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Seulement 24% de femmes dans les médias (Communiqué du collectif « Prenons la Une »)

Nous reproduisons ci-dessous un communiqué du collectif de femmes journalistes « Prenons la Une » qui, partant d’un constat accablant – la sous-représentation des femmes dans les médias, livre quelques données importantes, avance des revendications et salue plusieurs initiatives. Si l’association Acrimed ne souscrit pas forcément à l’ensemble de ces propositions, elle soutient le combat global mené par ce collectif pour plus d’égalité au sein des médias et pour plus de mixité dans le choix des invité-e-s (Acrimed).

Les mois passent et la situation des femmes dans les médias n’évolue (presque) pas. Cette semaine a été publié le Global Media Monitoring Project (GMMP), cette étude mondiale réalisée tous les 5 ans mesure la présence des femmes dans les médias selon une rigoureuse méthode de comptage. Les résultats sont passés inaperçus dans une actualité chargée… et pourtant ils ne sont pas glorieux ! En 2015, les femmes ne représentent que 24% des personnes dont il est question dans les nouvelles (presse, radio et télévision) dans le monde. C’est le même pourcentage en France, alors qu’elles représentaient 28,3% des personnes en 2010. La situation s’est donc dégradée dans notre paysage médiatique. Les femmes journalistes ne signaient ou ne reportaient qu’un tiers des nouvelles, lors de la période test, alors qu’elles représentent 46% des détenteurs d’une carte de presse.

La journée test prise en compte par le GMMP était dominée par deux actualités brûlantes en France qui ne justifiait pas la sous-représentation d’un genre : une catastrophe aérienne qui avait fait autant de victimes des deux sexes et une élection (départementale), paritaire pour la première fois. Les rôles attribués aux femmes étaient stéréotypés : des témoins, des citoyennes anonymes alors qu’elles ne représentaient que 17% des expertes en France. À titre d’exemple, en Amérique du Nord, elles représentent 32% des expertes.

Ce sont les mêmes mécanismes qui se reproduisent depuis le 13 novembre : les thématiques martiales autour de la défense, du terrorisme et de la sécurité sont l’occasion d’inviter les mêmes hommes politiques et experts connus, reconnus, voire trop connus. Systématiquement masculins, alors que de nombreuses femmes sont des spécialistes de ce sujet (voir le Guide des expertes de la semaine dernière), et que la police judiciaire est dirigée par une femme, par exemple. Mardi 17 novembre, tous les invités politiques des matinales télés et radios étaient des hommes. On nous dit que l’heure n’est pas à la polémique, mais ce choix des experts donne une vision du monde orientée – si ce n’est caricaturale – autour de la masculinité, de la virilité.

Lorsque nous avons lancé Prenons la Une le 2 mars 2014, nous voulions changer cette situation et convaincre notre profession qu’il est important d’agir parce qu’il est dans notre devoir de mieux représenter la société et toutes les composantes de sa diversité. L’injonction à la rapidité, l’utilisation du « bon client », l’absence de réflexe et de remise en cause des habitudes journalistiques conduisent au maintien de ce système. Pourtant autour de nous, nous avons senti une différence. Aujourd’hui, nos confrères et consœurs se posent parfois la question : « il faudrait interroger des femmes, non ? » Il est temps de transformer cette prise de conscience en actes.

Nos revendications restent d’actualité :

 Nous appelons nos consœurs et confrères à constituer dans leur rédaction une base de données d’expertes pour diversifier les sources et les rendre paritaires ou à utiliser le Guide des expertes.
 Nous invitons les dirigeants des médias à appliquer la législation sur l’égalité professionnelle en commençant par un diagnostic de la situation de l’entreprise.
 Nous réclamons toujours la présence de 50% d’expertes à l’antenne et sur les plateaux de télévision, en application concrète de « la juste représentation des femmes dans les médias » prévue par la loi sur l’égalité entre les femmes et les hommes. Et nous regrettons que le CSA n’ait pas de pouvoir de coercition pour imposer cette parité.
 Nous demandons l’intégration de la parité dans les critères de d’attribution des aides à la presse et le respect des lois sur l’égalité professionnelle dans les médias.
 Nous réclamons que les médias rédigent une charte interne sur les questions d’égalité, diversité et stéréotypes afin de se faire un devoir de respecter ces principes au quotidien. Elle pourrait contenir une partie concernant le traitement des violences faites aux femmes pour ne plus les considérer comme des faits divers, utiliser des expressions erronées comme « crime passionnel », ou rappeler qu’il faut contextualiser (129 femmes ont été tuées par leur conjoint en 2013).
 Nous défendons toujours la création de modules de formation, dispensés auprès de tous les étudiants en école de journalisme, sur la lutte contre les stéréotypes et l’égalité professionnelle. Nous avons donné nos premiers cours sur ce thème l’an dernier à l’Ecole de journalisme de Grenoble et avons animé des conférences sur ce thème à l’IJBA, aux Assises du journalisme, à l’ESJ de Lille et à l’IPJ.

Nous avons remarqué quelques belles initiatives, comme autant d’exemples à suivre :

 La création d’un Guide des expertes en ligne, réalisé par le groupe Egalis en partenariat avec Radio France et France Télévisions.
 La constitution d’une équipe paritaire autour de Delphine Ernotte à la direction de France Télévisions.
 Les efforts réalisés par le journal Les Échos qui a réalisé un audit interne et promu plusieurs femmes aux postes de chefs de service et adjointes.
Nous regrettons que ces bons exemples n’aient pas fait plus d’émules…

Contacts sur le site de « Prenons la Une ».
Consulter un résumé du rapport en français.

 
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