Jusqu’aux mouvements « Balance Ton Porc » et « MeToo », les violences contre les femmes étaient la plupart du temps reléguées aux rubriques « faits divers » – perçues et montrées par les médias dominants comme des événements « extra-ordinaires ». Ainsi des féminicides : les clichés journalistiques, du « crime passionnel » au « drame conjugal » en passant par le « drame de la séparation », étaient monnaie courante.
La plupart des récits véhiculaient l’idée que les violences étaient de la responsabilité des femmes, inéluctables, ou sujettes à plaisanterie, contribuant ainsi à leur banalisation. Aujourd’hui, la prise en compte du terme « féminicide » par les médias constitue une avancée : ainsi son usage dans la presse quotidienne et nationale (sites web et agences de presse compris) est-il passé de 256 occurrences en 2018 à 2 151 en 2019 !
Si les mauvaises pratiques journalistiques sont loin d’avoir disparu (le traitement des Césars ou des mobilisations féministes du 7 mars nous en donne deux beaux exemples), un tournant a tout de même été amorcé. Un tournant accompagné, dans les médias, par la parution de nombreuses enquêtes, la multiplication de formations de journalistes, ou encore la constitution, dans certaines rédactions, de cellules spécialisées sur ces sujets.
Pour faire un point sur l’état du sexisme, aujourd’hui, dans les grands médias, nous essaierons donc de mêler deux approches : d’une part, une analyse des contenus et des récits médiatiques, qui permette de mettre en lumière la prégnance de stéréotypes sexistes, tout en cherchant à comprendre ce qui, dans l’organisation du système médiatique, les explique voire les encourage. Nous ferons ainsi, d’autre part, un état des lieux des rédactions (place des femmes, inégalités persistantes, organisation du travail sur ces sujets, etc.). Un panorama que nous mettrons en perspective avec les enquêtes et les témoignages publiés ces derniers temps sur le milieu journalistique.