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Promo sur France Inter : une émission avec BHL à propos d’un documentaire sur BHL

par Mathias Reymond,

Insolite. Le 4 février 2009, Colombe Schneck, dans son émission de décryptage des médias « J’ai mes sources », reçoit, pour une discussion sur un documentaire consacré à Bernard-Henri Lévy, le réalisateur, Eric Dahan, et … Bernard-Henri Lévy lui-même.

Il est assez singulier, pour ne pas dire cocasse, de voir le principal personnage d’un documentaire faire la promotion d’un film dont il est l’objet. Certes, le célèbre footballeur argentin Diego Maradona a bien accompagné le réalisateur Emir Kusturica, lors de la montée des marches au Festival de Cannes de 2008, mais les ressemblances entre Bernard-Henri Lévy et Maradona ne sont pas frappantes.

« BHL produit des images incroyables »

« Ça n’a jamais été mon problème que l’on s’intéresse à moi », lance d’emblée BHL qui s’installe dans le studio de France Inter comme s’il était chez lui. Mais pourquoi France Inter s’intéresse-t-il à nouveau à lui ?

L’ambition de l’émission est simple : assurer la promotion d’un film qui sera retransmis le lendemain sur France 5 dans la série « Empreintes ». Pourtant, plus d’une cinquantaine de documentaires ont déjà été diffusés dans le cadre de ce programme, et c’est la première fois que Colombe Schneck reçoit le réalisateur et le « héros » du documentaire dans « J’ai mes sources » [1].

Pourquoi un tel choix ? Peut-être parce que Bernard-Henri Lévy est trop peu connu du grand public… Peut-être parce que ce public avait besoin d’entendre une voix nouvelle et, dissonante… Ou peut-être parce que, France Inter, s’est rendu compte que Bernard-Henri Lévy n’avait été invité que quatre fois par Nicolas Demorand depuis octobre 2007… [2]

Pourquoi BHL est-il présent ? C’est l’intéressé qui répond : « Le mérite du film de Dahan, ce qui pour moi est très important, c’est que c’est la première fois, depuis quelques années qu’on vient s’intéresser à moi, etc, et où j’ai en général droit plutôt à des bouquins dans le genre de celui auquel mon ami Kouchner a droit en ce moment, première fois que l’on fait un film honnête qui s’intéresse vraiment à ce que j’essaie de dire et de faire depuis trente ans. » « Ouais, vos idées », renchérit Schneck. «  Mes idées », confirme Lévy. France Inter se devait donc de lui rendre justice et de faire enfin connaître ses idées…

Le reste de l’émission est du même acabit. Quand le philosophe de télévision sort sa brosse à reluire – « Pour moi, [Eric Dahan] c’est un grand documentariste » ou « il y a face à soi un artiste. Ses films sont des merveilles » -, le réalisateur, ex-chroniqueur à Libération, lui rend la pareille : « Bernard-Henri Lévy, c’est quelqu’un qui est très stylisé qui a une présence incroyable, qui a une histoire incroyable et qui donc produit des images incroyables. » Merci d’être venu.

Quelques temps après, Renaud Revel, journaliste à L’Express et chroniqueur dans l’émission, interroge l’invité sur les risques et les effets pervers de ce type d’exercice quand il est réalisé du vivant de l’intéressé. Le ton rageur et le trémolo dans la voix, BHL – et non le réalisateur – explique ainsi l’objet du film : « Mon cher Renaud Revel, vous savez le vrai danger c’est que des salopards, viennent comme vous dites, de votre vivant, comme si vous étiez déjà mort, venir fouiller dans vos secrets, fouiller dans vos archives, et écrire des tombereaux de cochonneries sur votre compte : ça c’est le vrai danger. » Tous des salopards…

« On le voit pas nu ? »

Emission sur les médias, « J’ai mes sources » est surtout une émission de décryptage de l’envers du décor médiatique. Et que découvre-t-on derrière ce décor ? Un échange d’une rare audace nous laisse l’entrevoir...

Le réalisateur explique que « les gens de la collection ‘Empreinte’ voulaient voir BHL en bras de chemise au bord de sa piscine », avant de s’exclamer : « il a fait mieux (…) et un mois après il était à poil dans la mer en train de nager ! » Colombe Schneck pousse alors l’investigation : « On voit rien, hein ?! » Dahan, fier de son chef d’œuvre : « Ben on voit quand même beaucoup de chose. » Schneck, bientôt prix Pulitzer : « On le voit pas nu, le corps est sous l’eau… » Dahan : « Oui voila, il était en maillot de bain. On lui a demandé d’être en bras de chemise au bord de la piscine, il s’est jeté en pleine mer, et il a nagé ! » BHL, qui ne pouvait rester silencieux plus longtemps : « Et il nage la brasse papillon ! » Schneck : « Très difficile et pendant très longtemps ! » BHL : « Pendant très longtemps »

L’animatrice s’interroge ainsi sur certains choix : « Par exemple, on voit votre femme presque nue. C’était dans le contrat ? C’était un choix ? » Au final, elle admettra que « Arielle Dombasle a un très beau corps ». Et Eric Dahan se justifiera en admettant que c’est France 5 qui a demandé que l’on puisse découvrir des fragments de la vie privée de BHL et Dombasle. Un double merci donc au service public de l’audiovisuel : une première fois pour avoir permis aux contribuables de voir BHL et son épouse à moitié nus ; une seconde fois pour leur avoir offert vingt minutes de la pensée béachélienne, trop peu exposée dans les médias de nos jours.

D’ailleurs, et ce n’est que justice finalement, laissons le mot de la fin à celui qui mérite d’être aussi connu pour sa « brasse papillon » que pour son apport à la philosophie contemporaine : « Je trouve ce film beau, je suis content qu’il existe. C’est vrai que si une chaîne américaine décidait de s’en emparer, ce qui en effet ne me semble pas complètement invraisemblable, disons les choses comme ça, je serais vachement content. » Et nous donc !

Mathias Reymond

 
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Notes

[1Lors du lancement de la série des documentaires, Annick Cojean, directrice de la collection, Caroline Huppert, réalisatrice du documentaire sur Simone Veil, et Bernard Pivot réalisateur de celui sur Patrick Modiano, avaient été invités le 11 octobre 2007. Jamais l’acteur principal n’a été invité…

[2Rappelons que l’émission « J’ai mes sources » est diffusée dans le 7-10 de France Inter animé par Demorand, de 9h30 à 10h.

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