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L’alliance de Google avec les éditeurs (2) : en France, après les procès, les accords

par Jean Pérès,

Quelques mois après leurs homologues françaises, cinq grandes maisons d’édition américaines signaient un accord avec Google que nous évoquions dans le précédent volet de cet article. On aurait pu croire que les gros éditeurs français et leur appendice, le Syndicat national de l’édition (SNE) avaient, dans un premier temps, attaqué Google en justice parce que ce dernier ne respectait pas les droits d’auteur. On doit admettre, avec le recul, que ce n’était pas là l’objet réel de leur hostilité, mais bien plutôt le fait qu’ils n’étaient pas intéressés à l’opération. Il leur a fallu quelques manœuvres et le secours de la loi pour instaurer avec Google une coopération compromise par le zèle de l’un des leurs (La Martinière – Le Seuil). Mais les voici désormais en phase avec leurs équivalents américains, et même plus avancés qu’eux si l’on se place du point de vue du service rendu à Google.

En France comme aux États-Unis, tout a commencé par des procès dont un seul est allé jusqu’au jugement : en décembre 2009, les éditions La Martinière – Le Seuil, le SNE (Syndicat national de l’édition) et la SGDL (Société des gens de lettres, qui représente les auteurs) gagnent contre Google qui est conduit à abandonner l’opt-out (c’est à dire qu’il est désormais obligé de demander l’autorisation préalable des ayants droit avant de numériser leurs livres) dans ses rapports avec les ayants droit français. De plus, Google doit indemniser La Martinière – Le Seuil pour les numérisations abusives passées. Alors que l’éditeur demandait 15 millions d’euros, il n’en obtint que 300 000 du juge. Est-ce la modicité (relative) de la somme obtenue ou le renoncement désormais obligé de Google à l’opt-out (ce qui n’est pas le cas aux États-Unis), ou bien les deux, toujours est-il que les éditeurs français ont abandonné les procès en cours pour conclure des accords avec Google. Et en France, où l’action en nom collectif n’existe pas, les accords n’ont pas besoin d’être ratifiés par un juge.

La voie a été ouverte par Hachette qui a signé un accord avec le moteur de recherche le 17 novembre 2010. Hachette, qui est de loin le plus gros éditeur français, s’est ainsi désolidarisé de ses concurrents au sein du SNE (qui représente 600 éditeurs sur un total estimé entre 4 000 et 6 000) qui étaient encore en procès avec Google, puisque ce dernier avait fait appel du jugement de 2009. Mais le dépit des gros éditeurs fut de courte durée puisqu’en août 2011, La Martinière – Le Seuil signe à son tour avec Google, suivi par le SNE le 11 juillet 2012. L’accord signé par le SNE est un accord-cadre auquel d’autres éditeurs du SNE peuvent adhérer par la suite (comme dans l’accord américain qui, postérieur, s’inspire en cela de l’accord français). De son côté, la Société des gens de lettres (SGDL) a signé pour les auteurs un accord séparé avec Google (ce qui n’est pas les cas aux États-Unis) dont on ne sait pas grand-chose, sinon qu’il ne gêne en rien les éditeurs. Ces divers accords étant secrets, ce qui est un vrai scandale en regard des intérêts en jeu [1] - notamment ceux des auteurs, et alors même que le règlement Google-Livres était public - on n’en sait pour l’instant que ce que veulent bien en dire les signataires.

Un accord avantageux pour Google et les éditeurs français

Comme il l’avait déjà prévu pour le règlement Google-Livres vis à vis des ayants droit américains, Google met la main à la poche. Il s’est engagé à subventionner le projet du SNE : « Les petits champions de la lecture », ainsi que la base de données de la SGDL destinée à la recherche des auteurs et de leurs ayants droit. Le montant du financement fait partie des informations secrètes (pour mémoire, Google avait proposé 125 millions de dollars à ses partenaires américains). De leur côté, les éditeurs fourniraient à Google une liste de livres épuisés de leurs catalogues, livres dont ils doivent avoir vérifié qu’ils étaient bien détenteurs des droits [2]. La présentation de cette liste vaudrait autorisation préalable (opt-in) à la numérisation et l’exploitation des livres par Google (en fait, nombre de livres concernés font certainement partie des 20 millions déjà numérisés).

