Prologue
– La veille de la tenue de l’émission le collectif d’animation de l’Acrimed envoyait à Jean Lebrun une lettre où l’on pouvait lire notamment ceci : " Vous avez " invité " Laure Adler, la directrice de votre station, à Pot-au-feu, l’émission régulière qu’elle vous a confiée dans le cadre de la nouvelle grille imposée à la station, pour qu’elle s’explique en direct sur l’avenir de France Culture et réponde aux questions des auditeurs qui pourront se rendre à votre émission ce mardi 14 décembre. Sans doute certains d’entre eux trouveront-ils là une occasion d’exprimer leurs griefs. Mais s’exprimer n’est pas discuter, questionner n’est pas débattre. Interpeller (plus ou moins vivement) la directrice de France Culture ou réagir (plus ou moins passivement) à ses propos : telle est l’alternative, inscrite dans le dispositif même de l’émission, devant laquelle seront placés - nous le craignons - les auditeurs présents. ". Les allusions qui suivent à " telle association " et au " dispositif " qu’elle conteste font office de réponses.
[Générique]
Lebrun : Alors un Pot-au-feu consacré à France Culture. Je constate, Vincent Lemaire [ ?] - vous l’avez préparé avec Emmanuel Giraud [ ?] -, qu’il y a foule autour de lui… de nous, plus que mardi dernier quand Alain Juppé, l’ancien Premier ministre, était venu nous rendre visite. Alors notre thème : qu’est-ce qu’il faut attendre de France Culture ? Comment écoutons-nous France Culture ? Bon, le dispositif qu’on a adopté n’est pas tout à fait scientifique. A Pot-au-feu on travaille à la bonne franquette ; il ne va pas s’agir, comme telle association me l’a écrit hier soir, d’une intervention de la directrice de France Culture que je salue quand même, Laure Adler bonsoir, avec quelques intervention d’auditeurs. Le rapport de forces, vous l’avez vu, n’est pas en notre faveur, nous autres producteurs ou animateurs de France Culture ce soir. On va d’abord donner la parole aux auditeurs qu’on a choisis, en plus de tout ceux qui sont venus nous choisir, d’une façon, bon, pas vraiment scientifique mais un peu technique, Emmanuel Giraud. On a pris le courrier reçu par la direction depuis le mois de septembre et puis aussi, Emmanuel, le courrier de l’hebdomadaire Télérama.
– En quelques mots, le cadre et le cap son fixés :
1. " Le dispositif " : des lettres pré-sélectionnées pour être lues à l’antenne, un " premier cercle " composé on ne sait comment, et dont on ne sortira pratiquement jamais…Jean Lebrun laisse entendre - sans le dire - que les auditeurs invités sur le plateau l’ont été en fonction du courrier. On verra que les illustrations sonores font rarement état du mécontentement ; et que les invités au Bouillon Racine auront quelque difficulté à le faire. Invoquer la " bonne franquette " contre la " scientificité " (remarque ironique destinée sans doute à tel sociologue), permet de dissimuler la construction parfaitement délibérée de l’émission
2. " Notre thème " : tel qu’il est présenté, il élude d’emblée toute mise en discussion de l’orientation choisie pour la chaîne. C’est sur l’écoute de France Culture (comment l’écoutez-vous ? Pourquoi l’écoutez-vous, ) qu’est centrée la suite de l’émission : une question qui, aussi intéressante soit-elle, n’offre pas matière à une discussion. Les " invités " sont de simples témoins. Les arguments sont de simples témoignages. Le thème choisi impose même une apologie de France Culture. Peu importe que la stratégie de Jean Lebrun soit ou non toujours intentionnelle : il parle comme s’il existait une nature éternelle de France Culture, indépendante des salariés qui produisent la radio mais aussi de la direction et de ses choix. C’est à l’évocation de ce France Culture (qui génère des " pratiques d’écoute " peu ordinaires) que font appel les questions de Lebrun.
Alors peut commence l’Acte II : Comment disqualifier les auditeurs mécontents ?