Le 28 août, Valeurs actuelles publiait un article raciste, flanqué d’un dessin figurant la députée Danièle Obono (France insoumise) en esclave nue les chaînes au cou. Tollé (quasi) général de la classe politique et médiatique, feignant de découvrir l’eau tiède… et la ligne éditoriale d’une publication d’extrême droite comptant, parmi de nombreux faits d’armes, l’exploit d’avoir été condamnée à deux reprises en une semaine pour provocation à la discrimination [2]. C’était en 2015, sous la direction d’Yves de Kerdrel. Aujourd’hui, de Kerdrel Yves exhibe sa « triste[sse] de voir cet hebdomadaire […] salir ainsi une députée et banaliser un racisme odieux. Cela traduit la dérive extrémiste de ce journal qui se met en place depuis mon départ. » (Twitter, 29 août).
La bouffonnerie de l’ancien directeur du magazine fait écho à celle des plus hautes sphères de l’État. Emmanuel Macron affirme aujourd’hui sa « condamnation claire de toute forme de racisme » (cité par Le Parisien, 1er sept.), mais posait hier en Une de l’hebdomadaire, en bras de chemise, pour une confession en « tête-à-tête » autour de l’immigration. « Un très bon journal » plaidait-il alors, paraphrasé par Marlène Schiappa, qui revendiquait fièrement fin août avoir « donné une interview à Valeurs actuelles, peut-être même plusieurs », sans que cela revienne à « encourage[r] ou crédibilise[r] » le journal (France Inter, 31 août). Et pourtant si… Cette dernière remettait d’ailleurs le couvert le 5 novembre pour un entretien exclusif.
Mais cette légitimation n’est pas seulement l’apanage du gouvernement (et de la classe politique plus largement, gauche comprise). Le champ où Valeurs actuelles a su, au fil des dix dernières années notamment, se tailler une place de choix, reste surtout celui des grands médias.
Des journalistes plébiscités par les patrons et les chefferies éditoriales
Le mercato 2020 aura sans doute mis un coup de projecteur inégalé sur les indignations sélectives du huis-clos journalistique. À la suite de « l’affaire Obono », le rédacteur en chef de Valeurs actuelles Geoffroy Lejeune voit s’interrompre une collaboration quotidienne de trois années avec LCI… mais trouve refuge chez Cyril Hanouna (C8), où il est embauché comme chroniqueur. Le PDG de TF1 Gilles Pélisson estime que « ce qu’a fait Valeurs actuelles est indigne de notre époque » (Le Monde, 2 sept.)… mais LCI continue de recevoir des journalistes de l’hebdomadaire en plus de salarier Éric Brunet, qui en est une ancienne plume [3].
Valeurs actuelles suscite l’effroi… mais sa tête d’affiche Louis de Raguenel est propulsé à la tête du service politique d’Europe 1. Les salariés d’Europe 1 s’indignent… mais Charles Villeneuve, vice-président de la société éditrice de Valeurs actuelles (Valmonde), reste une « grande voix » de l’émission hebdomadaire de débat de la station d’Arnaud Lagardère, et « omniprésent dans la rédaction » selon un témoin cité par Le Monde (5 sept.). Marc-Olivier Fogiel, directeur général de BFM-TV, affirme qu’ « aucun propos raciste n’est acceptable »… mais donne son aval pour recruter la rédactrice en chef adjointe de la rubrique « France » de Valeurs actuelles, Solange Bied-Charreton, en tant qu’éditorialiste politique dans l’émission « 22h Max ». Pendant ce temps, les têtes d’affiche de l’hebdomadaire (Charlotte d’Ornellas, Gilles-William Goldnadel, Jean-Claude Dassier, Tugdual Denis, Raphaël Stainville, etc.) continuent de jouer à touche-touche sur les chaînes d’info, de manière plus ou moins régulière.
Avec cette petite coquetterie du service public : si « Les Informés » (France Info) semblent s’être séparés de François d’Orcival (jusqu’à quand ?), ils continuent leur collaboration avec Arnaud Benedetti, chroniqueur « Politique » chez Valeurs actuelles. La différence ? Le premier était présenté comme « éditorialiste chez Valeurs actuelles » ; le second, selon les cas, comme… « Professeur associé à la Sorbonne à Paris, spécialiste de communication politique » ou « Rédacteur en chef de la Revue Politique et Parlementaire ». La banalisation passe aussi par le déguisement. Et il est systématique : Arnaud Benedetti intervient sous couvert de ces étiquettes dans chacun de ses (très nombreux) passages médiatiques : du 1er septembre au 23 novembre [4], il a cumulé pas moins de 66 interventions sur les plateaux de France Info, Sud Radio, CNews, BFM-TV, LCI et Public Sénat.
