Dans un éditorial paru le 23 septembre, sous le titre « Sa vérité », le chef de Libération disqualifie a priori tous les médias qui, de près ou de loin émanent de La France insoumise et d’une gauche radicale non identifiée. Et cela donne cette entrée en matière : « Les médias mentent, faisons nos propres médias. Tel est le mot d’ordre qui sous-tend la démarche de La France insoumise et de la gauche radicale à l’égard des journaux, des radios et des chaînes de télévision. » « Un mot d’ordre qui sous-tend une démarche », évidemment, n’est pas un mot d’ordre. Mais comme le prétendu mot d’ordre « sous-tend » sans être prononcé, Laurent Joffrin peut l’inventer à sa guise.
Inventer grossièrement, comme il le fait ici, les positions que l’on combat est une méthode que Laurent Joffrin souhaiterait peut-être voir annexée aux codes de déontologie. Une méthode qu’il avait pesamment illustrée dans un précédent traité de psychiatrie - Média-paranoïa – rédigé à l’intention des malades mentaux de la critique des médias sous toutes ses formes [2].
Et notre déontologue, devenu historien de poursuivre dans son éditorial : « Dans les années 30, déjà, les partis politiques appliquaient le même raisonnement aux médias de l’époque : l’Humanité (communiste), le Populaire (socialiste), l’Action française (monarchiste) proclamaient leur propre vérité face aux mensonges des journaux qu’on appellerait aujourd’hui “mainstream”. » Et le pontife de Libération de pontifier : « Même réflexe, donc » Cette fine allusion historique omet soigneusement de rappeler ce qu’étaient les journaux des années 30. Faut-il comprendre que pour Laurent Joffrin, Libération, Le Monde ou Le Figaro sont les dignes héritiers de de la presse corrompue de l’entre-deux guerres ! Jamais nous n’oserions avancer une telle infamie.
Une saine méfiance à l’égard de la presse de parti n’exonère en rien la presse de parti-pris, par exemple quand, sous la conduite d’un Laurent Joffrin, elle se livre à une offensive préventive qui fait la « une » de Libération....
... Une offensive destinée à disqualifier en même temps le projet de télévision sur Internet de la France insoumise et le projet d’un site d’information qui serait indépendant de la France insoumise, alors que les contours de ce dernier projet, à peine définis, n’ont pas été rendus publics au moment où nous écrivons.
Laurent Joffrin se rêve en censeur : un censeur qui – heureusement – ne peut pas imposer sa censure [3].
Laurent Joffrin rêve de réserver à la presse et aux journalistes professionnels le monopole de l’information légitime. Mais, ne lui en déplaise, le droit d’informer - et d’informer autant que faire se peut avec exactitude - ne saurait être un monopole.
Cet inquiétant rêveur est aussi un faussaire qui boucle son édito par une invention qui, pire que ses première phases, attribue une fois encore à ses adversaires des stupidités dont le seul auteur est Laurent Joffrin lui-même : « Seuls les médias radicaux disent la vérité. L’enquête, la vérification, le recoupement des sources ? Faux-semblants bourgeois destinés à égarer le lecteur. Il est temps de le comprendre… »
Que toutes celles et tous ceux qui – professionnels ou pas - enquêtent, vérifient, recoupent les sources se rassurent : il faut plus d’un Laurent Joffrin pour les déshonorer. Il est encore temps de le comprendre.
Henri Maler