I. LES MEDIAS
– Politique et " télé-réalité ". Tergiversations sur l’avenir de « 36 heures ». Le lundi 1er septembre, en effet, l’émission est mort-née victime du tollé général : à droite, à gauche et dans les médias dits de référence - lire l’enquête du Monde (9 septembre) « 36 heures dans la vie de la télé » -, une mort semble-t-il intimée (« Raffarin dit non à la ’’politique-réalité’’ »). Or le 2, revirement : les regards angoissés se tournent vers le ministre Copé, prévu pour la première édition de l’émission (parmi ses attributions : porte-parole du gouvernement !) : selon France-Soir « non, le premier ministre ne s’est pas fâché » ou, variante dans Le Parisien, le « oui, mais de Matignon ». Hésitation que Le Canard Enchaîné (3 septembre) résume ainsi : « Mougeotte, le vice-président de TF1, ne se faisait guère plus d’illusions le lundi », alors que dans un autre article de la même édition, il indique que « Raffarin hésite ».
Bref, on y aura droit et le constat reste donc toujours le même que précédemment (cf. L’actualité des médias n°8) : qu’elle ait lieu ou pas, l’effet d’annonce a été énorme, et le changement de ton stratégique, L’Humanité (2 septembre) notant que « la politique réalité a fait long feu » car TF1 parle désormais d’ « émissions citoyennes ». Et, au final, on se retrouve avec deux projets : « TF1 prépare une deuxième émission de politique-réalité » selon Stratégies, du 5 ; le 12 septembre, Mougeotte dans le même magazine affirme que « 36 heures » « n’est pas une émission mort-née ».
Quant au Point (11 septembre), il nous apprend que Nicolas Sarkozy « a tourné le pilote d’une émission politique d’un nouveau genre pour Canal + : une promenade dans Paris, filmée sous tous les angles, en, discutant à bâtons rompus avec un journaliste, Serge July ». " Nouveau genre " en effet... Bref, ça les démange...
– France Télévisions. C’est de bonne guerre, puisque c’est une sorte de guerre : France Televisions a rebondi en usant de la tactique du contre-pied. Lors de sa conférence de rentrée, Marc Tessier et Christophe Baldelli, PDG et DG, ont résumé leur grille - suivez mon regard - à « 0 % de télé-réalité et 100 % de sens » (Newsletter de CB News, 2 septembre, ou interview de Baldelli dans le JDD du 7 septembre). Résultat : l’excès de confiance, pour France-Soir du 2 : « l’audience de l’intelligence » (gonflé de la part du journal qui fait ses choux gras sur « 36 heures ») et le message du Figaro (qui ne voulait pas de « 36 heures ») avec « une télévision ’’qui tire vers le haut’’ ».
– TF1. Offensive tout azimut ... TF1 peut bien se moquer du " sens " tant que ses résultats sont en hausse (de 23,1 % au premier semestre, Le Figaro Economie, 9 septembre) et qu’il a toujours faim (cf. l’interview de Patrick Le Lay dans Les Echos du 10 septembre : TF1 « va devenir le leader français de la télévision payante »).
Mieux, TF1 « prend une participation » à hauteur de 12 millions d’euros dans le quotidien gratuit Métro, " seulement " dans " un objectif financier " (Le Monde du 10 septembre) (cf. Métro, quotidien gratuit de l’Agence France Presse ?).
– M6 Du côté de M6, tout va très bien aussi, merci : en « bonne forme », la chaîne entend « dépenser de l’argent » pour s’inscrire dans « le mouvement de construction patiente d’une grosse chaîne généraliste » (Le Figaro Economie, 3 septembre). Bien sûr, lors de la présentation de sa grille, M6 non seulement ne s’est livré à aucune attaque contre la "télé-réalité" (elle en a de salées en stocks pour l’année), mais surtout s’est offert le luxe de prendre à revers le projet TF1 en s’enorgueillissant de recevoir Raffarin dans une émission traditionnelle dans ce genre d’exercice.
– Canal Plus. Côté petite phrase, Canal Plus fait dans le « plaisir avec du sens ». Mais, ce n’est un secret pour personne, la chaîne va mal. Lire « Canal plouf » dans Le Canard Enchaîné (3 septembre) qui évoque des « pertes abyssales » ou Le Nouvel Observateur qui détaille l’« opération sauvetage » (11 septembre).
– Secteurs interdits. Contrairement à ce que titre La Tribune (9 septembre), Bruxelles ne conçoit pas le projet de décret du gouvernement sur « l’ouverture des secteurs interdits à la publicité télévisée » (cf. L’Actualité des médias n°8) comme un « effort » mais le juge « inacceptable ».
