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Ouest-France et les faillites

par Hervé Le Crosnier,

« Une information chasse l’autre », dit-on. Un exemple ? Deux informations sur les faillites que Ouest-France ne parvient (ne se résout pas ?) pas à rapprocher. (Acrimed)

Bonjour,

Ce matin (31 juillet 2003), en ouvrant mon quotidien préféré, je tombe sur cette nouvelle épatante :

« Un décret passé discrètement dans le Journal officiel de dimanche : le gouvernement n’a pas voulu faire grande publicité de sa décision, réclamée par le Medef, d’abaisser les montants maximums d’indemnisation versée aux salariés d’entreprises en procédure de redressement ou de liquidation. Avec la multiplication des restructurations et des faillites, les effets devraient pourtant être rapidement visibles ».

Fort bien, que ne voilà-t-y pas un journaliste qui nous informe de la soumission du gouvernement à ce bon baron Seillières.

Viennent ensuite les explications. Que voulez-vous : « La réforme doit permettre de soulager l’organisme qui avance ces indemnités, l’Association de garantie des salaires (AGS), créée en 1973. Car cette dernière, qui aide les salariés des entreprises en dépôt de bilan, l’est presque elle-même.  »

Tiens, comme la sécu, le chômage des intermittents, les caisses de retraite : les organismes doivent payer plus et recevoir moins... faut bien que les salariés trinquent un peu, pour faire de l’équité, évidemment.

Sauf que notre bon journaliste explicateur a la mémoire courte.

C’était juste la semaine dernière, toujours dans son propre journal, Ouest-France. On y décrivait la loi sur "l’initiative économique" qui venait d’être votée le 21 juillet par le Parlement. Et on y disait que en cas de faillite, les patrons ne pourraient plus se voir saisir leur maison d’habitation. Un encouragement à la relance économique, évidemment.

Ah, si les journalistes lisaient leur propre journal dans la partie information plutôt que de se limiter aux sermons idéologiques des éditorialistes. Ah si les journalistes pouvaient croire que l’actualité ne se fait pas en un jour, un seul jour au quotidien, mais que chaque décision renvoie à autre chose... Ah si les journalistes nous donnaient les clés et les moyens de comprendre le monde au lieu de seriner les discours de soumission au monde du « y’a pas moyen, y’a pu d’argent dans les caisses »...

En l’occurrence, donner les moyens de comprendre, c’est mettre côte à côte ces deux informations sur les « faillites d’entreprises ». Le lecteur peut se faire une idée. Le
journal remplit alors son rôle de « place publique », d’ « espace communicationnel », substance même de la démocratie.

Car la démocratie, ce n’est pas de « dire » (les deux infos sont bien passées dans le journal), mais de permettre de comprendre. C’est l’organisation de l’information, la juxtaposition des
nouvelles, la mémoire des événements qui fait du journal un outil essentiel de la démocratie.

Encore une occasion perdue pour Ouest-France.

Au fait, et si les travailleurs licenciés pour cause de faillite de leur entreprise pouvaient ne pas se voir saisir leur maison d’habitation principale ?

Comment ? Le patron est innocent des faillites, alors que bien évidemment l’ouvrier en est coupable... Ce que je suis oublieux de la marche réelle du monde tout de même. Et moi qui croyais que le « risque » était la substance même du capitalisme, ce qui distinguait « l’entrepreneur » du commun des mortels.... Le seul risque il est pour le salarié, voilà ce qu’écrit la loi du Medef signée par Raffarin. Ils vivent donc dans un état providence
ces patrons... Faudrait voir à voir ! Tiens, et si Alain Touraine faisait un édito dans Ouest France sur ça, lui qui sait si bien fustiger la protection sociale en page un.

Hervé Le Crosnier

 
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