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Intervention au FSE de 2003

Des télévisions associatives, des « Vidéos des Pays et des Quartiers »

par Guy Pineau,

Intervention de Guy Pineau au nom de la Fédération des Vidéos des Pays et des Quartiers (FNVDPQ), au Forum Social Européen de 2003, le 13 novembre 2003, Paris-La Villette.

Je vous apporte, tout d’abord, le salut fraternel et chaleureux de Nicole Alix, présidente de la Fédération des Vidéos des Pays et des Quartiers (FNVDPQ), qui, empêchée pour raison de santé, m’a demandé d’être sa voix, au FSE, aujourd’hui.

1. Des télévisions associatives se sont réunies au sein de la FNVDPQ

Différentes structures d’action vidéo sont nées à partir des années 70, époque à laquelle des militants se sont saisis d’un outil vidéo portable, pour exprimer leurs luttes et donner la parole à ceux qui en sont exclus. Après s’être rencontrées plus ou moins régulièrement pour visionner leurs programmes, échanger leurs expériences, se passer des conseils, elles ont décidé de se fédérer sous une forme structurée en 1984. Elles sont une composante importante du Tiers Secteur Audiovisuel (TSA), lui même partie prenante des médias alternatifs (incluant la presse et Internet), face à l’affirmation grandissante de médias nationaux et multinationaux dominants et un service public envahi de l’intérieur par la publicité.

2/ Ce qui les rassemble au-delà de leur diversité.

La charte de la Fédération qui compte maintenant une quarantaine de structures, stipule que les structures adhérentes se situent en dehors des circuits commerciaux qui ont pour but essentiel de faire de l’audience et du profit. Elles poursuivent une démarche autre que commerciale, de recherche d’audience intéressée. Il s’agit, notamment, de participer au développement local, d’animation, de sensibilisation des habitants, de leur mobilisation sur tel ou tel aspect de la vie quotidienne, de l’expression de revendication.

 Cette télévision fait de la télévision avec les gens et non sur les gens. Il y a dans cette démarche un refus de la « prédation » par les médias dominants, qui se « nourrissent » trop souvent des gens et « marchandisent leur butin » (la vie sociale, culturelle, leurs malheurs, leurs souffrances, leurs échecs et leurs réussites...).

 En ce sens cette télévision est participative, elle associe la population en l’aidant à s’approprier l’outil télévisuel, faisant ainsi, in situ, une véritable éducation aux médias (décryptage de l’image, apprentissage à l’expression audiovisuelle, etc.), avec patiente, ténacité et une continuité bien éloigné des pratiques des médias qui nous gouvernent.

 Cette télévision est ainsi une manière de coproduire du sens en commun (par le moyen télévisuel), de tenter de créer des formes nouvelles d’expression visuelle autre. Elle prend en compte l’identité culturelle, linguistique et patrimoniale locale en la dynamisant. Elle est partie prenante de leur lutte, elle permets aux citoyens de (re) devenir sujet intervenant.

 Cette télévision est une télévision solidaire du territoire au sens économique, , elle vise à revitaliser le pays le quartier, le pays, trop souvent bien maltraité par les grands moyens de communication, qui ne perçoivent que les événements médiatiques qui font de l’audience, véritable tyrannie médiatique. En ce sens, cette télévision participe d’une économie durable et solidaire.

 Cette télévision joue un rôle social en s’articulant à la vie de zones d’habitation en lutte pour sa reconnaissance, sa prise en compte positive, ainsi elle est un outil de communication et de solidarité entre les habitants quelquefois en difficulté, toujours en quête d’expression qui leur est propre.

 Le fonctionnement de ces TV associatives constitue un moyen d’accès à la maîtrise des techniques et à même à une certaine professionnalisation. Les métiers de l’audiovisuel, restant trop souvent soumis à une forte loi de reproduction sociale dans le milieu professionnel confiné dans les grands centres de production, Paris en ce qui concerne la France.

 Cette télévision est de proximité, elle part et parle du local, mais en relation avec le reste du monde : elle n’est pas clôturée mais en résonance avec d’autres « locals » lointains, tel Le journal International des quartiers, soutenu par la FNDVPQ qui connecte du local de Catalogne, du Venezuela (Télétamborès) de la Belgique et de la France.