– PAF. Beaucoup de choses. Le Groupe Suez, qui n’est pas marchand d’armes, mais fait dans l’eau, et qui est encore propriétaire à 36,45 % de M6 et pour moitié de Noos « tire un trait sur la communication » (Le Monde, 3 septembre). A vendre, donc.
Pour le Groupe Bertlesmann (« Bertelsmann en ordre de bataille », Enjeux de septembre, et « Gruner+Jahr à la veille d’une recomposition majeure », Le Figaro, 4 septembre), la vie est belle. Le co-propriétaire de M6, RTL, Prisma Presse ... « a annoncé mercredi, une hausse de 30 % de son résultat opérationnel au premier semestre » (Le Monde, 3 septembre).
Enfin, pour le Groupe Lagardère Média, la vie n’est que presque belle. Annonçant « un objectif de croissance supérieur à 5 % » (Le Figaro Economie, 9 septembre), il a dressé ses perspectives stratégiques centrées sur les médias audiovisuels et écrits. Car pour le reste, ce n’est pas la joie : essayer d’acheter Paris Première sans « enthousiasme », refuser de racheter les parts de M6 encore détenues par Suez. Le groupe Lagardère argue que « partager une position de contrôle avec le groupe allemand Bertelsmann », (son concurrent sur la presse magazine) ne l’intéresse pas. En fait, il y a une autre raison, moins avouable : si, sur le papier, Bertelsmann est propriétaire à 48,8 % de M6 - « car la loi française interdit à un étranger de posséder plus de 49 % d’une chaîne télévisée » - il en est officieusement (selon Le Nouvel Observateur du 11 septembre) totalement maître, en possédant 50 %, grâce à une astuce avec un « groupe allié ». Résultat : M6 n’a en conséquence « aucun intérêt stratégique ».
Ce qu’il faut retenir, c’est que le PAF est en pleine mutation (« en attente de recomposition », La Tribune, du 5 septembre) car il faut ajouter (sans oublier l’ouverture des secteurs interdits et le problème de la redevance) cette future loi sur les communications électroniques dont le Parlement doit débattre (cf. Enjeux de septembre) : un projet qui a déjà permis à TPS (TF1, encore) de lancer en test à Lyon, la télévision par ADSL, portant ainsi un « nouveau coup » à la TNT (Les Echos, 8 septembre).
– Chaîne d’information Internationale. Selon L’Express (rubrique " Indiscrets ", du 11 septembre), le rapport de Bernard Brochand mandaté par Raffarin pour donner son avis sur le « schéma opérationnel » de la future " CNN à la française ", préconiserait « une association TF1-LCI-France Televisions qui mènera à bien la construction du projet "CNN a la francaise", une chaîne dont la Une sera maître d’œuvre ». L’hebdomadaire s’amuse déjà à dénombrer les problèmes à venir : « le poids de l’investissement (public, ndr...) ; la difficile harmonisation des statuts des journalistes », Bruxelles, « et l’empilement, enfin, de chaînes à vocation internationale - TV 5, CFI, RFI, ou Euronews - laissées sur le bas-côté ».
– AFP. L’intersyndicale de l’agence « s’inquiétant de la situation financière » demande audience à Jean-Jacques Aillagon, ministre de tutelle (Le Figaro Economie, 9 septembre).
– PQR. Inquiétude également du côté des salariés de Nord Eclair et de La Voix du Nord : le groupe Socpresse, propriétaire de longue date du premier, lourdement déficitaire, et qui a récemment mis la main sur le second, a engagé, dans une des dernières régions comptant encore deux quotidiens régionaux, un processus de « synergie » qui se traduit par des « pages communes ». Pour l’instant...
Par ailleurs : « Thierry Becuwe, président de la Société d’exploitation de Nord Eclair, est parti et a été remplacé par André Soleau, directeur général de La Voix du Nord » nous apprend Presse News (n°211), alors que Philippe Caron, directeur de la rédaction de La Voix du Nord, crée la surprise en choisissant, à l’image de dizaines de journalistes du quotidien ces derniers mois, de partir dans le cadre de la clause de cession (disposition légale qui permet aux journalistes de partir avec leurs indemnités en cas de changement de propriétaire). Tous les détails de la fusion à venir, et envisageable, dans Libération du 9 septembre.
