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" Affaire Alègre " : un trou de mémoire de J.-F. Kahn

par Patrick Lemaire,

" Nous avons regretté, comme beaucoup, que certains médias colportent de prétendues informations sur des soirées sado-masochistes auxquelles Dominique Baudis aurait participé. D’emblée, nous n’y avons pas cru et nous avons montré que cela ne tenait pas la route. "

Ainsi commence l’entretien donné par Jean-François Kahn à la revue Médias (n°2, sept. 04) à propos de la crédibilité des journalistes. Sur quatre pages, le patron de Marianne livre une réflexion qui fourmille d’exemples.

Le principal concerne ainsi l’ " affaire Alègre ". Les assertions mettant en cause Dominique Baudis ne tenaient pas debout, assène " JFK ". " Cinq minutes de réflexion auraient dû suffire à écarter ces rumeurs. Qu’un ancien maire [1], un centriste modéré qui a peur de son ombre, qui regarde à droite et à gauche chaque fois qu’il fait un pas, qui ne dit jamais un mot plus haut que l’autre, aille dans un bouge de sa ville, se livre à des horreurs devant des dizaines de personnes qui peuvent le dénoncer dès le lendemain, ça ne tient pas debout. C’est tellement effarant que nous avons - comme d’autres - essayé d’analyser comment les médias pouvaient intoxiquer et être intoxiqués comme cela. "

Kahn livre de multiples détails censés éclairer la mécanique médiatique. Mais il en oublie un : Marianne a été le premier organe de presse à " balancer " Baudis.

Début mai 2003, l’" affaire Alègre " n’est qu’un fait divers parmi d’autres, relégué loin à l’intérieur des journaux parisiens. Patrice Alègre est un tueur condamné en 2002 à vingt-deux ans de réclusion pour plusieurs homicides et viols. Mais, en Haute-Garonne, des gendarmes (la cellule " Homicide 31 "), persuadés que toute la lumière n’a pas été faite sur son parcours criminel, ont rouvert le dossier. Dans son numéro du 12 mai 2003, Marianne [2] présente les résultats de leurs investigations, en particulier de récentes " révélations " faites par une prostituée. Elle met en cause des policiers toulousains, et un magistrat qui " serait au courant de leurs agissements : le système de corruption, mais aussi des parties "fines" organisées en présence d’au moins deux avocats toulousains et autres notables ". Et l’hebdo continue : " dans l’emballement, le nom du maire de Toulouse est même cité ".

On connaît la suite : dimanche 18 mai, Baudis (président du CSA) s’offre rien moins que le " 20 heures " de TF1 pour dénoncer la rumeur, une " saloperie ", une " machination "... et donne du coup à l’affaire un retentissement maximum [3].

Jean-François Kahn est décidément trop modeste...


Trois ans plus tard , Marianne célèbre son amnésie - À l’occasion de la diffusion par France 2 du téléfilm Notable donc coupable, inspiré de l’ « affaire Alègre », Marianne (6 octobre 2007) reproche au Monde de « flagelle[r] l’ensemble des médias » quant à la mise en cause de Dominique Baudis. Le Monde a écrit : « Le journalisme est tombé bien bas cet été-là. Tous les médias sont tombés dans la surenchère. » Non, réplique l’hebdomadaire, « Marianne et le Canard enchaîné ont refusé de participer au lynchage. Notre différence n’était pourtant pas passée, à l’époque, inaperçue. » Ce n’est pas en répétant un mensonge qu’il devient une vérité… (Post-scriptum du 9 octobre 2007)

 
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Notes

[1A l’époque des faits allégués, Baudis était encore maire (note d’Acrimed).

[2Sous le titre : " Putes, cocaïne, notables et flics ripoux à Toulouse. Une affaire trop belle pour être vraie ? ”....

[3" Depuis, il n’y a plus de rumeur. La rumeur, ensemble de cris et de chuchotements, a été dépassée, peut-on lire dans Marianne du 26 mai (sous une autre signature que le 12 mai), en ouverture d’un " papier " de quatre pages. Il n’y a pas de faits non plus. De faits avérés, prouvés, vérifiés. Juste des accusations portées par d’anciennes prostituées qui auraient participé à ces soirées. Et ces accusations sont terribles. Elles seraient terribles, si elles étaient vraies. Ce serait alors le scandale sans aucun doute le plus énorme de la Ve République. " On applaudit le tour de force. Ce n’est que bien plus loin, après un récit récapitulatif du dossier, que l’on pourra lire : " C’est dans ce contexte que Dominique Baudis décide d’intervenir, de prendre les devants, alors que le juge ne l’a pas convoqué et que son nom n’a jamais été évoqué qu’une seule fois dans la presse (Marianne en l’occurence, mais sans intention accusatrice). " Un chef d’œuvre journalistique, dans le genre hypocrite. Encore bravo.

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