Dès le sous-titre, le quotidien niçois évoque, indulgent, des « maladresses » qui auraient « alimenté le soupçon ». Première question : en affirmant qu’il n’y avait eu aucun contact entre les policiers et Geneviève Legay, le procureur a-t-il « communiqué trop vite » ? Pour Nice Matin, il a certes parlé « dans un premier temps sur la base d’informations lacunaires », mais il l’a fait… « dans un souci louable de transparence (sic) ». Comme le note Raphaël Pradeau, porte-parole d’Attac, sur Twitter, la question qui se pose est surtout de savoir si le procureur n’a pas menti ; puisque dès le samedi un PV de la police indiquait que c’était bien un policier qui avait poussé la manifestante – comme l’a révélé Mediapart.
À propos du procès, Nice Matin note qu’un juge d’instruction de Nice, « magistrat complètement indépendant du pouvoir politique », va être en charge de l’enquête et que le dépaysement de l’affaire n’a pas été retenu par le parquet d’Aix-en-Provence, « estimant que le juge d’instruction pouvait enquêter en toute impartialité et sérénité ». Tout va bien dans le meilleur des mondes ? Sauf que l’auteur de l’article omet de préciser qu’aucune annonce officielle n’a été faite sur la question du dépaysement – et qu’il tient son information… de l’avocat du policier mis en cause, comme le rapporte Arrêt sur images. Il oublie également de préciser que l’avocat de Geneviève Legay a renouvelé sa demande de dépaysement suite aux récentes révélations de Mediapart : selon le site d’information, la policière chargée de l’enquête ne serait autre… que la compagne du policier mis en cause. Un contexte, il est vrai, parfaitement « serein » pour l’enquête.
Mais ce n’est pas tout. Comme le note Raphaël Pradeau, Nice Matin balaie d’un revers de main l’hypothèse d’une subornation de témoin. Les policiers ont en effet interrogé Geneviève Legay, qui a indiqué à ses filles « qu’une policière avait essayé de lui faire dire qu’il s’agissait d’un caméraman à côté d’elle qui l’avait poussée [1]. » Mais pour le quotidien niçois, rien de plus normal : « la question de la policière sur la présence d’un journaliste à ses côtés semble légitime puisqu’au départ de cette affaire, un cameraman semblait, dans un premier temps, être impliqué dans la chute de Mme Legay ». Or la personne qui a mentionné la présence d’un cameraman n’était autre… que le procureur lors de sa première conférence de presse.
À la question : « Geneviève Legay a-t-elle été frappée ? » L’article fait bien mention des témoignages évoquant un coup de bouclier, voire des coups de pieds de la part de policiers. Mais Nice Matin ne manque pas de rappeler aussitôt la version du procureur, selon laquelle Geneviève Legay aurait « heurté un plot ». Et d’ajouter, plein de sagesse : « policiers, avocats, magistrats savent par expérience que rien n’est plus fragile qu’un témoignage humain ». Et aucun titre de presse n’est plus servile que Nice Matin ?
Eric Scavennec
P.-S. : Attac a envoyé une demande de droit de réponse à Nice Matin, sans réponse au moment où nous écrivons ces lignes.
P.-P.-S. : Nous avons publié un article qui revient plus en détail sur le journalisme de préfecture, dont Nice Matin livre ici une belle illustration.