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Le Monde et les « tortionnaires » de la CGT-EDF

par Henri Maler,

Dans la nuit du dimanche 6 au lundi 7 juin, le syndicat CGT parisien du Réseau de transport d’électricité (RTE) a organisé la coupure du courant sur une partie du réseau d’alimentation des lignes des plusieurs gares de Paris.

Le lendemain, France soir titrait : « Sévices publics ». Et Le Monde ? Le Monde, en trois éditoriaux (dont un dessin de Plantu), noyait les faits sous ses commentaires ... éclairés, comme il se doit.

Premier éditorial : le titre de la première page

Les véritables éditoriaux du Monde, ce sont désormais les titres de la première page. Voici celui qui trône à la « Une » du quotidien, le 9 juin 2004 : «  Réforme d’EDF : la CGT veut-elle l’épreuve de force ?  »

Il suffit, pour saisir le sens de cette question de la remplacer par cette autre : «  Réforme d’EDF : le gouvernement veut-il l’épreuve de force  ? »

La réponse, pour Le Monde ne fait aucun doute : qu’importe si le gouvernement impose sa réforme, puisqu’il semble le faire en douceur...

Deuxième éditorial : le dessin de Plantu

En guise de réponse à la question angoissée du Monde, Plantu offre son dessin du jour .
Comment le citer sans le reproduire ? Si la honte atteint son auteur, c’est promis, on le retirera sur simple demande de sa part, ...et on se bornera à le décrire. Le voici :

Bien sûr, c’est pour rire !

Un correspondant nous écrit : « La caricature, on le sait depuis longtemps, est bonne à tout dire. Plantu, ce soir, le prouve, et ce, de la manière la plus crasse qui soit. En l’occurrence, elle permet de comparer des travailleurs en lutte, non pas ici à des terroristes (Plantu l’a déjà fait, Raffarin l’a suggéré aujourd’hui et les médias ne se privent pas de le faire systématiquement - bêtement ? - en évoquant ici ou là des "prises d’otage"), mais aussi à des tortionnaires. Dans le dessin de Plantu (on imagine Faizant, rage de jalousie), les tortionnaires sont, précisons-le, envoyés en mission en Irak par l’extrême droite américaine. Ça laisse songeur... on imagine par exemple Plenel, donnant son accord avant publication, mort de rire, puis saluant l’audace rebelle de son prestigieux caricaturiste... On imagine aussi les prédateur du MEDEF, pouffant allègrement, mais surtout ravis de pouvoir compter d’ores et déjà sur le soutien du Monde dans toutes ses futures charges contre les salariés du privé ou du public... On imagine aussi le sentiment des travailleurs d’EDF, déjà perplexes peut-être devant l’action isolée de l’autre nuit, se retrouvant comparés ce soir aux petits soldats de la nouvelle bush’erie impériale... On imagine aussi Sarkozy constatant, non sans fierté, que ses efforts pour criminaliser les mouvement sociaux n’ont pas été inutiles...  »

Troisième éditorial : l’éditorial officiel

Sous le titre « Jeu à hauts risques », l’éditorialiste anonyme du Monde découvre, conformant ainsi le titre de la « Une » que « la CGT durcit sa stratégie de la tension avec le gouvernement ». On apprend, chemin faisant que « le patron de la CGT énergie, Frédéric Imbrech, [...] a hérité, en succédant au réformiste Denis Cohen, du mandat de préserver vaille que vaille le statut public d’EDF [...] » (souligné par nous).

L’éditorialiste anonyme du Monde « sait » pourquoi la Fédération CGT de l’énérgie et la Confédération agissent ainsi et ne peut s’empêcher de fournir des explications immédiatement dépréciatives :

 La fédération CGT de l’énergie ? Elle « redoute de se couper d’une base qui se radicalise et qui voit dans chaque concession de M. Sarkozy une raison d’essayer d’obtenir encore plus. Elle est quotidiennement mise en cause par SUD-Energie qui, au diapason de l’extrême gauche, dénonce la "mollesse" de la CGT et pousse à la grève générale. »

 La « centrale de Bernard Thibault », comme dit joliment Le Monde ? Elle « ne veut pas davantage se démarquer d’une fédération qui dirige un de ses derniers bastions . Elle fustige l’autisme du gouvernement qui, des retraites à l’assurance-maladie, poursuit sa politique en dépit des protestations sociales et des sanctions électorales. [...] »

Un syndicat tient-il plus compte de ses adhérents que Le Monde de ses lecteurs. Cela donne :
« Il reste que cette stratégie "basiste" , qui peut faire voler en éclats une unité syndicale jusqu’alors préservée, est à très hauts risques. Il est dangereux de prétendre défendre le service public en perturbant son fonctionnement , de surcroît en réglant les comptes d’EDF par SNCF interposée.  »

La grève d’un service public ne doit pas le perturber et ne pas en perturber un autre ! A la place de stratégie « basiste », la stratégie « mondiste »...

Et l’on se borne à citer des extraits de la fin :

« En jouant l’épreuve de force, la CGT risque de perdre la bataille des idées [...] Elle a aussi peu de chances d’empêcher le vote de la nouvelle loi. Le danger concerne aussi la stratégie réformiste de M. Thibault, celle qui lui a permis d’engranger des concessions à EDF. Si, à l’arrivée, elle fait marche arrière, elle manquera l’occasion de démontrer l’efficacité de son nouveau pragmatisme.  »

On la compris : les salariés d’EDF doivent renoncer à demander le retrait du projet de changement de statut. Et la CGT doit adopter le « pragmatisme » de la CFDT

C’est l’ « opinion » du Monde, et personne ne lui contestera le droit d’adopter une « opinion de référence », quitte à transformer le quotidien en parti du renoncement social. Mais en prétendant trancher à la place des salariés le débat nécessaire et légitime sur les formes d’action et en noyant les faits sous les commentaires, Le Monde a publié un long tract dont le dessin de Plantu n’est qu’une illustration.

 
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