Pour ce qui est de la commercialisation des livres numérisés, Google pourrait s’en charger grâce à sa plateforme Google Play, qui accueille des livres numériques depuis juillet 2012. Les revenus seraient alors partagés entre Google et les éditeurs, « la majorité des revenus étant versés aux éditeurs » selon Philippe Colombet, directeur de Google France. On ne sait pas, en cas de partage, la part que l’accord prévoit pour les auteurs. On peut douter qu’ils aient une bonne surprise en la découvrant. Dans le règlement Google-Livres, ce sont les auteurs qui devaient bénéficier de la plus grande part des droits. Pour l’accord Google AAP, on ne connaît pas non plus la répartition, mais s’agissant d’un accord avec les éditeurs, on peut supposer que ces derniers seront, là aussi, bien servis.

Les éditeurs, qui auront une version du fichier numérique de leurs livres, pourront les commercialiser sur leur site ou via d’autres plateformes, mais il semble bien que l’accord ait exclu une commercialisation par les grands concurrents de Google comme Amazon et Apple [3]. Mais l’intérêt premier de cet accord réside dans le fait qu’il entérine l’acceptation de l’opt-in par Google qui ne numérisera plus de livre en France sans avoir l’autorisation des ayants droit ; ou plutôt, qui ne les commercialisera pas sans cette autorisation, étant donné que la numérisation n’a pas cessé depuis 2005 - car pendant les procès et les négociations de part et d’autre de l’Atlantique, Google continuait de numériser.

Le retour de l’opt-out

On aurait pu croire la question de l’opt-in et de l’opt-out définitivement réglée en France à la suite de l’action des grands éditeurs français contre Google et de la signature des divers accords entérinant l’opt-in. Or, il n’en est rien. Une « loi sur la numérisation des livres indisponibles du XXe siècle » du 1er mars 2012 vient en effet de consacrer le retour en force de l’opt-out avec la bénédiction de ces mêmes éditeurs français qui l’avaient si fermement rejeté chez Google au nom de la défense du droit d’auteur. Cette loi est en fait la transposition d’un accord-cadre passé entre la BNF, le SNE, la SGDL, le ministère de la Culture et de la Communication et le Commissariat général à l’investissement ; accord signé le 1er février 2011 et dont les termes sont restés opportunément secrets jusqu’au vote de la loi, bien qu’il implique des institutions publiques,.

Cette loi prévoit la création d’une base de données gérée par la Bibliothèque nationale de France (BNF) où seront répertoriés les livres indisponibles signalés par les éditeurs, les auteurs ou quiconque le désire (particulièrement la BNF elle-même qui, grâce au dépôt légal, garde un exemplaire au moins de chaque livre publié). Il s’agit bien d’une base de références des livres et non d’une base contenant une version numérique de ces livres. Les auteurs et les éditeurs disposant des droits sur ces livres ont six mois (deux ans dans le règlement Google-Livres) pour faire connaître leur opposition à leur édition numérique. Passé ce délai, une société de perception et de répartition des droits (genre Sofia [4]), comparable au Books Rights Register, composée à parité d’auteurs et d’éditeurs, pourra autoriser leur édition et leur commercialisation sous forme numérique par l’éditeur. Nous sommes bien dans le cadre de l’opt-out tel qu’il était pratiqué par Google : on numérise et commercialise sans autorisation des ayants droit qui n’ont plus alors que le « choix de se retirer » (opt out).

Comme son nom l’indique, cette loi porte sur les livres indisponibles du XXe siècle, c’est-à-dire ceux qui sont « épuisés » ou « orphelins ».

Haro sur les « épuisés » ; orphelins à vendre

À propos des livres épuisés, ceux que l’éditeur, cessionnaire des droits de commercialisation, a décidé de retirer du circuit parce qu’ils ne se vendaient plus, une question fondamentale divise les éditeurs et les auteurs. Le contrat d’édition contient une clause selon laquelle l’éditeur est obligé de commercialiser le livre qui lui est confié par l’auteur. S’il ne le fait pas ou ne le fait plus, les droits reviennent à l’auteur après mise en demeure infructueuse de l’éditeur (art. L 132-17 du code de la propriété intellectuelle). La plupart des auteurs ne font pas les mises en demeure, par ignorance de leur droit, mais certains d’entre eux soutiennent que, dans « l’esprit de la loi », le défaut d’exploitation de leur livre par l’éditeur qui néglige ainsi une de ses obligations fondamentales (art. L 132-12) rend à nouveau l’auteur titulaire de la totalité des droits. La réponse à cette question conditionne le sort numérique des livres épuisés puisque c’est l’ayant droit qui en décide. Ici, le bon sens peut venir au secours du droit : peut-on imaginer que l’auteur d’un livre ait une quelconque responsabilité dans le fait que son œuvre soit retirée de la circulation par son éditeur ? Ajoutons que pour ce qui concerne les livres numériques, les contrats d’édition antérieurs au 31 décembre 2000 ne prévoyaient généralement rien à propos de l’édition numérique des ouvrages. Ce qui rend les auteurs seuls titulaires de ces droits. Il y a donc, pour les livres épuisés, de quelque côté que l’on se tourne, une forte présomption de titularité des droits en faveur des auteurs pour l’édition numérique.

