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L’actualité des médias n°13 (28 oct.-18 nov. 2003) (2)

par William Salama,

Lire la première partie.

II. LES INFOS

  TF1-CII et Le Monde/ connivences . Information de Charlie Hebdo (5 novembre) au sujet de la tribune des parlementaires frondeurs parue dans Libération du 9 octobre : « Envoyée au Monde », le quotidien « garde dans ses tiroirs la tribune quelque jours et décide de ne pas la publier. En revanche, il publie une interview de Le Lay. Il est à noter que ce dernier (...) se vanterait souvent de contrôler Le Monde, grâce aux piges de Plenel, qui anime une émission sur LCI ».

 Critique des médias. Il y a des sujets vitaux, sinon "tendance", à faire fructifier : de la pathétique indignation de France-Soir (27 octobre) sur le fait que « Matignon doute de la "crédibilité des informations" de certains médias  » en passant par Télérama qui brosse le portrait de Pierre Carles (« Reporter réfractaire  », 29 octobre), à la critique fade et récupératrice du journalisme par Le Nouvel Observateur [1].

 Bernadette Chirac. La « comptabilité » du temps de parole de la « first lady » (sic) a divisé les sages du CSA qui ont rendu leur verdict, digne du roi Salomon (lire à ce sujet dans Libération du 18 novembre : « Le PS règle ses comptes de la droite avec le CSA »).

L’Express du 30 octobre n’a pas eu ce souci en consacrant un article sur le « succès médiatique et l’influence politique » de ... Bernadette Chirac (« Ombres et lumière ») . Et comme on n’y avait pas pensé, L’Express (qui cite Jérôme Monod) évoque carrément sa candidature à la ville de Paris : « un possible avenir politique de la première dame de France... dans la première ville de France  » (sic). Espérons que ce ne soit que pour le jeu de mot. Et après Le Nouvel Observateur (2 octobre) , VSD lui offre à son tour sa Une (« le vrai visage de Bernadette Chirac », 6 novembre, pour 2 euros 20).

  France-Soir. Que de rebondissements ... Fin août : André Bercoff est nommé conseiller de la direction de France-Soir pour se faire une opinion sur ce journal et mener une « mission d’information et d’audit ». La semaine suivante, il est nommé directeur de la rédaction.
Et voici le fruit de ses cogitations : « Après avoir été pendant quelques mois le "journal du téléspectateur" quand Philippe Bouvard avait pris la direction générale editing du titre, France Soir redevient le "journal du consommateur", selon le concept du nouveau directeur de la rédaction, André Bercoff. Les journalistes devront ainsi aborder l’information sous l’angle de la "consommation", et du "test". A titre d’exemple, lors d’un reportage sur une école spécialisée pour surdoués, le journaliste devra tester lui-même les différents cours dispensés dans la structure. » (CB News, 3 novembre). L’ école spécialisée de surdoués attendra... Jeudi 30 octobre, sur la ’’une’’ : « Testé pour vous. Mon Strip-Tease à domicile ». On ne se refait pas...
Mais France-Soir entend également tester l’ouverture de son capital « à hauteur de 49 % à un acteur de l’audiovisuel  ». Le journal serait « avec 20 000 exemplaires de plus (il en vend 74 000) à l’équilibre » selon Andréa Riffeser Monti, président du holding Monrif, propriétaire du titre (Figaro Economie 12 novembre). Le quotidien précise à son tour que « la sévère restructuration (de 302 à 129 salariés, ndr) a permis au titre d’abaisser nettement son point mort ». Autre motif de satisfaction : depuis Bercoff « le titre devient plus incisif  ».

 Petits soldats du journalisme/uniformisation de l’information. Sciences Po justifie son projet de création d’une école de journalisme par le fait qu’elle « fournit un grand contingent (sic) de diplômés aux écoles de journalisme (et) juge légitime de se positionner sur le créneau  » (Les Echos, 30 octobre). Ce qui n’arrange pas le CFPJ, en « passe difficile  » et mis en difficulté par ce coup bas de son ancien « partenaire privilégié ». Un problème qui sera cependant et temporairement en suspens, si l’on en croit Libération du 17 novembre (« Sciences-Po en mal de label presse »), puisque l’école risque de ne pas « être reconnue par la profession » avant deux ans (lire De la noblesse médiatique : la formation des journalistes selon Sciences Po).

Au sujet de la docilité des "Petits soldats du journalisme" et à proposer à François Ruffin (s’il envisage un tome 2 à son opus), cette perle, rapportée par Olivier Mazerolle, dont le portrait par Libération du 29 octobre vaut le détour : « ça râle dans les coins, mais avec les 35 heures et le rajeunissement des journalistes, la rédaction s’est beaucoup calmée ».