3/ La grande diversité des TV associatives en France

Les TV associatives sont extrêmement variées selon les situations et les projets. Une certaine autorégulation consensuelle, avec une recherche d’objectivité, lorsque le média local est en situation de monopole de fait en matière de télévision locale (TéléMillevaches avec « Le Magazine du plateau », et sa tonalité écologique et d’économie solidaire et durable), ou certaines télévisions locales du câble, véritables télévisions locales de service public. Certaines reflètent fortement l’identité d’une région (Aldudarrak Bideo en pays basque). D’autres projets sont liés très fortement à des démarches d’insertion sociale et culturelle (O2Zone, à Airbel-Marseille, Télémaillebois à Longuenesse dans le Nord, ou Canal Nord à Amiens) et d’autres encore, à l’opposé, se développent en projets alternatifs, voire activistes, avec des contenus plus en rupture par rapport à la télévision dominante, faisant place à une contre-culture et/ou du " public accès " sur le modèle " Offener Kanal " allemand (Cf. Ondes Sans Frontières). Enfin, autres encore , développent , tel Vidéon ( Télévision de l’Essonne qui a mis en place des outils d’échange et de mutuellisation) des liens de solidarité avec le Sud, notamment l’Afrique sub-saharienne.

L’attention portée aux programmes de ces télévisions associatives renforce le sentiment d’une extrême diversité, certains faisant preuve d’une créativité qui ne manque pas quelquefois d’inspirer les grands médias installés toujours à la recherche de "concepts" et "formats" nouveaux.

4/ Ce qu’elles souhaitent voir évoluer en France et en Europe

Deux grands axes pour s’en tenir à l’essentiel :

 Pour une politique publique française et européenne de soutien aux médias alternatifs
Face à un tout commercial et audimétrique envahissant l’espace public qui devient un espace publicitaire, la FNVDPQ revendique le droit pour les télévisions d’exister : pas seulement par une reconnaissance juridique formelle mais également par des moyens d’exister réellement et pour se développer. C’est ce qui positionne au-delà de la FNVDPQ, l’ensemble des TV associatives sur une revendication commune : celle de la création d’un mécanisme de soutien appuyé sur une contribution provenant des investissements publicitaires, véritable impôt indirect au profit des entreprises. À côté de cet éléments financier déterminant, il est nécessaire de créer un statut juridique européen propre à ce type d’activité citoyenne. Enfin il convient que chaque instance nationale réserve des fréquences dédiées aux télévisions (et radios) participatives alternatives.

Ce politique publique de soutien qui devrait exister au plan national comme au plan européen serait une garantie pour le développement d’un espace public qui devrait enfin prendre toute sa place face à l’espace publicitaire des annonceurs. Ce type de mécanisme est la seule façon d’objectiver l’attribution des aides selon des critères définis en associant les partenaires du secteur. Il éviterait d’être par trop dépendant de subventions de collectivités territoriales soumises à des variations idéologiques, politiques. Comme le montre les difficultés actuelles de certaines télévisions locales pour financer leur diffusion à la suite du refus de la Ville et de la Région. On ne peut, à cette occasion, que regretter la position frileuse, pour ne pas dire plus, des élus parisiens sur la question de la télévision associative sur le câble de la capitale.

 Pour une solidarité avec les télévisons associatives en Europe et dans le monde. La Fédération, développe depuis plus de 10 ans et encore, récemment lors de sa seconde université Européenne qui vient de se tenir dans le Sud de la France (Albi), des solidarités avec des télévisions étrangères, européennes ou non (Belgique Venezuela, Canada, Espagne, Allemagne). Elle s’engage maintenant, et c’est une première étape, dans la création d’un réseau européen de télévisions associatives, prévoyant des échanges, des projets de contenu et des luttes en commun pour obtenir un large droit de cité et les moyens de vivre en Europe.

Guy Pineau
Fédération Nationale des Vidéos des Pays et des Quartiers.
Présidente Nicole Alix
23, rue François Simon
13003 Marseille
info@vdpq.org

 
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