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Actualité des médias n°1 (janvier 2017)

par Benjamin Lagues, Jérémie Fabre,

Avec cet article, nous ouvrons une nouvelle série d’information mensuelle sur l’actualité des médias. La série précédente – « L’actualité des médias (2003-2010) » – avait été interrompue après son n°78.

I. Du côté des rédactions et des programmes


Une enquête de Mediapart sur Marianne
… révèle (entre autres) un financement du journal par Bernard-Henri Lévy.

Dans un long article (payant) daté du 31 janvier et intitulé « La face cachée de Marianne », Mediapart révèle entre autres que le journal Marianne a été financé par BHL pour promouvoir ses grandes œuvres culturelles ; que son actionnaire principal, Yves de Chaisemartin, a nommé un directeur de la rédaction favorable à François Hollande (en l’occurrence Renaud Dély) pour mieux bénéficier des aides de l’État ; et que des « partenariats » (en réalité des publicités déguisées) ont été signés avec des grandes entreprises pour publier des articles favorables. Quelques jours plus tard, Renaud Dély, directeur de la rédaction de Marianne, a « répondu » à l’article de Mediapart. Sa réponse n’apporte aucune réfutation sur aucun des points soulevés par Mediapart.


Motion de défiance des salariés d’Europe 1 contre leur direction

Les salariés d’Europe 1 ont voté, le 19 janvier dernier, une motion de défiance contre leur direction, composée de Denis Olivennes et Richard Lenormand. Parmi les raisons invoquées à l’appui de cette motion de défiance : les baisses d’audience (Europe 1 est passé à 8,1 % d’audience, loin des 10 % promis par Denis Olivennes en 2010, lorsqu’il est arrivé à la direction de la radio de Lagardère), le manque de communication interne suite aux changements décidés par la direction, les heures supplémentaires accrues et non compensées et enfin l’augmentation du nombre de contrats précaires. Les salariés d’Europe 1 demandent des investissements de la part de l’actionnaire de la radio, Lagardère Active, et la titularisation de « tous les salariés indûment employés en contrats précaires ».


France TV arrêterait l’émission « AcTualiTy »

France Télévisions aurait décidé d’arrêter l’émission « AcTualiTy ». Cette nouvelle émission de la saison 2016/2017 ne serait, selon France Télévisions, pas assez suivie pour être pérennisée. Acrimed avait analysé cette émission dès l’automne 2016 : alors que celle-ci était présentée par la présidente de France TV comme une émission destinée à « expliquer l’actualité dans un langage plus vrai, plus simple et sans cynisme », nous avions plutôt constaté qu’ « AcTualiTy » était en réalité « un programme de divertissement parmi d’autres qui, sous couvert de “décryptage”, tombe dans des travers malheureusement bien connus : dictature du “buzz”, peopolisation de la politique. » L’information a été démentie par France 2, mais il semble que l’émission soit néanmoins sur la sellette.


II. Du côté des propriétaires et des entreprises


Bergé, Niel et Pigasse et l’indépendance du Monde

Un nouvel accord a été trouvé entre le trio Pierre Bergé, Xavier Niel et Matthieu Pigasse (propriétaires à 64 % du Groupe Le Monde via leur holding Le Monde libre) et le Pôle d’indépendance du Monde (33,5 %). L’accord de 2010 prévoyait qu’au delà de 110 millions d’euros investis par le trio BNP, cet argent pouvait être converti en capital, ce qui aurait dilué la part du Pôle d’indépendance et annulé sa minorité de blocage. Le trio BNP a accepté de déconnecter les droits du Pôle d’indépendance de son capital, par la création d’une « action d’indépendance ». Cette dernière maintiendrait les droits du Pôle d’indépendance malgré la dilution de sa part de capital, et donc de la disparition de sa minorité de blocage. Il est permis d’en douter...


Après SFR, Bouygues Telecom cherche à proposer de la presse à ses abonnés

D’après le quotidien économique Les Échos, le groupe Bouygues Telecom est en passe de créer son propre kiosque presse et de le proposer à ses abonnés. Seul le quotidien sportif L’Équipe est nommé pour l’instant. Cette évolution s’inscrit dans la dynamique de concentration verticale des groupes médiatiques français, qui vise à faire converger les tuyaux (les infrastructures télécom) avec les « contenus » des médias.