Alors bien sûr, il arrive que des journalistes protestent. En septembre, la société des rédacteurs d’Europe 1 – subitement prise de pudeur – s’est « farouchement » opposée à la nomination de Louis de Raguenel en tant que chef du service politique. Effarouchement dont aura eu raison, comme ailleurs, l’autoritarisme de la direction [5] : Raguenel sera finalement chef adjoint du service politique… sourit la direction. Un événement qui nous rappelle combien certaines sociétés de rédacteurs ou de journalistes pèsent sur les orientations éditoriales. Mais surtout combien les directeurs et patrons de chaînes chérissent les journalistes de Valeurs actuelles, et autres éditocrates réactionnaires qu’ils promeuvent.
Il faut dire que les bonnes relations – presque organiques – entre Valeurs actuelles et le patronat ne datent pas d’hier. Depuis le début des années 1990, les actionnaires majoritaires du groupe Valmonde (qui édite Valeurs actuelles), sont tous des piliers du capitalisme français : le financier milliardaire Marc Ladreit de Lacharrière en 1993 (via sa société Fimalac Communication) ; puis, en 1998, Serge Dassault (dont le fils, Olivier Dassault, député LR, est toujours vice-président de Valmonde) ; le géant pharmaceutique Pierre Fabre à partir de 2006 (via sa holding personnelle Sud Communication) et enfin, depuis 2015, l’homme d’affaires franco-libanais Iskandar Safa (via son groupe Privinvest). 92e fortune française qui, comme le relevait une longue enquête de Bastamag (sept. 2019), multiplie les affaires dans la construction navale, civile et militaire, notamment avec l’Arabie Saoudite [6]…
Le patronat n’a par ailleurs jamais eu à se plaindre du magazine : la rédaction de Valeurs actuelles a toujours fait preuve d’une absolue servilité vis-à-vis de l’ordre économique dominant. À titre d’exemple, les Unes (peu nombreuses) que le titre consacre aux questions économiques font la part belle à Agnès Verdier-Molinié, grande thuriféraire du capital et pourfendeuse des services publics [7].
Des journalistes (très) insérés dans les réseaux politiques
Les cris « antisystèmes » de Valeurs actuelles sont aussi forts que l’est leur insertion dans les réseaux de pouvoir. Dans deux articles publiés à un an d’intervalle dans Le Monde [8], Ariane Chemin et François Krug chroniquent, sur la période récente, les entrées des membres de Valeurs actuelles dans la sphère politique. Et pas des moindres : ainsi Louis de Raguenel « travaill[ait] au ministère de l’Intérieur sous Claude Guéant, […] s’y était lié d’"amitié" avec Sylvain Fort, futur proche conseiller d’Emmanuel Macron ». La rédaction toute entière a par ailleurs « toujours reçu un très bon accueil à l’Élysée. Au printemps 2019, Macron avait convié Lejeune et d’Ornellas à la remise de Légion d’honneur de l’ami Michel Houellebecq, une cérémonie en très petit comité. » Cérémonie qui se conclura en toute intimité, lorsque « Brigitte Macron emmène un petit groupe de reporters de Valeurs actuelles, privilégié mais esseulé, visiter le Palais. »
Rien de nouveau, toutefois : dès 2016, peu après la création de LREM, Emmanuel Macron entreprenait un déplacement privé au Puy du Fou au cours duquel seuls deux journalistes étaient priés de l’accompagner : « Sébastien Valiela, photographe de l’agence Bestimage de Michèle Marchand, et Tugdual Denis, de Valeurs actuelles ». Et les deux journalistes du Monde de poursuivre : « On retrouve même la trace de Valeurs actuelles dans le scandale [Benalla] […]. Charles Villeneuve a enchaîné les rencontres avec [lui] avant ses auditions devant la commission d’enquête du Sénat, lui prodiguant quelques conseils. Puis, à l’automne, Valeurs actuelles publiait une interview avec l’ancien chargé de mission à l’Élysée. » Le 16 septembre, c’est au tour de Camille Pascal, ancienne plume de Valeurs actuelles et ancien conseiller de Nicolas Sarkozy, d’être recruté au cabinet de Jean Castex, et ce « malgré [une] condamnation pénale. » (Capital, 17 sept.).
