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Le Monde ou la voix de l’Amérique Latine ?

Le Monde est-il latino-américain ?

Aucun continent n’est étranger au Monde, et surtout pas l’Amérique Latine. Voici quelques échantillons des exploits récemment accomplis par des journalistes du Monde au sujet de cette non-Province des USA. [*]

Le Monde réécrit l’histoire à propos du « Plan Condor »

Le Monde du 4 octobre 2001 a publié une page consacrée à ce que ce quotidien rigoureux appelle - monstruosité syntaxique - "les antimondialisation".

Dans le papier principal - "Les antimondialisation cherchent un nouveau souffle après le 11 septembre", l’auteur de l’article rapporte le point de vue du "philosophe membre de la Ligue communiste révolutionnaire Daniel Bensaïd". Voici comment :

« Toutefois, complète le directeur de la revue Contretemps, "la sympathie compassionnelle avec les victimes, malgré sa dimension morale, ne doit pas faire oublier que ce terrorisme des pauvres répond à une longue tradition de terrorisme d’Etat, depuis le plan Condor ("pacte de la mort" qui aurait été passé [1], dans les années 1970, par les régimes militaires d’Argentine, du Chili, de l’Uruguay et du Paraguay pour s’aider mutuellement à éliminer les opposants), le Chili, l’Argentine, les bombardements de l’Irak et du Soudan. Je vois dans ce type d’action le prolongement des métamorphoses de la guerre. L’effondrement du droit international transforme les logiques de conflits en guerres civiles. Le risque zéro et le zéro mort ont comme effet de miroir le kamikaze". »

Surprenant conditionnel : l’existence de ce "pacte de la mort" entre les dictatures sud-américaines ne fait aucun doute. Et Le Monde lui-même y fait référence - sans conditionnel - dans un article du 12 juillet 2001 : "L’ex-dictateur argentin Jorge Videla inculpé pour sa participation présumée au plan Condor".
« Le général argentin Jorge Rafael Videla sera le premier ex-dictateur poursuivi devant les tribunaux pour sa participation présumée au plan Condor, le pacte qui unissait les dictatures sud-américaines des années 1970 et 1980 afin de liquider leurs oppositions respectives. »

On n’ose penser que c’est pour les besoins de la cause "pro-américaine" dont Le Monde est actuellement un ardent promoteur, que l’auteur de l’article aurait - avec conditionnel ! - volontairement introduit une mise en doute en plein milieu de propos par lui-même recueillis.

(Première publication : 8 octobre 2001)

Le Monde ne sait que penser de Daniel Ortega et du Nicaragua

Dans un article tout en nuances, dont le titre - "L’ancien dictateur sandiniste Daniel Ortega tente de revenir au pouvoir au Nicaragua" - suffit à résumer "l’esprit", Henri de Bresson résume à sa façon l’histoire du régime sandiniste entre 1979 et 1990, et présente sobrement les "contras", armés par les USA, comme une "guérilla antimarxiste", explique que c’est Ortega lui-même et lui seul qui, "plongeant à nouveau son pays dans les déchirements de la guerre civile, le désastre économique " avait été "contraint à des élections" qui ont abouti à sa chute.

Brillant par sa rigueur et sa précision, cet article affuble successivement Ortega des titres suivant : "le sandiniste Daniel Ortega", "l’ancien leader sandiniste Daniel Ortega", "l’ancien marxiste", "l’ancien sandiniste". Au final, on ne sait plus si oui ou non Ortega est encore sandiniste, encore leader, encore marxiste.

Mais ce n’est pas tout ...

Ortega ne mérite sans doute pas un soutien inconditionnel. Mais de là à rapporter sans sourciller l’intervention directe des USA dans la campagne électorale, il y a un pas qu’Henri de Bresson n’hésite pas à franchir... En tout cas, cette intervention ne méritait pas un éditorial du Monde...

En revanche, une fois "l’ennemi" électoralement vaincu, l’éditorialiste du Monde - "La gauche au Nicaragua" - déplore cet échec "douloureux" - qu’il impute, non sans quelques raisons, à Daniel Ortega ... sans dire un mot de l’intervention des USA.

Avant de finir par cet éloge du "dictateur" déchu :
"Pourtant, Daniel Ortega a joué depuis 1990 et à l’occasion de trois scrutins le jeu démocratique. L’échec de dimanche est un nouvel acte de foi pour le renouveau du jeu démocratique dans un pays qui a cruellement souffert de son absence. Il s’inscrit de cette manière dans l’histoire de ce pays comme l’homme qui a permis - en 1990 - qu’une logique non violente et démocratique préside à sa destinée. (...). "

On attend les protestations d’Henri de Bresson devant un tel désaveu....

(Première publication : 7 novembre 2001)

Le Monde démissionne Chavez et restaure le Vénézuela

 Selon un article paru dans l’édition du 16 avril 2002

« Arrêté vendredi, Hugo Chavez a raconté à son retour à Caracas, dimanche 14 avril, qu’il n’avait jamais démissionné. Jusqu’au dénouement final, aucun document n’a été effectivement montré par le nouveau régime provisoire, dirigé par le patron des patrons, Pedro Carmona, sur sa présumée démission. "Ils ont mis un papier sur une table, m’ont demandé de le signer, mais je ne l’ai même pas regardé", a assuré le chef de l’État. "Je suis un président prisonnier", leur a-t-il rétorqué. Il a alors été emmené dans une caserne, puis au siège de la police militaire, avant un autre arrêt au fort Tiuna à Caracas. "A aucun moment je n’ai été maltraité. Au contraire, partout des soldats pleuraient en me voyant. C’est pourquoi ils m’ont changé de caserne", a déclaré Hugo Chavez. »

 Selon un article paru dans l’édition du 13 avril 2002 :

« Le président du Venezuela, Hugo Chavez, est contraint à la démission. Le chef de l’État, élu en décembre 1998, a abandonné le pouvoir dans la nuit de jeudi 11 à vendredi 12 avril, sous la pression des militaires. De violents affrontements ont fait au moins treize morts et une centaine de blessés, lors du troisième jour de la grève générale. Saint-domingue de notre correspondant régional Abandonné par l’armée, le président vénézuélien Hugo Chavez a été contraint à la démission, jeudi soir 11 avril, à la suite de violents affrontements qui ont fait au moins treize morts et plus de cent blessés, au troisième jour de la grève générale illimitée convoquée par la principale centrale syndicale et la plus importante confédération patronale. (...) Affichant ses sympathies pour Fidel Castro et son rejet de la "mondialisation néo-libérale", Hugo Chavez a multiplié les affrontements avec les chefs d’entreprise, les principaux médias, l’Église catholique et les syndicats, et sa popularité s’est dangereusement effritée au cours des derniers mois. (...) ». Jean-Michel Caroit .

(Première publication : 17 avril 2002 - Avec PLPL)

 
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Notes

[*Ces échantillons ont été prélevés, sans modification, dans une ancienne présentation chronologique du Monde des années 1999-2002 : la date de publication antérieure est indiquée à la fin de chacun d’entre eux

[1Souligné par nous.

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