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Une bien étrange entreprise : le Centre de formation et de perfectionnement des journalistes (CFPJ)

par Elodie Gabillard,

En cette rentrée 2013, nombreux sont celles et ceux qui ont intégré une école de journalisme. Certains ont rejoint les bancs d’un des établissements les plus prestigieux : le Centre de formation et de perfectionnement des journalistes (CFPJ) dont la réputation doit beaucoup à celle de son « grand frère », le Centre de formation des journalistes (CFJ) qui dispense une formation initiale et a vu passer bon nombre des journalistes les plus célèbres officiant dans les médias français. Et, pour certains stagiaires du moins, c’est avec des idéaux de liberté et d’indépendance plein la tête qu’ils pénètrent au 35 rue du Louvre. Mais, soumis à des impératifs de rentabilité de plus en plus envahissants, le CFPJ demeure-t-il en mesure de leur transmettre et de faire vivre la liberté d’informer ?

La naissance d’une industrie

En juillet 1946, au sortir de l’Occupation, deux résistants, Philippe Viannay et Jacques Richet fondent le Centre de formation des journalistes. L’initiative a pour but, selon les mots de Louis-Guy Gayan [1] de « réapprendre la liberté et d’abord, la première d’entre elles : celle de s’exprimer » [2].

En 1969, le CFJ décide de développer la formation continue des journalistes en créant le Centre de perfectionnement des journalistes (CPJ). Devenu aujourd’hui le CFPJ Médias [3], il accueille des apprentis journalistes ou des professionnels qui souhaitent se perfectionner. Si le CFJ demeure une entité à part - il s’agit d’une association loi 1901 à but non lucratif avec un conseil d’administration propre et un budget distinct -, il contribue à la renommée du CFPJ qui aime à s’ériger en « école de référence ». Pourtant, les objectifs de la formation continue n’ont plus grand-chose à voir avec ceux affichés par les fondateurs : on y apprend désormais à « Optimiser son référencement naturel » ou à « Monétiser son site ».

C’est, qu’entre temps, une « industrie de la formation » est née. En 2003, le groupe CFPJ est racheté par Edition Formation Entreprise (EFE), une société appartenant à Patrice Bougon, ancien avocat spécialisé en optimisation fiscale. Marie Ducastel en est la directrice générale, aujourd’hui présidente du directoire. Outre le CFPJ, EFE rassemble une poignée de sociétés telles que l’Institut Supérieur du Marketing ou encore l’Institut du Call Center. En 2011, Patrice Bougon vend 20 % d’EFE à Creadev, une entreprise d’investissement appartenant à la famille Mulliez, laquelle est, par ailleurs, via son Association Familiale Mulliez (AFM), actionnaire majoritaire des sociétés Auchan, Décathlon ou Saint-Maclou. En 2012 Creadev détient 80 % du groupe CFPJ.

Quelle que soit l’emprise de la famille Mulliez sur le contenu des enseignements, il est en soi problématique que la mission de former celles et ceux qui seront chargés d’informer le public en toute indépendance, devienne une activité lucrative et commerciale comme une autre, soumise aux appétits financiers de puissances économiques privées.

Le marketing pour gouverne

Le nouveau mot d’ordre de la rue du Louvre ? Rentabilité. Pour varier les plaisirs – et accessoirement multiplier les sources de revenus – le Groupe CFPJ a développé toute une série de spécialisations. Le CFPJ International, par exemple, se consacre à la formation initiale et continue des journalistes étrangers ; tandis que le CFPJ Entreprises forme les professionnels des entreprises, administrations, collectivités et associations à la stratégie de communication, aux relations presse ainsi qu’au « leadership ». Résultat : au 3e étage, on forme des journalistes à poser des questions, tandis qu’à l’étage supérieur des gens apprennent à les esquiver [4] !