Or, la loi du 1er mars 2012 prévoit tout autre chose puisque, passé un délai de six mois pendant lesquels une demande de retrait est possible de la part de l’auteur ou de l’éditeur détenteur des droits de reproduction, elle confie tout bonnement à l’éditeur de l’édition papier l’édition numérique du livre. Si l’auteur veut s’y opposer à partir de ce moment-là, c’est à lui de prouver qu’il est le seul détenteur des droits en « apportant par tout moyen la preuve que cet éditeur ne dispose pas du droit de reproduction d’un livre sous une forme imprimée » (art. 134-5). Comme le dit Franck Macrez en conclusion de son analyse pour le très sérieux Recueil Dalloz : « La présomption de titularité des droits d’exploitation sur l’œuvre au profit de son propriétaire naturel est réduite à néant. Que reste-t-il du droit d’auteur ? » [5].

Certains auteurs ne s’y sont pas trompés et contestent vivement cette loi comme le collectif « Le droit du serf », font circuler une pétition pour son abrogation, et s’apprêtent à déposer une question prioritaire de constitutionnalité dès la parution des décrets d’application de la loi. Décrets qui sont curieusement en retard sur le calendrier.

Quant à la plupart des livres « orphelins », ils sont encore très probablement sous droits pour la période considérée par la loi sur les livres indisponibles, le XXe siècle. Une fois inscrits sur le répertoire des livres indisponibles (rappelons que quiconque peut procéder à cette inscription), l’auteur et/ou l’éditeur a, selon la même procédure que pour les livres épuisés, six mois pour s’opposer à leur numérisation, ce qui revient, pour les ayants droit sur les orphelins, à manifester leur existence (puisqu’ils sont a priori introuvables) et leur opposition. Passé ce délai, la SPRD peut confier à un « utilisateur… la reproduction et la représentation du livre sous une forme numérique [qui] sont autorisées, moyennant une rémunération, à titre non exclusif et pour une durée limitée à cinq ans, renouvelable. » (art. 134-3). Cet « utilisateur », si vaguement désigné, est normalement la BNF qui, grâce au dépôt légal, dispose du livre, et grâce au grand emprunt, du financement de la numérisation (autour de 50 millions d’euros) ; mais comme l’autorisation donnée l’est « à titre non exclusif », rien n’empêche Google et d’autres, de se mettre sur les rangs (sachant que Google à déjà numérisé nombre de ces livres). Ainsi, par le biais de la loi française, Google serait en mesure de diffuser les livres orphelins, ce qu’il n’est pas (encore) parvenu à obtenir aux États-Unis.

Et les bibliothèques ?

On aurait pu imaginer que les orphelins tombent dans le domaine public (« pupilles de la nation », si on file la métaphore) et soient ainsi accessibles à tout un chacun gratuitement, après une recherche sérieuse des ayants droit ; ce qui n’empêcherait pas leur commercialisation parallèle, comme cela se passe pour les autres livres du domaine public que l’on peut lire gratuitement sur Internet, ou en bibliothèque, par exemple, mais que l’on peut aussi acheter en librairie. Si les ayants droit se manifestaient, alors, bien évidemment, ils récupèreraient leurs droits, gérés par la SPRD, même rétroactivement jusqu’à un certain point.

C’est d’ailleurs, en gros, ce que stipule un projet de directive européenne qui devrait être prochainement adoptée et publiée. Par contre, la loi française sur les indisponibles ne prévoit pas du tout cela :

« Art. L. 134-8. - Sauf refus motivé, la société de perception et de répartition des droits mentionnée à l’article L. 134-3 autorise gratuitement les bibliothèques accessibles au public à reproduire et à diffuser sous forme numérique à leurs abonnés [6] les livres indisponibles conservés dans leurs fonds dont aucun titulaire du droit de reproduction sous une forme imprimée n’a pu être trouvé dans un délai de dix ans à compter de la première autorisation d’exploitation ». Les bibliothèques doivent donc attendre dix longues années avant de pouvoir prêter en version numérique à leurs seuls "abonnés" les livres orphelins qu’elles leur prêtent déjà sous forme papier. Alors qu’on aurait pu les autoriser à prêter ces livres numérisés (dont elles sont parfois les seules détentrices) sur leur site, plus largement, et moyennant une rémunération, même modeste, la loi le leur interdit : « L’autorisation mentionnée au premier alinéa est délivrée sous réserve que l’institution bénéficiaire ne recherche aucun avantage économique ou commercial. » (art. L.134-8). Et ce, alors même que la directive européenne prévoit une rémunération permettant aux bibliothèques de couvrir les frais de numérisation. Bien évidemment, cette directive européenne ne s’appliquera pas en France pour les livres [7]... La loi française est donc moins généreuse pour ses bibliothèques que ne l’était le règlement Google-Livres et que ne le sera la directive européenne sur les orphelins.