– PQN Economique. Roulement de tambour à l’occasion du lancement de la nouvelle formule des Echos (Groupe Pearson : Financial Times...), le lundi 15 septembre. Il passe au format du Monde, ce qui fait s’interroger Le Point (11 septembre, chapô) : « un nouveau concurrent du « Monde » est-il né ? » Question un tantinet stupide : outre que l’article commence par un démenti formel sur cette question de Nicolas Beytout, patron de la rédaction, le changement de format des Echos est notamment motivé par le choix d’être désormais imprimé... sur les rotatives du Monde.
La Tribune (12 septembre), évoque aussi la nouvelle formule de son concurrent direct, avec ce cordial : « Les Echos ont toutefois investi 7 millions d’euros dans ce lifting qui s’est traduit par une remise à plat de leur outil industriel et quelques frictions avec les ouvriers du livre ».
– Lagardère et VUP (Vivendi Universal Publishing - sic). Cela, il le clame haut et fort : « Lagardère fait de VUP sa priorité ». Tous les quotidiens économiques insistent là-dessus. Arnaud Lagardère s’est montré, comme doit le faire un patron « très offensif » écrit Les Echos. Projet de vente d’actifs isolés, réponse conciliante au questionnaire de Bruxelles... au diable donc « les mauvais augures » (Les Echos) et les « rumeurs » : le lobbying prend le dessus.
– NMPP. Rupture des négociations entre les syndicats et la direction parisienne, relatives à la réforme de Paris Presse Diffusion (« Risque de conflit aux NMPP », Le Monde, 3 septembre).
– Le Nouvel Economiste chez Bolloré ? En souffrance, le magazine économique joue son va-tout : s’il reste mensuel, il propose depuis le 6 septembre une version hebdomadaire « tabloïd » (Le Figaro Economie, 3 septembre). Henri Nidjam, propriétaire du titre, aurait, selon Presse News (n°211), également « présenté le dossier (de reprise) à Vincent Bolloré, l’un des seuls capitaines d’industrie médiatique à ne pas posséder de journal ».
II. LES INFOS
– Politique et télévision. Richard Michel, nouveau président de LCP (La Chaîne Parlementaire)- Assemblée Nationale (désigné par le président de l’Assemblée Jean-Louis Debré) « a la noble intention de réhabiliter la politique dans la cité », note Le Figaro Economie.
– Tendances 1. Le « spin doctor » est le gimmick du moment : « Des fils de pub aux spins doctors » (Le Figaro, 4 septembre), « le spin doctor de Raffarin » (L’Express, 4 septembre, au sujet de Dominique Ambiel, professionnel de l’audiovisuel devenu conseiller -influent- de Raffarin). Ce terme ne désigne en fait, qu’un vulgaire conseiller en communication politique. Modèle de cette (microcosmique) corporation : Alastair Campbell, conseiller du Premier ministre anglais Tony Blair. Campbell vient d’être contraint à la démission lorsque l’enquête officielle sur l’ " affaire Kelly " (cet expert en armements qu’on a retrouvé opportunément " suicidé " dans la campagne anglaise) a mis en évidence que les arguments blairistes en faveur de la guerre en Irak étaient largement " bidonnés " (cf. L’actualité des médias n°6).
– Tendances 2. « La presse s’enivre de suppléments vin » (Stratégies, 5 septembre) et fait la fête au salon de l’automobile de Francfort. Ce qui ne l’empêchera pas de s’égosiller sur la sécurité routière.
– Guy Birenbaum. Dans notre dernière édition, au sujet de Nos délits d’initiés, mes soupçons de citoyens de Guy Birenbaum (Stock), nous nous demandions de quelle façon cette nouvelle variante, « trash », de la série L’Omerta (dir. Sophie Coignard, ed. Albin Michel) et des écrits sur les " connivences ", serait médiatisée. C’est très mitigé, à l’exception des " branchés " et très parisiens Technikart (septembre) et Les Inrockuptibles (3 septembre) - dont il faut souligner l’engagement et la franchise (« pour ne pas tomber dans les travers justement dénoncés par ce livre, ne cachons rien. Guy Birenbaum est un ami de presque vingt ans »).
Le Monde prend ses distances : « incursions hasardeuses au pays des secrets » (30 août). Libération (1er septembre), offrant à l’auteur l’amicale rubrique « portrait », ne se prononce pas sur l’effet du livre : « cela pourrait être un pétard mouillé » ou sur son essence : « Plutôt cracheur dans le potage comme Beigbeder et son 99F ».
Le Parisien (8 septembre) malgré un titre accrocheur « le livre qui dérange », préfère aussi dans une grande brève utiliser la neutralité dépréciative.