Si les membres de l’hebdomadaire naviguent gaîment entre réseaux macronistes et sarkozystes, ils sont également tout particulièrement insérés dans les milieux catholiques d’extrême droite : de Charlotte d’Ornellas, membre du conseil d’administration de SOS Chrétiens d’Orient [9] à Geoffroy Lejeune, qui ne cache pas sa proximité avec Marion Maréchal, « une de [ses] amies les plus chères » (cité par Le Monde, 8 sept.). Des sympathies qui plus est historiques : avant de rejoindre Valeurs actuelles en 1987, « qu’il dirigera pendant six ans avant d’entrer à LCI », Patrick Buisson, ex conseiller de Sarkozy, a passé six années à l’hebdomadaire d’extrême droite Minute (dont une en tant que directeur de la rédaction) (L’Obs, fév. 2012). C’est également le cas d’Arnaud Folch et de Cyril de Beketch, ayant « commencé leur carrière à Minute » avant de rejoindre Valeurs actuelles, où ils officient encore aujourd’hui en tant que directeurs délégués de la rédaction (Libération, fév. 2016).
Et ce n’est qu’un aperçu… Les tickets d’entrée de ces rédacteurs dans le champ politique sont multiples. Et leur pratique assidue du « journalisme » de coulisse se traduit par la publication d’essais intimistes et racoleurs, depuis Le mystère Villiers (Arnaud Folch, 2006) à La Vérité sur le mystère Fillon (Tugdual Denis, 2020), en passant par Une élection ordinaire (2015), dans lequel Geoffroy Lejeune imagine l’élection d’Éric Zemmour à la présidence de la République… Autant d’ouvrages qui valent à leurs auteurs de sympathiques tournées chez les confrères fascinés : « Mon confrère et ami Tugdual Denis a écrit un livre de cuisine. Absolument passionnant […]. [C’est] quelqu’un qui a fréquenté pendant un an François Fillon, sa famille, ses enfants, ses amis […]. C’est un roman vrai » (André Bercoff à propos de La Vérité sur le mystère Fillon, Sud Radio, 30 juin).
Loin d’être des marginaux, ces journalistes sont donc issus du sérail, familiers des milieux politiques, économiques, « intellectuels » ou même sportifs [10] qu’ils fréquentent, investissent, et desquels ils tirent une légitimation et un carnet d’adresses.
« Investissez les médias » : une longue ascension
La rédaction de Valeurs actuelles bénéficie également des fortes connexions de certains de ses membres au sein de grands médias, où ils ont occupé des postes-clés. Ainsi Jean-Claude Dassier, membre du comité éditorial de Valeurs actuelles, a-t-il été par le passé directeur général de LCI, ancien rédacteur en chef des journaux d’Europe 1, son directeur adjoint de l’actualité puis son directeur de la rédaction. Il a également occupé des positions de pouvoir dans la direction d’Eurosport et de TF1.
Entre Bouygues et Valeurs actuelles, c’est même une histoire d’amour : Charles Villeneuve fut présentateur/producteur à TF1 (après avoir été directeur de la rédaction d’Europe 1 puis journaliste à Paris-Match) et Étienne Mougeotte (président de Valmonde), vice-président du groupe et directeur d’antenne. La télévision publique ne manque pas à l’appel : anciennement directeur de cabinet du président du CSA, Camille Pascal a été recruté par Patrick de Carolis comme directeur général adjoint de France Télévisions en 2006 (passant outre l’avis défavorable de la Commission de déontologie) avant de passer secrétaire général du groupe puis directeur de sa communication.
