous voir. C’est votre droit.

D’ailleurs c’est un style assez répandu sur internet. De plus, je suis assez étonné que ce point de vue très tranché que vous exprimez sur Lyon Mag soit signé d’un pseudonyme. S’agit-il d’une journaliste ? Enfin, je me permettrai de signaler que vous avez commis un certain nombre d’erreurs factuels dans cette chronique. Parfois des détails mais on le sait, les détails sont souvent révélateurs. Exemple : l’ex-correspondante du Monde ne s’appelle pas Florence Landrin, mais Sophie Landrin. Pour prendre un exemple plus sérieux, je reviendrai sur un autre détail : mon parcours. Et là, je parle en connaissance de cause. Vous auriez pu fouiller un peu plus que vous contentez de signaler que je suis un ancien journaliste de Lyon Figaro, sous-entendu, un facho. Et vous auriez précisé que d’une part, j’ai piloté la rédaction de Lyon Figaro pendant plus années (ce qui aggrave mon cas) mais aussi que j’en ai été viré sous pression de Michel Noir (le maire de Lyon à l’époque). Je tiens également à vous signaler qu’à cette époque Lyon Figaro était un quotidien lyonnais assez décalé avec à sa tête un personnage atypique : Alain Buhler. De plus, je vous préciserai qu’avant d’être engagé par le Figaro, Libération qui lançait à la même époque une édition lyonnaise, m’a proposé de rejoindre son équipe mais que j’ai préféré me lancer dans cette aventure alternative d’un Figaro décalé. Alors que je venais de passer 7 ans à l’Est républicain où j’avais alors été élu au conseil de rédaction sur une liste SNJ-CFDT-CGT. Tout ça pour rectifier un peu cette image de facho que cette chronique tente de me coller et qui ne correspond en rien à la réalité. Car je reste au fond un journaliste moi aussi atypique qui revendique une certaine indépendance d’esprit. Quant à Roger Caille que vous taxez de “milloniste”, je crois que vous faites erreur. Certes ce grand patron n’a jamais été de gauche, au contraire. Et vous avez raison, il était assez proche de Charles Millo, mais avant sa période Front National. D’ailleurs à plusieurs reprises il m’a personnellement avoué sa “consternation” face au dérapage politique de l’ancien président du conseil régional de Rhône-Alpes. Et Lyon Mag a lui aussi été clair en prenant franchement position contre ce dérapage FN de Millon. Je pourrais à l’infini argumenter sur mon parcours personnel. J’arrête mais je regrette que vous n’ayez pas un peu plus fouillé car vous auriez découvert une réalité plus complexe sur moi comme sur Lyon Mag.

Même chose vis à vis de Gérard Collomb, que j’ai soutenu dans un édito à la veille des élections de mars 2001 mais que Lyon Mag a souvent critiqué. Il le dit et le répète souvent lui-même . Certes ma femme s’est présentée sur une liste PS aux cantonales de 2004, mais c’est sa liberté. J’ai toujours été contre le tchador et je me voyais mal lui interdire cet engagement personnel. Je lui ai simplement demandé de démissionner de Lyon Mag (où elle était commerciale) pendant toute sa campagne et elle n’est d’ailleurs revenue travailler avec nous que six mois plus tard après cette élection qu’elle a perdue. Et contrairement à ce que vous laissez entendre, j’ai des relations claires avec lui, je ne le tutoie pas, je ne pars pas en vacances avec le maire de Lyon... Mais je continue à préférer personnellement que le maire de Lyon soit Gérard Collomb et non pas l’UMP Dominique Perben. En ce qui concerne Angel, je suis étonné que vous fassiez un éloge implicite de ce journaliste issu de l’extrême droite qui a collaboré à Minute pendant des années et qui s’est fait une spécialité tout au long de sa carrière : les potins. Ce qui, pour nous, ne constitue pas le sommet du journalisme. En plus, à Lyon Mag, on a toujours rejeté les extrêmes de droite bien sûr, mais aussi de gauche.

Voilà, si j’ai insisté sur ma petite personne, ce n’est pas pour me mettre en avant. Mais en tant que journaliste, je sais que pour exposer une idée, mieux vaut l’illustrer concrètement en parlant d’un homme, de sa vie, de son parcours... Car même si je suis loin d’être le seul à avoir fait Lyon Mag, j’ai pris ma part et j’ai parfois donné quelques impulsions. De plus, aujourd’hui, je suis en quelque sorte le porte parole de ce magazine. Sachez que depuis 14 ans, je me suis toujours battu pour l’indépendance de Lyon Mag qui a toujours une rédaction plurielle. Un combat difficile car il exige aussi, pour tout journaliste, de se battre contre soi-même et notamment contre ses a priori. Certes nous ne sommes pas parfait, nous avons parfois fait des erreurs. Mais nous avons toujours privilégié un vrai travail d’enquête, bien que vous suggériez le contraire. Certaines ont même été largement reprises par nos confrères nationaux : le Beaujolais, Ramadan, le scandale du Périférique nord de Lyon avec les arrangements Noir-Bouygues, les magouilles du PS à Saint-Fons, celles de Perben à Chalon... Nous avons également toujours eu un style un peu provoc avec des interviews, des débats, des tribunes... C’était notre choix car nous voulions marquer notre différence dans ce paysage médiatique lyonnais où la prudence s’impose trop souvent. Pour le reste, à vos lecteurs-internautes de juger si nous méritons de mourir. Je ne le crois pas. Mais je ne vous cacherai pas qu’aujourd’hui toute l’équipe de Lyon Mag (25 salariés) est très pessimiste sur son avenir. Et c’est très dur à vivre en cette veille de Noël.

Au cours de notre dernière assemblée générale, nous avions tous les larmes aux yeux. Mais nous ne regrettons rien car nous avons tout fait pour résister au pdg de Fiducial qui voulait faire de Lyon Mag un magazine à sa botte pour défendre ses idées (bien facho cette fois) et ses intérêts personnels. Mais nous sommes confiants dans l’avenir car nous sommes déterminés à continuer de défendre l’esprit Lyon Mag, c’est-à-dire une certaine indépendance journalistique. Merci si vous acceptez de passer ce texte (sans trop me censurer). Et bonne chance à votre site, même si vous nous avez critiqués injustement, nous avons besoin de vous pour nous remettre en cause et tenter de faire mieux.

Philippe Brunet-Lecomte

Pdg démissionnaire de Lyon Mag, mais toujours rédacteur en chef

Précisions (Acrimed).

Devrions nous, alors que nous sommes évidemment hostiles à la prise de possession de Lyon Mag par le très vorace (et très droitier) PDG de Fiducial, taire les critiques adressées à Lyon Mag ? Evidemment, non. Philippe Brunet-Lecomte apporte d’utiles précisions factuelles, particulièrement sur son trajet personnel, mais ne répond guère sur le fond. A notre tour de préciser qu’il n’y a rien d’implicite dans nos propos : ni la suggestion que Philippe Brunet-Lecomte serait un "facho", ni l’idée saugrenue de soutenir Angel : simplement la critique du journalisme de caniveau employé contre lui. Et quelques autres...

 
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