« Notre première responsabilité c’est de coller à la réalité », argue Marie Ducastel. Peu importe le visage de cette réalité. Véritable « industrie de la formation professionnelle » selon les mots de la présidente du directoire, le CFPJ doit générer des profits quitte à rogner sur la qualité de l’apprentissage : « il y a beaucoup de formations dont on considère qu’elles seraient utiles pour la profession mais comme personne ne s’inscrit, on ne peut pas mettre un formateur tout seul dans une salle vide. » Voilà qui explique sans doute la disparition de formations telles que « Décoder les budgets municipaux » aux profits d’autres dont les intitulés – « Rédiger pour être compris » ou « Écrire avec les bons mots » – semblent davantage s’adresser aux écoles primaires qu’à des professionnels de l’écriture…

Suivant cette logique d’industrialisation de la formation, les stagiaires se transforment en « clients » – pour répondre à leurs interrogations, le CFPJ a même mis en place… un « service client ». La formation n’est plus qu’un produit à écouler, destiné à générer du profit : « au CFPJ Médias, quand un contrat avec une entreprise conséquente se prépare, en dessous de 65 % de marge brute, il est nécessaire d’en référer à la direction », témoigne une source interne. Et, comme par hasard, depuis que le CFPJ est une filiale du groupe Mulliez [5], les exigences gestionnaires semblent prendre le pas sur toute autre considération.

Du salariat déguisé ?

L’une des dernières stratégies du groupe consiste à faire passer tous les journalistes formateurs aux honoraires. En matière de précarité, le CFPJ n’était pourtant pas en reste : jusqu’à présent, les journalistes formateurs étaient embauchés sous des CDD d’usage d’une semaine. Pour certains formateurs qui enseignent au CFPJ depuis une dizaine d’années, ce sont des centaines de CDD qui s’enchaînent. Une situation qui fait dire à Jean-Michel Dumay, journaliste et ancien formateur au CFPJ que les contrats de professionnalisation sont moins précaires que ceux des formateurs !

Depuis 2013 donc, la direction du CFPJ cherche à faire des économies sur le dos de ses salariés [6]. En transférant les formateurs salariés vers un statut de prestataires réglés en honoraires, le groupe échappe au règlement des cotisations et à la gestion des effectifs. Conséquence directe pour les journalistes-formateurs : ils sont priés par la direction de basculer en portage salarial ou de devenir auto-entrepreneur. Les nouveaux-intervenants à qui le CFPJ impose d’emblée d’adopter l’un ou l’autre statut, voient leur taux horaire de rémunération fixé unilatéralement par la direction – comme souvent en pareil cas, le rapport de force rend toute négociation, quand bien même elle aurait lieu, purement formelle – ce qui ne saurait être compatible avec le principe du portage ou de l’auto-entreprenariat. Autre conséquence de ce qui s’apparente à du salariat déguisé : les journalistes intervenants ne se trouvent plus protégés par la convention collective des journalistes et ne bénéficient plus de la carte de presse. Autrement dit, en étant sortis du régime salarié, ils sont « dé-professionnalisés ».

Dans un courrier daté du 2 septembre 2013, l’inspecteur du travail Julien Boeldieu, a mis en garde la direction du CFPJ : « J’attire votre attention sur le fait que cette situation pourrait revêtir la qualification de travail dissimulé par dissimulation d’emploi salarié […] ». Interrogée à ce sujet lors d’un entretien accordé le 11 octobre, Marie Ducastel fait fi de cette mise en garde qu’elle juge partiale : « L’inspecteur du travail s’est exprimé en réponse à des éléments envoyés par des gens qui ont une approche partiale du sujet, de la même façon que nous avons une approche partiale du sujet. Peut-être que s’il a d’autres informations il répondra différemment. » Là où le bât blesse c’est que la lettre de l’inspecteur du travail faisait justement réponse aux éléments d’informations apportés par… Marie Ducastel dans un précédent courrier.

La gestion « très humaine » du personnel

Pour Jean-Michel Dumay, ce passage aux honoraires a été l’occasion de révéler un management particulièrement brutal et de mettre le doigt sur une gestion de l’entreprise parsemée de zones d’ombres. Journaliste au quotidien Le Monde pendant 26 ans, tantôt grand reporter, tantôt chroniqueur judiciaire – qui s’est illustré notamment dans « l’affaire de la Josacine empoisonnée » –, mais aussi président de la société des rédacteurs du Monde, Jean-Michel Dumay rejoint le CFPJ en 2011 et devient, en novembre de la même année, « fil rouge », c’est-à dire formateur référent, d’une alternance professionnelle, dite Alt pro.