Les liens sont tout aussi forts avec la presse d’opinion (de droite) et la presse économique. À partir d’Europresse, le sociologue Abdellali Hajjat a construit pour son enquête une base de données afin de mesurer la « surface médiatique » occupée par les principaux auteurs de Valeurs actuelles depuis mars 2000 [11]. Cherchant d’abord à « rendre compte de la circulation [de ces derniers] d’un média à un autre », le sociologue montre que « la majorité des journalistes et chroniqueurs·euses de VA sont d’abord passés par Le Figaro, Les Échos, L’Express, Le Point, etc. »
À propos du Figaro, Abdellali Hajjat postule même un « lien organique », ce que confirment Ariane Chemin et François Krug dans l’enquête du Monde précédemment citée : actuel rédacteur en chef de Valeurs actuelles, « Raphaël Stainville [fit] un passage au Figaro Magazine » ; directeur général de Valeurs actuelles en 2012, Yves de Kerdrel était auparavant journaliste au Figaro ; « à l’époque journaliste à Valeurs actuelles, [Alexis Brézet est] aujourd’hui directeur des rédactions du Figaro. Et désormais, c’est le directeur adjoint de la rédaction du Figaro, Vincent Trémolet de Villers, qui tient la chronique [« La Lettre de M. de Rastignac » (Valeurs actuelles)] sur son temps libre ». François d’Orcival a quant à lui collaboré à la fondation du Figaro Magazine (où il continue de rédiger des éditos) en 1977, période à laquelle il était rédacteur en chef de Valeurs actuelles.
Cette conquête des hautes sphères médiatiques, et de la « respectabilité » qui en découle, l’hebdomadaire en a fait une stratégie éditoriale et politique. « "Investissez les médias", c’est le conseil que leur avait donné en 2012 le spin doctor de Nicolas Sarkozy, Patrick Buisson » rapporte Le Monde (9 sept.). Un conseil qui a porté ses fruits, si l’on s’en tient à l’accueil que leur réservent les confrères : « Quand on est bons, on nous signe. Et c’est vrai que depuis quelques temps, on sait se faire de plus en plus inviter » se flattait François d’Orcival dans Le Parisien (3 sept.)
Connaissant les plateaux sur le bout des ongles, les chroniqueurs savent également tirer profit des pires mécanismes médiatiques. « Dans la petite bande de trentenaires qui dirige Valeurs actuelles, on se flatte de posséder "un radar à bad buzz" » peut-on encore lire sous la plume des journalistes du Monde. Ils poursuivent en citant le livre « fiction » de Geoffroy Lejeune, où ce dernier « divulgue » les « stratégies » de Valeurs actuelles : « Le magazine était coutumier des titres racoleurs. La presse tombait systématiquement dans le panneau, reprenant leurs couvertures les plus hardcore pour en faire des scandales. » En effet. En août 2020, l’article raciste ciblant Danièle Obono s’est certes soldé par une « indignation » (quasi) générale, mais les têtes d’affiche de Valeurs actuelles ont tout de même fait le tour des plateaux pour… s’en « expliquer ».
En définitive, sur les dix dernières années notamment, nombreux sont les journaux, télés ou radios à avoir accueilli les membres de Valeurs actuelles à bras ouverts. Pour des interviews, ou pour leur confier ce qu’il est convenu d’appeler un « billet d’humeur ». Dans l’enquête précédemment citée, Abdellali Hajjat met des chiffres sur cette sur-représentation médiatique, observée entre 2000 et 2020 en particulier dans l’audiovisuel :
Il s’agit surtout de RMC (4080 participations), Europe 1 (3480), LCI (2086), I>TELE (568) devenue CNews (470) et, dans une moindre mesure, BFM TV (877), RTL (693), Arte (425), Radio Classique (345), France Info (337), France 5 (330), La chaîne parlementaire (325), France Inter (317), etc. Les émissions les plus ouvertes aux collaborateurs·rices de VA sont celles qui sont animées par des chroniqueurs·ses de ce même hebdomadaire (Carrément Brunet sur RMC, L’édito de Catherine Nay sur Europe 1, Les Grandes gueules sur RMC, etc.) et les émissions d’actualité politique (Le Débat sur LCI, 28 minutes sur Arte, On refait le monde sur RTL, C dans l’air sur France 5, etc.)
Un exemple édifiant : au début des années 2010, déjà membre de Valeurs actuelles, Geoffroy Lejeune était chroniqueur au « 22H » de Public Sénat et intervenait sur i-Télé, dans l’émission « On va pas se mentir » (présentée par Léa Salamé, Marc Fauvelle puis Audrey Pulvar). En 2014, il participait à « L’humeur du jour » sur Europe 1. En 2015, c’était une voix des « Coulisses de la politique », émission de Sud Radio. En 2018, il rejoignait chaque jour la matinale de LCI pour deux « billet[s] d’humeur "dans un ton corrosif" » où il restera deux saisons durant (Le Figaro, août 2018). En 2020, il est encore une « vraie voix » de l’émission éponyme de Sud Radio et salarié chez Hanouna. Bref, à 32 ans, Geoffroy Lejeune aura écumé un nombre considérable de grands médias (surtout privés).
