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« Le Grand Jury -RTL- Le Figaro-LCI » : Un passe-plat de référence

par Yannick Kergoat,

Il arrive que les plus hauts dignitaires du microcosme médiatique affichent sans pudeur ce qui est généralement tu ou dissimulé, nous privant ainsi, pour notre plus grand plaisir, de tout effort d’analyse. On se souvient par exemple de Patrick Le Lay (alors patron de TF1) avouant son rôle de marchand de « temps de cerveau disponible » [1]. C’est au tour de RTL d’annoncer clairement la couleur.

C’est dans un article de promotion et d’autopromotion paru dans Le Figaro du 21 août 2008 pour saluer (c’est le titre) « le coup d’envoi de la nouvelle saison » du Grand Jury RTL – Le Figaro – LCI [2] que le directeur de l’information de la « première radio de France » révèle, sous la forme d’une déclaration d’intention, une conception singulière ce que doit être le travail de journalisme politique.

L’auteur de l’article, la journaliste du Figaro, Marie-Catherine Beuth, commence par se féliciter de la forte augmentation de l’audience de cette émission. C’est bien connu, l’exercice d’autopromotion s’accommode mal de la rigueur mathématique. Ainsi, Marie-Catherine Beuth gratifie l’émission d’une croissance annuelle de 40 à 60 % depuis la mise en onde de sa nouvelle formule en 2005. Mais dans la phrase suivante, elle nous donne les chiffres de l’année 2007-2008 : « Parti avec 470 000 auditeurs par soir en début de saison 2007-2008, « Le Grand Jury » est désormais écouté par un demi-million de fidèles chaque dimanche ». Entre 470 000 et un demi-million, il n’y a guère que 30 000 auditeurs de plus, soit à peine plus de 6% d’augmentation  ! Mais que valent les chiffres quand on aime... bien faire. Puis, elle cite complaisamment Jacques Esnous, directeur de l’information de RTL, qui nous livre sans ambages sa conception d’une « radio référente » et du rôle de l’émission phare du dimanche soir :

« Le Grand Jury conforte notre statut de radio référente . Ce statut dépasse le nombre d’auditeurs”, explique Jacques Esnous, directeur de l’information de RTL. Loin des audiences des heures de grande écoute de la radio, le matin entre 7 heures et 9 heures, « Le Grand Jury » représente pourtant une “caisse de résonance sans équivalent” pour les décideurs , qui y trouvent le temps d’expliquer leur point de vue ou d’y exposer leur stratégie. Reprise par de nombreux médias, l’émission du dimanche soir fait ainsi office d’arrêt incontournable de leurs plans de communication  » [3].

On ne saurait être plus clair : Jacques Esnous, secondé par la journaliste du Figaro, ne cache donc pas que pour faire de RTL « une radio de référence » et « confirmer son leadership sur l’information et l’actualité politique », il convient de servir de tribune aux dirigeants politiques et économiques en mal de plans de communication. RTL et Le Figaro glorifient ainsi le journalisme passe-plat. Alors saluons à notre tour une « nouvelle saison » de débats sur mesure, de questions calibrées et de relances intéressées au service exclusif de la promotion des idées dominantes et des médias dominants.

Yannick Kergoat

 
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Notes

[2A consulter gratuitement, pour l’instant, sur le site du Figaro.

[3Souligné pas nous. Le jeu des guillemets dans l’article ne permet pas de rapporter avec certitude l’intégralité du propos au seul Jacques Esnous.

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