I. Les Medias
– Distribution. Yves Sabouret quittera ses fonctions de PDG des NMPP [1] le 30 juin 2003. Charlie Hebdo (mercredi 7 mai) dans " La vie des Grands Fauves ", lui fait dire : « j’ai échoué pratiquement partout où j’étais. Aux NMPP, j’ai essayé de sauvegarder l’institution ainsi que les intérêts de mon patron Lagardère ».
Comme notamment, la réforme de PDP (Paris Distribution Presse) lancée le 12 mai et qui a déclenché la colère de sections CGT (Les Echos, 7 mai).
Le nom du remplaçant de Sabouret : Ghislain Leleu, un proche de Lagardère et un « fin connaisseur des organisations syndicales », croit utile de préciser l’hebdomadaire de la communication Stratégies (2 mai).
– Presse Spécialisée. La Croix (6 mai) propose un dossier : « Les grandes revues scientifiques repensent leur idéologie ». En questions : leur influence, l’autocensure et la responsabilité éditoriale face aux « détournements malintentionnés » du contenu de certaines de ces publications par les « réseaux terroristes », les rapports entre financeurs privés et recherche publique, un comparatif entre les mastodontes anglo-saxons (The Lancet, Nature) et les français.
– OJD 2002. Les chiffres de ventes au numéro ont paru (Stratégies ; CBNews ; Le Monde ; etc.). La PQR [2] s’effondre, la PQN [3] se maintient peu ou prou, la presse ado et télévision (inspirée des " StarAc " and Co) cartonne, les féminins se multiplient.
Seule bonne nouvelle mais paradoxale : un besoin d’analyse dont bénéficient Le Monde Diplomatique et Courrier International.
– Presse quotidienne nationale. Le 12 mai, L’Humanité a de nouveau mis sa forme au service de son fond et se lifte pour « mettre à la disposition » des « concitoyens un journal plus clair et plus combatif, plus dynamique et plus solidaire ».
– Presse Quotidienne Régionale. Stéphane Duhamel devient le PDG de La Provence (groupe Hachette Filipacchi Media) , en remplacement de Ghislain Leleu (qui va aux NMPP). Le fait qu’il a su contrer le quotidien gratuit Metro lui vaut un portrait élogieux du Figaro Economie (9 mai).
– " CNN à la française ". Il a été régulièrement question de la « CNN à la française » dans nos médias. Le Figaro Economie était bien informé, en annonçant la couleur le 5 mai 2003. A savoir que le Quai d’Orsay et le Ministère de la Culture s’était entendus sur le financement.
CFI 24, c’est son nom, prendra donc la forme d’un « GIP, associant l’audiovisuel public, l’AFP, des structures internationales et des groupes privés ». « Ni hostile ni servile » pour répondre les terme du rapport d’étape des députés, il sera « par nature dominé par les entreprises du service public » (La Tribune,15 mai)
Au final, le choix parmi les prétendants (RFI/France Télévisions ; LCI, I-TV et Alliance TV) s’avère plus délicat. Sans compter la question de la langue.
En revanche, ce qui est sûr c’est que l’Elysée (les fonds promis par l’Etat sont passés de 40 à 100 millions d’Euros) pèse de tout son poids pour que cette chaîne imprime un point de vue différent des concurrentes et donne notamment la vision du monde qu’a la France (en fait, l’Elysée ?).
Ce poids de L’Elysée dans ce dossier est tel que, toujours selon La Tribune (15 mai) « pris de vitesse par le gouvernement, qui a annoncé sa volonté de voir sélectionné avant l’été le futur opérateur [...] les députés ont écourté le travail de leur mission d’information [...] pour pouvoir peser dans le débat ».
– VUP-Hachette... Le « gouvernement est prêt à demander le rapatriement, total ou partiel, du dossier du rachat de Vivendi Universal Publishing par le groupe Lagardère ». Matignon invoque « l’exception culturelle » et l’argument libéral de l’« émergence d’un poids lourd capable de rivaliser avec Bertelsmann » .
La question du monopole est sémantiquement détournée : « le problème n’est pas que Lagardère se retrouve en position dominante. Mais qu’il y ait abus de positon dominante. ».
De son côté, Arnaud Lagardère interrogé par Le Figaro Economie (15 mai) joue aussi sur les mots : « Il existe de grands acteurs de l’édition totalement indépendants éditorialement, le groupe Lagardère est au moins aussi indépendant qu’eux ».
La liberté éditoriale est une valeur tant qu’elle fait vendre : Marianne (5 mai) dans« Editeurs, vos papiers » démontre comment de plus en plus d’éditeurs sont condamnés par la justice et pourquoi certains choisissent l’autocensure, quand d’autres prévoient des frais de justice dans leur budget.
Mais la liberté économique en est une autre et sur la question cruciale de la distribution, Arnaud Lagardère botte en touche : « c’est un autre sujet mais les chiffres mentionnés sont volontairement erronés. » (lire La concentration dans l’édition et ses effets, par Janine Brémond).
Bruxelles a jusqu’à juin pour donner son accord sur ce rapatriement.