Chemin faisant, la situation se normalise. Et les éditorialistes de l’hebdomadaire sont (comme leurs idées), banalisés, voire considérés comme des interlocuteurs incontournables malgré la relativement faible diffusion de leur journal [12]. Un exemple significatif : sur France Inter, Sonia Devillers, que l’on peut difficilement soupçonner de partager la ligne de Valeurs actuelles, n’hésite pas à inviter Geoffroy Lejeune (et Yves de Kerdrel avant lui [13]) pour papoter de pluralisme, de Zemmour ou encore de « terreur médiatique » dans l’ « Instant M » (17 déc. 2019), son émission consacrée à l’analyse des médias.
Indignation, digestion, réhabilitation
C’est à la lumière de telles connexions et d’une telle histoire qu’il faut comprendre le communiqué publié par Valeurs actuelles à la suite de « l’affaire Obono » en septembre dernier. Un communiqué dans lequel la rédaction présente ses excuses à la députée insoumise… tout en « contest[ant] fermement les accusations [de racisme] » ! L’objectif : redorer le blason du magazine. Ne pas gâter les fruits récoltés de longue date dans les sphères médiatique et politique. Assurer les conditions d’un « retour à la normale » le plus rapide possible, même si, évidemment, Valeurs actuelles n’est pas devenu raciste le 28 août 2020, pas plus qu’Éric Zemmour ne s’est réveillé islamophobe le matin de son discours à la « Convention de la droite » maréchaliste…
Et ce fut chose faite : le tollé public est bien vite retombé, et la réhabilitation médiatique semble d’ores et déjà acquise à moindre frais. Sans que la moindre conséquence ne soit tirée : Valeurs actuelles était, reste et restera fréquentable [14], son insertion dans les réseaux politico-médiatique jouant à plein.
Dans l’indifférence générale, ou presque. Des réactions ou critiques se font jour ici et là, comme celle du Monde, qui s’échauffe par exemple dans un éditorial « contre la banalisation du racisme » (1er sept.) : « L’ennui est aussi que les jeunes journalistes plus à droite que Marine Le Pen qui animent Valeurs actuelles ont micro ouvert en permanence sur plusieurs chaînes d’information télévisée en continu, dont ils alimentent le moulin à polémiques. » Salutaire réveil…
Mais Le Monde n’a pas encore ouvert les deux yeux. Presse de « référence », radios et télés publiques seraient en effet bien inspirées de mettre fin à leurs amnésies opportunes, en regardant en face leur contribution à la banalisation de l’extrême droite, qui ne date pas d’hier. Et qui, comme nous le décrivions dans un précédent article, ne se mesure pas seulement à la surface qu’occupent les chroniqueurs de Valeurs actuelles et autres agitateurs réactionnaires dans l’espace médiatique...
Pauline Perrenot
Post-scriptum : Le journal de référence s’insurge donc contre la « banalisation du racisme ». Mais pratique-t-il autre chose que cela lorsque le directeur du Monde des livres, Jean Birnbaum, décide de confier le monologue de clôture d’un « Forum philo » du Monde (sur le thème de l’identité) à… Alain Finkielkraut, défendant la théorie complotiste du « remplacisme global », l’autre nom du « grand remplacement » [15] ? Le même Jean Birnbaum pratique-il autre chose que la « banalisation du racisme » lorsqu’il choisit de titrer une interview avec le même académicien « "Avec le LSD, on était tous à égalité, on riait beaucoup" » ?
Depuis le temps, de telles galanteries ne font plus rire personne. Mais sans doute serait-ce trop demander à ces grandes plumes que de questionner en profondeur la complaisance médiatique vis-à-vis des agitateurs racistes. A fortiori quand, comme le décrit Sébastien Fontenelle [16], ces derniers sont issus des milieux intellectuels bourgeois parisiens, partageant, avec les journalistes qui leur servent la soupe, les privilèges des hautes sphères… au rang desquels figure l’impunité.