Et alors ?

Il semble donc que tout va se jouer dans l’articulation entre la loi sur les indisponibles et l’accord Google-SNE. Deux hypothèses se présentent alors au choix des éditeurs.

Si les éditeurs membres du SNE, les plus importants en nombre de livres publiés, s’inscrivent dans l’accord SNE-Google, ils livrent alors à Google pour qu’il les numérise et les commercialise la plus grande partie des « épuisés » français qui deviennent ainsi « disponibles ». Le processus prévu par la loi du 1er mars sur les indisponibles du XXe siècle se trouve dès lors vidé de sa substance du simple fait que la plupart de ces livres ne seront plus indisponibles, et donc plus éligibles à la base de données de la BNF. Laquelle ne collectera alors que les livres les moins intéressants commercialement. Les auteurs pourraient, dans cette hypothèse, intenter des actions contre les éditeurs pour violation de leurs droits.

Autre hypothèse. Les éditeurs du SNE font jouer les mécanismes de la loi sur les livres indisponibles et inscrivent leurs catalogues de livres épuisés à la base de données de la BNF. Après six mois (pendant lesquels les ayants droit, en l’occurrence les auteurs ou leurs héritiers, peuvent faire opposition), nombre de livres épuisés sont confiés aux éditeurs par la Société de perception et de répartition des droits (SPRD). Les éditeurs du SNE mettent alors en œuvre leur accord avec Google, sous la protection de la loi française (sans risque de procès de la part des auteurs), pour la numérisation et la commercialisation des livres confiés à eux par la SPRD. Précisons que l’accord avec Google est plus favorable aux éditeurs qui percevront plus de la moitié des recettes que la loi française qui promet aux auteurs cette moitié. Cette deuxième hypothèse est la plus vraisemblable. Sinon, comment expliquer le lobbying forcené des éditeurs pour faire adopter la loi sur les indisponibles ? [8]

Quant aux livres orphelins, ils seront livrés, selon la même procédure, à la numérisation et la commercialisation par la BNF et d’autres plateformes comme Google, Amazon…

En résumé : les plus puissants s’entendent entre eux, mais la lutte continue…

La stratégie des gros éditeurs des deux pays n’est que trop claire. Pendant les années de négociation avec Google, ils ont vu progresser l’attention du public pour le livre numérique et ses multiples avatars, ainsi que le chiffre des ventes de ce secteur prometteur. Plutôt que de se braquer sur la défense inconditionnelle des droits d’auteur, comme ils l’ont fait dans un premier temps, ils ont alors peu à peu infléchi leur position vers un partage, le plus avantageux possible pour eux, des bénéfices de l’exploitation du gisement des livres numériques par Google alors en grande difficulté sur le plan juridique des deux côtés de l’Atlantique. Ces éditeurs n’ont pas hésité, pour atteindre leur objectif économique, à s’asseoir sur les droits d’auteur et sur les auteurs eux-mêmes.

Aux États-Unis, le règlement Google-Livres signe la volte-face des éditeurs, encore accompagnés par les auteurs. Après le rejet du règlement par le juge Chin, ils signent seuls un accord secret et sans doute avantageux avec Google alors que les auteurs sont toujours en conflit acharné avec ce dernier.

En France, ce fut plus sinueux. Après le procès gagné par le groupe La Martinière-Le Seuil [9], Hachette a initié la série d’accords passés ensuite par les éditeurs et leur syndicat avec Google. Le procès La Martinière interdisant l’opt-out à Google, les éditeurs associés au ministère de la Culture et à la BNF, ont fait voter une loi qui permet de contourner cette interdiction. La loi sur les livres indisponibles du XXe siècle, combinée avec l’accord Google-éditeurs, donne en effet à Google la possibilité de l’opt-out, et même, suprême victoire, d’accaparer les livres orphelins. On n’est jamais trop prudent, cette loi a été votée précipitamment, avant qu’une directive européenne ne risque d’en perturber l’économie.