– Bertelsmann. Beaucoup de mouvement. Le fonds d’investissement Cinven rachète à Bertelsmann sa presse professionnelle (700 titres) pour 1.05 milliards d’euros.
Il possède déjà le Groupe Moniteur et le Groupe Tests (baptisé Aprovia) racheté à Vivendi, l’année précédente. Le cynisme n’étouffe pas Le Figaro Economie (14 mai) : « Les fonds d’investissement ont toujours eu de l’appétit (sic) pour la presse professionnelle. Le modèle économique de ce média est sans doute rassurant : faible dépendance à l’égard de la publicité avec une diffusion assurée essentiellement par l’abonnement ».
Et puis en cas de coup dur, il reste toujours les plans sociaux : « Un plan social s’est traduit par 150 départs et un coût de 9 millions d’euros », rappellent Les Echos (« Aprovia recapitalise Groupe Test », 15 mai 2003).
– Prisma Presse. Interview d’Axel Ganz dans La Tribune du 16 mai. Décrivant sa stratégie marketing de diversification de ses « marques » en « produits » très « rentables », le PDG de Prisma Presse (Gala, Femme Actuelle, Télé-Loisirs, Voici, Capital...) annonce la création de nouveaux magazines : « Shopping » qui utilisera le logo de Femme Actuelle pour « bénéficier de sa puissance promotionnelle ». Un autre féminin devrait voir le jour en 2003 : « le secteur est plus attrayant que jamais ».
II. Les Infos
– Liberté d’expression 1. Libération, (5 mai « Dans les médias, la voix de son maître ») pointe qu’ « aucun grand employé de grande entreprise ne peut s’exprimer dans les médias sans l’aval de sa direction ».
– Liberté d’expression 2. « Projections de presse uniques voire « secrètes », conférence de presse pour seule source d’information, interviews courants d’air de quelques minutes, interviews groupées ne tenant pas compte des spécificités de chaque média »... A la veille du Festival de Cannes, Stratégies (12 mai) relaie le manifeste signé par 70 journalistes de cinéma qui dénonce la « mainmise des distributeurs et des studios sur l’exercice de leur métier ».
Olivier Bonard du Nouvel Observateur : « il ne s’agit de faire la révolution mais de lancer un signal d’alarme ». Ouf, on eu peur...
– Phénomène éditorial. Comment un numéro du magazine féminin Elle, avec Emmanuelle Béart en couverture, est devenu une vente exceptionnelle ? s’interrogent L’Humanité, Le Monde et Libération (respectivement 7, 11 et 12 mai).
– Anniversaire. Marianne : 6 ans et L’Express : 50 (seul le deuxième est salué par les confrères).
– Sensationnalisme. Que cherche Libération avec ce titre ? « La presse accusée d’incitation au dopage » (15 mai 2003). Nulle part dans l’article qui relate un procès de cyclistes, la presse n’est clairement accusée d’incitation ; on apprend que des sportifs recopiaient les noms des produits dopants dans les magazines.
III. Les Journalismes
– People. Stratégies (6 mai 2003), avec force exemples (Mamère, Rapp, etc.) nous apprend qu’ « il y a une vie après le journalisme ». Temps forts de l’article et qui surprennent : « passer du pouvoir de dire au pouvoir de faire », « plus on monte plus les places sont chères », « la crise de la quarantaine »...
– Anecdotique ou édifiant ?. Libération s’intéresse aux relations entre journaux et clubs de football : « Tribunes de presse ». Morceau choisi : « Au Progrès, depuis cette saison, trois journalistes suivent à plein temps l’OL (Olympique Lyonnais, ndr) avec mission d’écrire au moins un papier même quand il ne se passe rien » .
– Journalisme économique et communication.
Article recommandé notamment à ceux qui confondent communication et information.
Olivier Toscer, dans Le Nouvel Observateur du 15 mai, tape avec force dans la fourmilière en révélant les artifices de l’information économique. Laquelle, déjà, pied et poings liées par des croisements capitalistiques est de surcroît manipulée par ce qu’il nomme les « faiseurs de rois » et qui sont les Séguéla de la com’ économique.
Extrait : « Lorsque Anne Méaux s’occupait de Bernard Arnault, personne ne pouvait devenir directeur de la rédaction de son journal, La Tribune, sans le feu vert de la grande prêtresse de l’image. D’autres journalistes bien en cour ont trouvé une reconversion dans son cabinet, comme par exemple Marie-Thérèse Guiscard, passée de la rédaction du Point à Image 7, où elle s’est spécialisée dans « l’accompagnement » des plans sociaux ».
IV. Les Ressources
– En Librairie. Histoire des médias en France de la Grande Guerre à nos jours ; Fabrice d’Almeida et Christian Delporte ; ed. Flammarion ; col. Champs Université).
« L’histoire des médias reflète celle de la société. C’est tout l’intérêt de cette fresque historique [... qui se conclut] sous la forme de question : "les Français auraient-ils les médias qu’ils méritent ?" », (Le Figaro Economie, 12 mai).