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Sondages : des " échantillons " farfelus

A quelques jours du premier tour de l’élection présidentielle de 2002, Le Canard enchaîné s’intéresse à " l’excitation des médias devant les courbes affolantes des sondages ". Il montre que, pour les médias, la publication de sondages répond prioritairement, sinon uniquement, à une logique commerciale, au détriment de l’information du public. Les " résultats " publiés ne sont pas fiables, notamment parce que les échantillons retenus ne sont pas représentatifs [1].

(...) Des chercheurs de Sciences-Po ont décortiqué les réponses utilisées par la Sofres pour un sondage publié en 1998. Ils y ont découvert que les diplômés du supérieur apparaissaient en surnombre dans l’échantillon utilisé (18% des sondés contre 8% dans la réalité), tandis que les "non-diplômés" se trouvaient sous-représentés (7,8% contre 20%).
Or les électeurs du Front national sont nombreux dans cette catégorie modeste... Pour expliquer qu’ils sous-estiment toujours les lepénistes, les sondeurs préfèrent disserter sur la pudeur de violette qui caractérise le partisan de Jean-Marie...
D’autres catégories - habitants des quartiers difficiles, ouvriers, chômeurs - sont pareillement négligées. Interviewé par "Envoyé spécial" le 29 mars (2002) sur France 2, un enquêteur de terrain confessait que les bidonnages étaient courants sur ces "éléments de quotas" manquants.
Pourquoi ce biais dans les échantillons qui servent de base aux enquêtes ? Parce que de plus en plus de personnes refusent de répondre aux météorologues de l’opinion. Aux Etats-Unis, le taux de réfractaires peut atteindre jusqu’à 80% des questionnés. Chez nous, la proportion flirte désormais avec les 40%, voire 50%.
Conclusion : soumis aux mêmes impératifs de temps qu’auparavant, les instituts livrent des travaux effectués à partir d’échantillons de plus en plus maigres. Lorsque Ipsos vend au Point (1/3/02) un sondage réalisé sur 700 personnes "certaines d’aller voter" dont il faut encore enlever 17% de "non-exprimés", ce sont seulement 580 personnes qui livrent leur intime conviction à l’hebdo. Sur pareille foule, les marges d’erreur statistique peuvent dépasser 4% en moins ou en plus du résultat affiché.
Voilà qui n’empêche pas les confrères de gloser sur le moindre demi-point gagné ou perdu par un prétendant à l’Elysée. Tout en gardant une distance très digne. Dans Libération, par exemple, un gain de 0,5% est qualifié de "frémissement". Un bonus de 1% est une "progression". Une baisse de 2,5%, un "reflux". Une prime de 3,5%, une "envolée". (...)

J.-F. J. "

 
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Notes

[1Titre et chapo d’Acrimed.

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