« Lorsque la direction nous a fait part de sa volonté de faire passer les formateurs en honoraires, j’ai regardé mon contrat de travail d’un peu plus près et j’ai commencé à poser des questions anodines et légitimes. Je me suis aperçu que mon employeur est l’Association CPJ. Cette association dépend de la convention collective des organismes de formation. Cette convention collective prévoit une prime de précarité. Comme le prévoit la jurisprudence, j’ai donc souhaité bénéficier de cette prime de précarité dans la mesure où mon activité principale était celle de formateur ».

Jean-Michel Dumay écrit donc un courrier aux services des ressources humaines pour demander à ce que soit mentionné, noir sur blanc sur son contrat de travail, que la convention collective applicable au CPJ est bien celle des organismes de formation. Par ailleurs, puisque son poste de formateur référent, « fil rouge » d’une promotion de stagiaires en contrat de professionnalisation, requiert sa disponibilité permanente auprès d’eux d’après les documents du CPJ, il demande que la nature exacte de sa mission figure sur son contrat. Et profite de l’occasion, pour savoir qui signe celui-ci...

Si la première requête est finalement acceptée, la deuxième – l’intitulé de la mission – en revanche n’aboutit pas. Quant à la troisième… il lui est répondu que le signataire de ses contrats est Fabrice Daverio, directeur général adjoint de l’association CPJ. Or, observe Jean-Michel Dumay constatant le manque de rigueur juridique du groupe, « M. Daverio occupe cette fonction dans la société CFPJ SAS (dont Mme Ducastel est la présidente) et non dans l’association CPJ (dont Mme Ducastel est aussi la présidente…) »

Le 11 avril, le journaliste formateur envoie donc un nouveau courrier électronique aux ressources humaines pour leur signaler que leur réponse ne le satisfait pas et qu’il attend une nouvelle proposition de contrat. Les jours qui suivent, Jean-Michel Dumay travaille sans contrat et alerte la direction de sa situation, qui, de fait, le place juridiquement en CDI. Réponse du CFPJ ? Le 19 avril, alors que la Alt pro 26 est en session enquête et que quatre ou cinq élèves travaillent dans la classe, Jean-Michel Dumay est reçu comme un chien dans un jeu de quille :

« La responsable des ressources humaines, Aurélie Michel, Valérie Pailler [directrice formation continue presse écrite et multimédia] et un huissier m’attendent devant la porte de ma classe ! Là, on me tend un contrat daté du 9 avril et donc antérieur à mon mail du 11 leur signalant que j’attendais une nouvelle proposition de contrat. Celui-ci était identique aux précédents et ne répondait favorablement à aucune de mes requêtes. Valérie Pailler m’oblige alors à signer ce document sous peine de ne pouvoir reprendre mes cours. Je refuse dans un premier temps puis je signe le contrat en précisant les circonstances – sous la contrainte de ne pas pouvoir faire cours et en présence d’un huissier. Le week-end passe et le lundi matin, premier jour de la deuxième session enquête de ma classe, j’envoie un mail relatant les événements de la semaine précédente à Marie Ducastel que je demande à rencontrer ».

Réponse de la présidente du groupe CFPJ ? « À 9h30, elle frappe à ma porte et me demande de la suivre. Dans le couloir, m’attendent six à huit dirigeants du groupe, dont Valérie Pailler et Fabrice Daverio. Un nouvel huissier me signifie cette fois ma mise à pied et me présente une convocation à un entretien préalable à mon licenciement pour faute grave. Je suis convoqué le 30 avril. Il me faudra attendre 10 jours pour savoir ce qui m’est reproché. La faute grave ? Un retard le vendredi 19 avril et le scandale public que j’aurai provoqué ce jour là lors de la présence de l’huissier… »

La direction, quant à elle, n’a pas souhaité s’exprimer sur le sujet. Jean-Michel Dumay a assigné le CFPJ aux Prud’hommes pour licenciement abusif et demande la requalification de tous ses CDD d’usage en CDI. Demande rejetée le 4 novembre. Tout comme les 15 000 euros de frais d’avocat que lui réclamait le CFPJ. Jean-Michel Dumay compte interjeter appel.