 International. Nouvelles livrées par Libération ce mardi 28 octobre.

En Espagne d’abord : la télévision publique (RTVE) a dû présenter des « excuses en direct au téléspectateur. (...) Au cœur de l’affaire, le traitement pour le moins partial de la grève générale du 20 juin 2002 », suite à une plainte déposée en « mars par (le syndicat) Commission ouvrière ».

Ensuite, en Italie, où l’on apprend que des journalistes de la presse écrite ont fait grève le 27 octobre « contre la réforme des retraites ».

 Marketing éditorial et connivence médiatique.« Une petite douleur à l’épaule gauche est avant tout une leçon d’humilité » ; « un récit vif, bien mené », par le « brillant rédacteur en chef et chroniqueur économique de TF1 et France info (erreur : France Inter - ndr), chantre autoproclamé du libéralisme et gourou du CAC 40 (sic) ». « Une petite douleur à l’épaule gauche »... Un ouvrage de Jean-Marc Sylvestre, que Le Figaro du 27 octobre a aimé « dans le registre hospitalier », et après ceux de « Philippe Labro » et « Christine Clerc » bien évidemment cités.
Signalons ce tir groupé dans Les Echos du 6 novembre (« la traversée des ténèbres » pour le Labro, et « un Sylvestre émouvant et transformé  » (sic) pour l’autre).
Et enfin, du moins pour cette fois, louons le Le Figaro (3 novembre) qui... loue les frères d’Arvor lesquels sortent avant Noël un livre sur la mer, ainsi que Françoise Laborde, qui écrit, quant à elle, sur sa mère et son Alzheimer.

 Marketing éditorial et connivence médiatique 2.
Sophie Coignard et sa Vendetta française n’avaient pas eu énormément d’articles ( "Une" de L’Express du 2 octobre et petite interview en rubrique "Lettres" (sic) du Figaro du 7 octobre). Le préjudice est réparé dans Paris-Match (6 novembre), mais également dans le journal qui l’emploie - Le Point (même jour)- avec un « Pour ou contre ». Il y a en effet « débat » sur ce livre capital...

 Edition et Irak. Trois sorties en une semaine révélent le gros besoin (mercantile ? égotiste ? militant ?) de certains journalistes revenus d’Irak, d’écrire « le roman-vrai » (sic) de leur travail : « l’Irak des journalistes » (dans Le Point du 6 novembre).

 Scrutomanie. Stratégies (6 novembre) nous apprend que l’institut Médiametrie offre de nouveaux points de repère aux annonceurs en classant les téléspectateurs selon leur « mode de consommation TV ». De cette abstraction marketing, notons les dénominations pour désigner ces « familles » créées : les « picoreurs », les « sélectifs », les « infomanes », les « bancs d’école », les « normés », les « boulimiques », les « esseulés ». Et ça suffit comme ça.

 Censure judiciaire. Emotion d’Alain Genestar de Paris-Match, qui relaie celle de Robert Badinter. Le patron du magazine d’information people et de soutien au gouvernement se plaint de ce que « la liberté de la presse est menacée dans l’indifférence générale » [2]. En question, ce projet de loi, approuvé par les sénateurs, lesquels « se sont donnés les moyens d’éviter (...) , la moindre publicité en cas de mise en cause dans une procédure pénale » et qui prévoit une« sanction lourde », c’est à dire ’’chère’’ (amende de 45 000 euros) contre la « presse d’investigation à la simple référence à l’existence d’une plainte pénale dans un article de presse jugé diffamatoire ».

A noter que depuis, Le Monde s’est réveillé : « Les sénateurs veulent restreindre la liberté d’investigation des journalistes  » (10 novembre). Maintenant, la profession se réveille (sur notre site : lire ce communiqué du SNJ).

  Amabilité interposée. Angelo Rinaldi (ex-Nouvel Observateur, "de l’Académie Française", s’il vous plaît), allume le dernier Jean Daniel (directeur du ... Nouvel Observateur) dans « Un dindon monte au ciel ». Et cela vaut la lecture ( Le Figaro Littéraire, 6 novembre).

  Sources d’information des actionnaires. 14% des actionnaires (1 450 000) lisent Le Figaro, 14, 5 % , Les Echos, 13 % La Tribune et 8 % Le Monde selon une étude relayée par Le Figaro Economie (15 novembre).

III. LES JOURNALISMES

 Daniel Schneidermann et connivence médiatique. Le dernier Schneidermann (Le Cauchemar médiatique) est chroniqué dans Le Monde Diplomatique : une chronique très aimable : (« son excellente émission », « l’importance de l’ouvrage », « une mise en garde salutaire  »). Etonnant, non ?

