Donc, ce qui est troublant, mais ne nous trouble pas vraiment, c’est la constitution spontanée d’un club d’admirateurs réservé (presque réservé) aux éditocrates en chef (qui ne laissent que très rarement à des sans-grade le soin de sortir la brosse à reluire et le cirage).
La réunion de ce club d’admirateurs est d’autant plus révélatrice qu’ils s’accordent sans se concerter. Les importants consacrent un important car seuls des importants peuvent reconnaître l’importance d’un important.
Alain Duhamel, Pape de l’éditocratie, est ainsi entouré de cardinaux.
Habemus papam
Aujourd’hui, Alain Duhamel ne chronique plus, sauf omission de notre part, que sur RTL, dans les colonnes de Libération et des Dernières Nouvelles d’Alsace. Mais son rayonnement demeure.
Lors de sa tournée de promotion de sa dernière encyclique – quinze jours environ dans le médiacosmos –, le si bien ajusté à la fonction osa cette remarque subversive :
D’où l’on doit sans doute déduire que c’est un essayiste particulièrement anticonformiste que remercièrent les cardinaux.
Habemus des cardinaux
Car nombreux furent ces cardinaux qui vinrent baiser l’anneau pontifical à l’occasion de la parution de sa nouvelle encyclique [2].
- Dans L’Express, le 15 septembre, c’est à Christophe Barbier, directeur de la rédaction, qu’il revient d’honorer « le plus expérimenté des politologues français » ! En choisissant (comme par hasard) de souligner, parmi les huit « pathologies » diagnostiquées par le Pape des expérimentés, qu’il « fustige l’égalitarisme à la française » (c’est dans le titre).
- Le Figaro, le 16 septembre, propose un entretien d’Alain Duhamel avec Patrice De Méritens (sans grade connu). Présentation ? « On ne présente plus Alain Duhamel qui suit depuis plus d’un demi-siècle la politique française et qui en est l’un des observateurs les plus affûtés. […] Actuellement éditorialiste à RTL, chroniqueur Libération et aux Dernières Nouvelles d’Alsace (DNA), il se transforme pour cette rentrée de précampagne présidentielle en médecin clinicien au chevet d’une France affaiblie. »
- Sur Europe 1, le 16 septembre 2016, lors de la « Matinale », Jean-Pierre Elkabbach (qu’on ne présente plus) reçoit Alain Duhamel, qui fut jadis son compère [3], par ces mots qui résument une complaisante hospitalité : « Bienvenue, presque chez vous ». Alain Duhamel, en effet, fut chroniqueur sur Europe 1 de 1974 à 1999 [4]. On se doute que l’entretien fut particulièrement corrosif.
- Sur Public Sénat, le 16 septembre 2016 (soit le même jour…), Jean-Pierre Elkabbach (qu’on ne présente toujours pas) reçoit Alain Duhamel dans « Bibliothèque Médicis, magazine présenté par Jean Pierre Elkabbach » et récite les mêmes extraits du Livre que sur Europe 1.
- Le Point [5], le 17 septembre 2016, abandonne à Laureline Dupont (sans grade connu) la rédaction de l’inévitable éloge du Souverain Pontife.
- Le Nouvel Économiste, le 21 septembre, confie à Philippe Plassart, rédacteur en chef, le soin de rédiger un résumé décomplexé qui ne retient, sans le moindre parti-pris on s’en doute, que l’une des huit « pathologies » recensées par Alain Duhamel, comme le surligne le titre même de l’article : « L’égalitarisme, une pathologie française ».
- Les Échos, le 23 septembre, offre à Henri Gibier, directeur des développements éditoriaux, l’occasion de témoigner de son admiration pour Alain Duhamel : « Parvenu à l’âge des bilans, le prince des chroniqueurs politiques, celui qui a marqué plus d’une génération de commentateurs de la vie publique, se livre à une introspection virtuose : non pas la sienne, ce n’est pas son genre, mais celle des Français. »
- Le Monde [6], le 24 septembre, délègue à Gérard Courtois qui est ou qui fut directeur éditorial, le soin de saluer « un diagnostic pénétrant, où se rejoignent l’observation sans pareille, depuis quelques décennies, de notre vie politique et une curiosité intacte pour en comprendre les ressorts ».
- Pour Paris Match, le 24 septembre, c’est Bruno Jeudy, rédacteur en chef au service politique et économie de l’hebdomadaire, qui se charge de présenter « un essai efficace, très documenté et très agréable à lire ».
- Sur France Inter, le 26 septembre, dans l’émission « L’invité de 7 h50 », Léa Salamé, sacrée en 2015 « meilleure intervieweuse de l’année » par ses pairs [7], reçoit Alain Duhamel pour un entretien. Le tapis rouge est déroulé avec une rare prévenance, l’auteur étant invité à commenter, sans la moindre objection, un résumé de son œuvre.
- Dans Libération [8], le 26 septembre, c’est au tour de Laurent Joffrin, directeur de la rédaction et de la publication du quotidien, spécialiste et bénéficiaire, parmi d’autres, des copinages et des renvois d’ascenseurs [9], de déclarer sa flamme. Admiration ou flagornerie ? À vous de juger :
L’éditocratie, une cléricature laïque ?
Henri Maler
Annexe : Sources [10]
- L’Express, 15 septembre : « Alain Duhamel fustige l’égalitarisme à la française », par Christophe Barbier.
- Le Figaro, 16 septembre : « Alain Duhamel : “Cette campagne présidentielle sera celle de la grande discorde” ». Entretien avec Patrice De Méritens.
- Europe 1, 16 septembre 2016 lors de la « « Matinale », « L’interview de Jean-Pierre Elkabbach » : entretien avec Alain Duhamel.
- Public Sénat, 16 septembre 2016 : entretien dans l’émission « Bibliothèque Médicis, magazine présenté par Jean Pierre Elkabbach ». L’émission est encore visible en ligne.
- Le Nouvel économiste, le 21 septembre : « L’égalitarisme, une pathologie française », par Philippe Plassart.
- Le Point, 17 septembre, « Docteur Duhamel ausculte les maux politiques français », par Laureline Dupont.
- Les Échos, 23 septembre, « La France, un grand corps politique malade » par Henri Gibier.
- Le Monde, 24 septembre : « Le mauvais caractère politique des Français », par Gérard Courtois
- Paris Match, 24 septembre : « Alain Duhamel prend le pouls de la France », par Bruno Jeudy.
- France Inter, 26 septembre, dans l’émission « L’invité de 7h50 » : entretien d’Alain Duhamel avec Léa Salamé.
- Libération, 26 septembre : « Alain Duhamel au chevet de la France », par Laurent Joffrin.