« Pour moi, le secteur de la formation des journalistes touche à l’intérêt général. On ne peut pas former des journalistes comme des fabricants de savonnettes – avec tout le respect que j’ai pour les fabricants de savonnettes ! On ne peut pas faire un business de la formation. Les journalistes sont censés faire office de contre-pouvoir dans la société et dénoncer ce qui est illégal : les boîtes de formation doivent être irréprochables. »

La gestion du personnel qualifiée de « très humaine » par Fabrice Daverio, semble ici trouver ses limites. Curieusement, les formations sur le droit du travail ne courent pas les pages des catalogues de formations. Dans le cadre des alternances professionnelles pendant lesquelles les apprentis journalistes intègrent une rédaction pour 24 mois, la session « Environnement professionnel et recherche d’emploi » dans laquelle est abordé le droit du travail n’arrive qu’au bout de la 25e semaine sur une formation qui en compte 29…

Un recrutement confié aux entreprises ?

Ce management pour le moins déroutant, Louis Carzou en a également fait les frais au cours d’un passage express au CFPJ de mi-janvier à mi-mai 2012. En 2008, cet ancien de la rédaction en chef de LCI se voit confier par la chaîne le projet d’une web radio dont l’objectif affiché est de concurrencer France Info dès la mise en route de la Radio numérique terrestre. Pour diverses raisons, le projet ne se réalise pas et puisque pour LCI un échec sans responsable serait comme un 20h sans faits divers, Louis Carzou se fait licencier pour « cause réelle et sérieuse » après 11 ans de rédaction en chef. Pendant qu’il poursuit son ancien employeur aux Prud’hommes – l’audience est fixée au 1er mars 2012 –, le journaliste débute sa recherche d’emploi. En décembre 2011, il contacte le CFPJ pour leur faire savoir qu’il se tient disponible pour encadrer des formations, domaine dans lequel il dispose déjà d’une expérience puisqu’il a enseigné pendant trois ans au Centre universitaire d’enseignement du journalisme (CUEJ) de Strasbourg ainsi qu’en master médias à l’École supérieure de commerce de Paris (ESCP) depuis 2002. Il témoigne :

« Je suis reçu par le directeur général du CFPJ de l’époque, Agostino Pantanella. Nous avons un entretien de deux heures au cours duquel il m’apprend que le CFPJ cherche un successeur pour remplacer le directeur de la section audiovisuelle et web. À l’issue d’un troisième entretien, cette fois avec Marie Ducastel je reçois un appel de la DRH qui m’annonce que je suis engagé : je commence le 13 janvier.

Or, avec ma nouvelle fonction j’ai, parmi mes interlocuteurs, le groupe TFI. Je décide de prendre les devants et leur envoie entre six et sept mails pour leur faire savoir que je ne mènerai évidemment pas de vendetta. À aucun moment, je n’ai laissé un conflit personnel influer sur mes nouvelles fonctions. Tous ces messages restent sans réponse, même ceux qui concernent une formation que le CFPJ leur doit !

Seul mail en provenance de la hiérarchie de TF1, celui de Pascal Emond [à l’origine de la procédure contre Louis Carzou] adressé aux « Chercheurs du web », un cercle de réflexion organisé par le... CFPJ Audiovisuel et web. Et l’objet du mail est sans ambiguité : le cadre de TF1 explique qu’il n’a plus le temps de venir et que cela "risque d’être assez systématique"...

Fin février, quelques jours avant l’audience, j’alerte Agostino Pantanella qui me dit de ne pas m’inquiéter. Le jour J arrive et cela se passe plutôt mal pour mon ancien employeur qui d’ailleurs ne s’est pas présenté. - Dans une décision, rendue le 24 mai, le tribunal condamne TF1 pour licenciement abusif - Je finis par en informer Marie Ducastel qui, à l’inverse, juge la situation "très embêtante" ».

Justement, le 23 mars, Jean-Pierre Cerles, directeur de la formation du groupe TF1 et membre du comité exécutif de TF1 demande à rencontrer Marie Ducastel. Au cours de l’entretien, celui-ci lui fait part de son intérêt pour les offres du CFPJ et lui demande de préparer, pour mai, une présentation de toutes les formations. Une proposition alléchante pour le CFPJ mais à laquelle Jean-Pierre Cerles ajoute une contrepartie : Louis Carzou ne sera pas leur interlocuteur.