  Jean-Marie Cavada. Jeudi 6 novembre, ’’torpillage’’ du Monde : « Régionales : l’UDF sollicite Jean-Marie Cavada pour conduire la liste centriste en Lorraine ». Vendredi 7 novembre, Libération : « Cavada n’écoute pas Bayrou et fait une croix sur la Lorraine ».
Préfèrerait-il l’UMP ? - un "Indiscret" de L’Express, paru le 5 novembre : « Le PDG de Radio France, Jean-Marie Cavada, à qui l’on prête des ambitions politiques, a déjeuné avec Alain Juppé et le PDG de Radio France Internationale, Jean-Paul Cluzel, un proche du président de l’UMP, à l’origine de cette rencontre. Au menu, notamment, les prochaines échéances électorales (régionales et européennes) ».

  Philipe Alexandre. France-Soir a récupéré (d’on ne sait où d’ailleurs) en tant que ’’signature’’ Philippe Alexandre (le bien-heureux). Il nous tient depuis, et chaque lundi, en haleine avec sa finesse d’analyste politique ...
Il s’est fendu d’une chronique qui aurait été bienvenue dans la ’’Brosse à reluire’’ du Canard Enchaîné : « Chirac vers sa plus belle candidature » (27 octobre). Le 3 novembre avec « les jours comptés du soldat Raffarin », il continue de nous épuiser du haut de sa pompe : « plusieurs symptômes indiquent que ce gouvernement est entré en agonie, et son chef condamné. Les sondages certes, sont cruels mais un Premier ministre peut toujours laisser croire qu’il ne les lit pas  ». Enfin, le 10 novembre, coup de génie : « Le PS va plus mal que Raffarin ».

 Verbatim. De Christian Blachas (le monsieur pub de M6 et patron de CB News) au sujet de cette discipline : « je vous ferai remarquer que les plus extrêmes des maoïstes ou des trotskistes de 68 sont aujourd’hui à la tête d’agences de publicité, de société d’étude ou de marketing . Et ce sont peut-être eux les meilleurs manipulateurs » (Télérama, 5 novembre).
Ces sacrés trotskistes squattent les médias, alerte Marianne dans son numéro sur les « autres Francs-Maçonneries  » (17 novembre).<br /

IV. LES RESSOURCES

  Capitalisme Français et Médias. « Les grands groupes médiatiques confortent jour après jour leur position de dynasties inamovibles  ». Faits, chiffres et commentaires dans « Médias français, une affaire de famille » par Marie Bénilde, dans Le Monde Diplomatique de novembre.

 Médias américains. A signaler une analyse de Patrick De Beers reprenant les interrogations « d’un colloque sur les médias après le 11 septembre 2001, (...) , organisé à Gênes récemment  » en rapport avec la crise pérenne ou pas (c’est la question) du quatrième pouvoir (« Les interrogations des médias américains  », 16 novembre).

  Médias alsaciens. Un dossier de CB News (17 novembre) en forme de bilan et perspectives : « Journaux de l’Est cherchent offres d’emploi, urgent » ; « L’Alsace mise sur la vente au numéro » ; « France 3 Alsace s’apprête à lancer une télévision câblée  ».

  Marketing. « Les produits dérivés, maillon fort de TF1 » (Le Figaro Entreprises, 10 novembre), où l’on apprend que « le téléachat et les diversifications font presque la moitié du chiffre d’affaires (2624 millions) ». Un taux qui est passé depuis sa privatisation de 3 à 43 %.

 
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Notes

[1L’hebdomadaire qui consacrait sa ’’une’’, le 23 octobre aux « maîtres de la manipulation », la complète le 30 octobre avec « la face cachée du journalisme » (lire Le Nouvel Obs et les journalistes (1) et (2)).

[2En effet, seule L’Humanité signalait dès le 1er juin qu’une nouvelle étape s’apprêtait à être franchie dans la limitation de la liberté de presse avec l’adoption en première lecture de la loi Sarkozy-Perben. Selon ses articles 28 et 49, un juge d’instruction, un procureur de la République ou un officier de police judiciaire « peut requérir de toute personne, de tout établissement ou organisme privé ou public, ou de toute administration qui sont susceptibles de détenir des documents, de lui remettre ces documents sans que puisse lui être opposée l’obligation au secret professionnel  » . En clair, des perquisitions à domicile sont désormais possibles. Soria Blatmann de RSF : « un simple OPJ pourra obliger un journaliste à dévoiler ses sources simplement parce qu’il est susceptible d’avoir des documents intéressants pour l’enquête » .

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