La stratégie de Google est tout aussi évidente. Un seul objectif : numériser, et le plus vite possible, le plus grand nombre de livres possible, pour créer un écart insurmontable avec d’éventuels concurrents, en se disant qu’une telle puissance technique associée à une très grande puissance financière viendra bien à bout des problèmes juridiques qui risquent de se poser en chemin. Et pendant ce temps, Google gagne tout de même de l’argent, d’abord en associant des publicités aux résultats des recherches des internautes, ensuite en vendant les livres numériques. Même si la part de Google dans chaque vente n’est pas la plus importante, il a, contrairement à ses partenaires, une part dans toutes les ventes, ce qui peut procurer des bénéfices astronomiques.

En revanche, parmi les autres acteurs, certains n’ont pas baissé les bras...

Les auteurs américains sont toujours en procès avec Google. Ils ont fait appel de la décision qui autorise Google à contester leur représentativité. Les auteurs français dont le syndicat, la SGDL, a une attitude à tout le moins ambiguë, se sont regroupés dans un collectif très actif, « Le droit du serf », et certains d’entre eux ont créé un site qui accueille les auteurs désireux de publier eux-mêmes leurs livres numériques. Par ailleurs, les discussions entre les auteurs (représentés par le Conseil permanent des écrivains) et les éditeurs sur les droits afférents aux livres numériques sont très vives et n’ont toujours pas abouti.

Les associations de bibliothécaires et de documentalistes ne semblent pas, pour l’instant, très mobilisées sur cette question, ni aux États-Unis (sauf erreur), ni en France, à l’exception occasionnelle de l’Interassociation Archives Bibliothèques Documentation qui est intervenue sans succès pour une modification de la loi sur les indisponibles du XXe siècle. Par contre les bibliothécaires et documentalistes sont fort bien représentés dans les analyses critiques dont nous nous sommes largement inspiré, par Michèle Battisti et surtout Lionel Morel, alias Calimaq.

Par ailleurs, des projets concurrents à celui de Google, que nous ne développerons pas ici, sont en cours depuis longtemps comme Gallica en France, ou plus récemment Europeana en Europe, HathiTrust aux États-Unis, et demain peut-être l’ambitieux projet initié par Robert Darnton, la Digital Public Library of America, gratuite, qui sera officiellement en ligne le 13 avril 2013 avec deux millions de livres pour commencer.

Pour commencer.

Jean Pérès

 
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Notes

[1Sous couvert de secret commercial, il s’agit surtout d’éviter ou de retarder d’éventuelles contestations.

[2Ce qui pourrait être problématique pour beaucoup d’ouvrages : pour que l’éditeur soit détenteur certain des droits sur un livre « numérique », il faut que l’auteur lui ait cédé ses droits sur cette forme d’édition, aucun contrat d’édition « papier » n’étant reconnu pour une version numérique. À défaut de cette cession de droits (dans un avenant au contrat initial ou par un contrat spécifique), l’éditeur ne peut pas livrer un ouvrage à la numérisation sans l’accord exprès de l’auteur. Ce qu’a d’ailleurs déclaré le président du SNE, Antoine Gallimard, à la conférence de presse qui a suivi l’accord : « Les auteurs pourront dire oui ou non pour l’indexation de leurs œuvres.

[3Nous nous fions pour cette affirmation à ce que dit Lionel Morel dans une interview sur Owni.fr : « L’autre avantage réside sans doute paradoxalement dans les fameuses “exclusivités” que comporte l’accord-cadre, qui empêchent des acteurs comme Apple et surtout Amazon d’exploiter les fichiers. Il faut sans doute moins y voir une condition imposée par Google qu’une entente passée entre tous les acteurs. Car il ne doit pas tant déplaire aux éditeurs français qu’Amazon par exemple soit ainsi mis sur la touche ; Mister Kindle et ses prix cassés étant considérés comme l’antéchrist numérique par beaucoup… ».

[4Société Française des Intérêts des Auteurs de l’Écrit. Le plus connu de ces types d’organismes est la Sacem dans le domaine de la musique.

[5Recueil Dalloz, n°12, 22 mars 2012, chron. p. 749. Disponible ici.

[6Ce terme d’ « abonnés », typique de la désinvolture de législateurs pressés, révèle crûment qu’aucun bibliothécaire n’a participé à la rédaction de cette loi ni ne l’a relue, car les bibliothèques n’ont jamais eu d’abonnés mais des « inscrits ».

[7Considérant 4  : « La présente directive est sans préjudice de solutions spécifiques développées dans les États membres pour traiter de questions de numérisation de masse, comme dans le cas d’œuvres dites indisponibles dans le commerce... »

[9Le seul qui ait eu lieu finalement, et qui a, dans un premier temps, obligé Google à renoncer à l’opt-out.

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