M6 compte racheter RTL

Tous deux filiales du groupe allemand Bertelsmann, le groupe M6 va racheter à RTL Group son pôle radio français, qui compte RTL, RTL 2 et Fun Radio. En créant un groupe multimédia de 1,24 milliard d’euros de chiffre d’affaire et en fusionnant les services commerciaux et les régies publicitaires, cette stratégie s’inscrit pleinement dans la tendance à la concentration des médias en France. Pour être officiellement lancée dès l’été prochain, l’opération doit encore être acceptée à la fois par le Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA) et par le gouvernement luxembourgeois, RTL Group étant basé au Luxembourg.


Conflit gelé entre Bolloré/Vivendi et Berlusconi/Mediaset

Les groupes de télécommunications Vivendi (propriété du milliardaire français Vincent Bolloré) et Mediaset (propriété de la famille Berlusconi en Italie) se sont entendus l’année dernière pour s’allier et tenter de contrer l’arrivée de Netflix en Europe. L’accord prévoyait des prises de participation croisées, et la prise de contrôle de Vivendi sur le bouquet payant Mediaset Premium. Mais en juillet dernier, Vivendi y a finalement renoncé au prétexte que la valeur du bouquet avait été surestimée, et a changé radicalement de stratégie en rachetant 30 % des parts du groupe Mediaset en quelques jours. La famille Berlusconi, se sentant menacée de perdre le contrôle sur son groupe, a entrepris de racheter elle-même des parts de Mediaset et a porté plainte devant la justice italienne pour opération hostile et manipulation de marché. Le conflit est depuis gelé, en attente des décisions de justice.


TF1 à la recherche de « temps de cerveau disponible » sur YouTube

Après avoir lancé ses propres chaînes YouTube destinées à promouvoir certaines de ses émissions, la chaîne de Martin Bouygues a acheté récemment des parts dans le second réseau de chaînes françaises YouTube, Finder, et dans le quatrième réseau mondial, Studio71. L’objectif dans les deux cas : augmenter les recettes publicitaires de TF1. Par exemple, la prise de participation au réseau Finder permet à la régie publicitaire de la chaîne de Bouygues de commercialiser de la publicité sur les chaînes YouTube de ce réseau.


III. Du côté des institutions


Carole Bienaimé Besse confirmée au CSA

Nommée au Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA) par le président du Sénat Gérard Larcher, la productrice Carole Bienaimé Besse devait encore être approuvée par les trois cinquièmes nécessaires de la commission Culture du Sénat. Un vote qui n’allait pas de soi, après la révélation par Le Canard enchaîné (25 janvier 2017) de trois condamnations pour des impayés (vis-à-vis d’auteurs et de réalisateurs) pour un total de 34 787 euros.


Patrick de Carolis condamné à de la prison avec sursis pour favoritisme

L’ancien président de France Télévisions Patrick de Carolis a été condamné le 20 janvier à cinq mois de prison avec sursis et 25 000 euros d’amende pour favoritisme dans l’attribution de contrats avec la société Bygmalion (la même société qui est impliquée dans l’affaire des comptes de campagne de Nicolas Sarkozy pendant la campagne présidentielle de 2012). Patrick de Carolis a été reconnu coupable d’avoir passé des contrats de services sans mise en concurrence pour un montant total de plus d’un million d’euros, et a fait appel de cette décision.


Le droit de la presse menacé
… par une proposition de loi sur le délai de prescription.

Par une proposition de loi votée par l’Assemblée nationale en mars 2016 (et actuellement en cours de discussion au Sénat), les parlementaires menacent la liberté de la presse, considère le Spiil (Syndicat de la presse indépendante d’information en ligne). Cette liberté, protégée par la loi de 1881, serait ainsi menacée par le prolongement « de trois mois à un an du délai de prescription de l’action publique et de l’action civile des infractions de presse de droit commun lorsqu’elles sont commises sur Internet ». Cette disposition introduit donc une discrimination entre presse numérique et presse traditionnelle, et, selon le Spiil, génère une « insécurité juridique, voire éditoriale » pour la presse numérique.


Jérémie Fabre et Benjamin Lagues

 
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