« Trois jours plus tard, je reçois, en copie, un mail de Marie Ducastel à l’attention de Jean-Pierre Cerles. Dans ce courrier, elle l’informe -et moi par la même occasion- de l’identité de son nouvel interlocuteur. Par la suite, Marie Ducastel me convoque et me demande de renoncer, par écrit, à la procédure contre TF1. Ses demandes sont pressantes, par mail, par sms, par téléphone. Je reçois même un mail où l’on me détaille le chiffre d’affaire annuel de TF1 au CFPJ... »

En clair, on lui montre, chiffres à l’appui, ce que sa présence pourrait faire perdre. Pendant ce temps, Bruno Doguet est nommé « nouvel interlocuteur » de TF1. Une nomination surprenante : c’est le directeur adjoint du CFPJ... presse écrite !

« Finalement, craignant de perdre cet emploi, je finis par craquer et accepter de me retirer de la procédure après l’audience. Le 25 avril, je préviens mon avocat que j’arrête les poursuites. J’en informe aussi Marie Ducastel. Le lendemain, elle me convoque : je suis licencié. "On ne veut pas d’ennuis avec un client comme TF1", s’est-elle expliquée. Jugeant que j’étais en période d’essai, la direction n’avait pas besoin de se justifier. »

Voilà donc sur quels critères les embauches et les licenciements s’effectuent au CFPJ. Mais, Louis Carzou ne s’est pas arrêté là. Il a pu finalement poursuivre la procédure contre LCI et a gagné. Quant à la direction du CFPJ, elle préfère invoquer l’erreur de casting : « La taxe d’apprentissage de TF1 c’est 16 000 euros par an. On a embauché quelqu’un pour gérer le département audiovisuel, cette personne s’est révélée incompétente. » Une sentence plutôt surprenante pour un salarié que l’on envoie représenter le CFPJ, notamment aux vœux du CSA, et auquel Marie Ducastel avait personnellement confié la direction d’un projet d’école de la culture générale...

***

L’école de la rue du Louvre peut bien invoquer ses origines résistantes, elle collabore au processus de marchandisation de l’information. Pour répondre à des exigences de productivité et de rentabilité induites par la financiarisation du groupe, le CFPJ n’hésite pas à bafouer l’éthique professionnelle et à sacrifier les journalistes qui le font vivre. Dans un ouvrage récemment paru et intitulé Et si je gagnais plus de thunes [7], Fabrice Daverio, directeur adjoint du CFPJ et ancien manager chez l’Oréal et LVMH, invite le lecteur à « mett[re] [ses] images en vente en ligne sur des banques d’images dites ’’microstocks’’ telle Fotolia [...] ». Au-delà de l’objet même de l’ouvrage, qui laisse songeur sur la façon dont l’auteur peut envisager la direction d’une école de journalisme, le conseil en dit long sur le peu d’estime dans laquelle il tient la profession dont il dirige l’un des principaux centres de formation. Les banques d’images qui tarifient la photo 0,16 euros, constituent le pire cauchemar de la profession déjà sinistrée de photos-journaliste et contribuent à la pauvreté, comme à l’uniformisation de la « photo de presse »… Alors si, comme le proclame Marie Ducastel, « [la] première responsabilité [du CFPJ] c’est de coller à la réalité », encore faudrait-il que l’école de la rue du Louvre ne participe pas à sa précarisation. Sans quoi, l’heure est peut-être venue pour la grande armée des « petits soldats du journalisme » [8] de se mutiner…

Élodie Gabillard

 
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Notes

[1Président du conseil d’administration du CFPJ de 1982 à 1987.

[2Lire, sur le site de l’école, « La grande aventure du CFJ ».

[3Groupe CFPJ.

[4Voir la formation : Être interviewé par les journalistes.

[5« De grandes entreprises couvent avec amour nos futurs journalistes », Le Canard enchaîné du 19 juin 2013.

[7Eyrolles, 2013, 121 pages.

[8D’après le titre de l’ouvrage d’un des anciens élèves du CFJ, François Ruffin : Les Petits Soldats du journalisme, Les Arènes, février 2003, 276 pages.

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