Enfin, et c’est ici que cela devient franchement douteux, VSD, édition du 4 septembre, qui n’est pas connu pour sa sobriété propose des extraits du livre en exclusivité. Un traitement sensationnaliste par un magazine sensationnaliste, qui donne, au final, l’impression d’un coup d’épée dans l’eau (trouble) par ce procédé de marketing éditorial qui nous interroge sur la fiabilité tel ouvrage.
Mais, le 9 septembre, c’est le site Internet du Monde qui organise une discussion en ligne (chat) avec Birenbaum, après avoir publié des extraits du livre (des " bonnes feuilles " selon l’expression consacrée...)
Bref, il se vend bien [1].
– Algérie. Vigilance... Ce n’est pas terminé : « Répression contre la presse. Le directeur du Matin [...] et le caricaturiste de Liberté ont été arrêtés par les services de Police » (L’Humanité du 9 septembre ou bien Libération).
– Guerre d’influence. « Les Etats-Unis s’apprêtent à lancer une chaîne concurrente d’Al-Jezira » nous apprend Le Figaro Economie (2 septembre). Une chaîne qui ne diffusera à coup sûr jamais « Pouvoir et terreur, entretiens après le 11 septembre », le nouveau documentaire questionnant Noam Chomsky « la figure tutélaire de l’engagement contestataire » (Télérama, 10 septembre).
– Crédibilité et critique des médias. A signaler, une analyse de plus de Dominique Wolton, abonné à la rubrique " Rebonds " de Libération (8 septembre) et de Gaël Sliman, de BVA Opinion, pour citer son sondage sur « les Français et les médias ». Le titre au moins est assez pertinent : « Des relations paradoxales ». Le commentaire ne suit pas vraiment. Quant à la conclusion, elle est, disons, fort peu engagée et engageante : « Il subsiste, dans un pays à forte culture politique et idéologique une demande au-delà de l’information pour un renouveau de la politique. A tous les acteurs de se faire entendre. »
Signalons également, encore dans Libération, mais du 6 septembre : « Droit de regard sur le quatrième pouvoir » au sujet d’un « observatoire des médias qui devrait voir le jour fin septembre ».
III. LES JOURNALISMES
– Attentat. Contre l’automobile de Christine Clerc, du Figaro : « criblée de balles en Corse ». Jacques Julliard du Nouvel Observateur (11 septembre) : « Il n’y a pas que dans les dictatures que le journalisme peut être un métier dangereux ». Bon, il ne faut pas exagérer non plus...
– André Bercoff. Chargé la semaine précédente de mener une « mission d’information et d’audit » à France Soir (cf. L’Actualité des médias n°8), le voici - déjà - nommé directeur de la rédaction, en remplacement de Jean-Luc Leray qui part en compagnie de Philippe Bouvard (Le Figaro Economie, 11 septembre ou Libération du 12).
IV. LES RESSOURCES
– Livre. A paraître le 2 octobre, Le pouvoir du Monde. Quand un journal veut changer la France, du journaliste Bernard Poulet (rédacteur en chef à L’Expansion), aux éditions La Découverte. Un livre-enquête prudemment « qualifié de ’’ regard critique ’’ et écrit ’’ sans haine " » (Newsletter de CB News, du 2 septembre).
– Idées / Médiatisation des conflits. Le nouveau documentaire consacré au linguiste et philosophe Noam Chomsky : « Pouvoir et terreur, entretiens après le 11 septembre », programmé au MK2 Beaubourg (Paris).
Lire aussi, ce dossier au sujet de l’éthique du métier face aux conflits actuels : « La guerre d’Irak par ceux qui l’ont couverte » (L’Humanité, 2 septembre) et « L’instrumentalisation de la tragédie des twin towers par la Maison-Blanche » (L’Humanité, 12 septembre).
– Idées / Télévision. « La médisance télévisuelle, un genre qui monte » (de Macha Séry du et dans Le Monde, 8 septembre) ; « L’inimité menacée de disparition par la télévision ? » (Télérama, 3 septembre)
– Idées / Presse Masculine. Un article du sociologue Pascal Lardelier décryptant la presse masculine « Des hommes à la page » (Liberation, 10 septembre).
– Idées / Journalisme. Une analyse de Roger de Weck (journaliste allemand) : « Le journalisme malgré les médias » (Les Echos, 10 septembre) qui se termine ainsi : « Le journalisme veut informer, le média-monde divertit au sens propre et au figuré : il divertit de l’essentiel. Or l’essentiel, pour les journalistes, reste le journalisme ». CQFD
– Idées / critiques littéraires. Titre qui se passe de commentaire : « La pègre des lettres » de l’écrivain Jack-Alain Léger (Libération, 4 septembre). Au-delà d’une aigreur revancharde, de belles salves contre le microcosme.