Accueil > (...) > Lu, vu, entendu

Lu, vu, entendu : « Délicatesses »

par Un collectif d’Acrimed,

... En tout genre, et plus ou moins consternantes.

1. L’art délicat de l’admiration
- Ou : « Notre grand jeu concours : qui est-ce ? »

Dans le « Top Média JDD.fr-Ifop-Maximiles », elle est la journaliste de la TNT préférée des Français. Et, interrogée par le JDD, elle aime tout le monde. En voici la preuve :

- « Un mot sur vos confrères également honorés dans ce classement. Jean-Michel Aptahie, le mieux classé des journalistes radio, et Harry Roselmack, premier toutes catégories confondues. »
- « Je les trouve moi aussi très bien (rires) ! Aphatie, il a fait ce que tout journaliste rêve de faire : il a créé quelque chose, un ton, un rendez vous. Evidemment, l’interview politique et la pugnacité existait avant lui, mais il se passe quelque chose avec Aphatie qui ne se passe pas ailleurs. C’est ce qui fait la personnalité de son rendez-vous, comme chez Elkabbach et Demorand qui eux aussi font des choses que l’on ne voit pas ailleurs. Ce sont de grands journalistes qui ont réussi à inventer quelque chose, et ce n’est pas tous les jours que l’on arrive à réinventer la télévision ou la radio. »

- « Et Harry Roselmack ? »
- « Il est le parfait contre exemple de ce que je vous disais au départ sur la volatilité des sondages d’opinion (rires). C’est donc ici une confirmation, et j’en suis contente pour lui. »

- « Et si on vous avait demandé de voter… »
- « J’aime beaucoup les intervieweurs du matin que sont Demorand (France Inter), Aphatie (RTL), Elkabbach (Europe 1) et Raphaëlle Duchemin (France Info) qui est une de mes très proches amies puisqu’on était à l’école de journalisme ensemble. En télé, pour moi David Pujadas se détache du lot. J’aime aussi beaucoup Claire Chazal. Je trouve qu’elle a une chaleur, une présence très importante dans ce métier. Elle est concernée par ce qu’elle dit et je trouve ça plutôt bien. »

- « Quid de Laurence Ferrari, qui est aux manettes du JT le plus regardé de France et que vous ne citez pas… »
- « La première année, on la sentait parfois un peu submergée par la difficulté de la succession, la multiplication des papiers pas très favorables. Cette année (...), je la sens beaucoup plus légère, plus libre, plus souriante, plus naturelle. Cela ne peut que payer à long terme. »

Qui aime ainsi tous ses alter egos ? Pour le savoir suivez la note [1].

2. L’art délicat de la publicité
- Ou : « Tournez ménages ! »

Le 24 janvier 2010, Marianne 2 met en lumière un nouveau « ménage » publicitaire de Michel Field, qui n’en est pas à son coup d’essai , comme l’a déjà signalé Le Plan B.

Dans une séquence vidéo publiée sur le site de Marianne 2 « Se soigner moins cher » (fermé depuis suite à une plainte d’un groupement de pharmaciens), Michel Field vante les mérites des parapharmacies Leclerc, et Régis Soubrouillard, pour Marianne 2, commente :

« [...] 5 minutes de pub pour l’enseigne Leclerc avec pour seul objectif de démontrer que Leclerc, c’est moins cher ! Pardi ! "Parfois du simple au triple" selon Michel Field, convaincu comme personne. Et pour mieux comprendre les enjeux, Michel Field a même invité dans ce qui lui sert de bureau un docteur en pharmacie de la marque Leclerc. Rien que de très logique après tout. "Car" au cas où vous l’ignoreriez, "en 20 ans, les prix en parapharmacie ont chuté grâce au combat mené par les enseignes Leclerc".

On pourrait arrêter là, tellement la ficelle est grosse, mais Michel Field a encore une question qui lui brûle les lèvres depuis le début de la séquence : "cette personne qui dit dans le reportage qu’elle préfère sa pharmacienne car en termes de qualité de conseil elle est rassurée. Elle a raison ou elle a tort ?". Eh ben, elle a tort ma bonne Dame ! "Parce qu’à Leclerc, on est capables de donner les mêmes conseils, d’aussi bonnes qualités que dans les autres pharmacies". »

L’histoire ne dit pas combien Michel Field a touché pour ses bons et loyaux services...

3. L’art délicat de la titraille
- Ou : « L’actualité internationale tout en nuance »

 Dans une interview publiée sur le site de L’Express le 11 février 2010, la politologue et philosophe Seloua Luste Boulbina indique, au sujet du projet de loi soumis récemment en Algérie afin de juger les responsables de crimes coloniaux, que : « La France n’accepte pas le miroir que l’Algérie lui tend, comme une caricature d’elle-même ». Ce que L’Express traduit par « L’Algérie est une caricature de la France », titre de l’article. Mais de quoi ce titre de L’Express est-il une caricature ?

 Actualité internationale, toujours. Le 7 février 2010, Yahoo France titre en « une », à propos des élections en Ukraine : « "Révolution orange" ou Kremlin ? », précisant que le pays allait devoir « choisir entre deux grands frères : l’Europe ou la Russie ». Voilà les enjeux de l’élection finement saisis, et brillamment résumés.

4. L’art délicat de la compassion
- Ou : « Solidaires des haïtiens ? »

 Aujourd’hui en France au chevet des Français...

...ou plutôt des occidentaux d’Haïti : les 15 et 16 janvier, soit trois et quatre jours après le tremblement de terre qui a ravagé l’île, les principales victimes étaient françaises et américaines, à en croire le quotidien.

Le 15, le site du journal se réjouit : « Haïti : des victimes retrouvent enfin la lumière », titre-t-il, expliquant, à propos des opérations de secours dans un hôtel : « Les secouristes américains viennent de sauver une Française. "S’il fallait une preuve qu’elle était bien française, cette dame nous a demandé un verre de vin. Mais on ne le lui a pas donné", plaisante Rebecca Gustafson, de l’agence américaine pour l’aide au développement (USAID). Sous leurs yeux, les français ont eux sauvé un américain. »

Plus loin on apprend que « Jeudi soir, les 30 militaires français de la sécurité civile et leurs quatre chiens ont pu secourir sept Américains et une Haïtienne coincés dans une poche située dans la réception de l’hôtel, dont le toit en béton, large et massif, s’est écrasé lors du séisme » et que « La première Américaine extraite de l’amas de béton, Carla Shawn, 65 ans, a "remercié le gouvernement français et les sapeurs-pompiers", avant de manger "un gâteau de ration de combat" », selon un représentant de la sécurité civile. Une secouriste américaine se réjouissait d’ailleurs : « "La coopération avec les Français a été exceptionnelle" ».

Rebelote le lendemain avec ce titre : « Le bilan s’alourdit à Haïti : 12 Français sont morts ».

 …Et Le Monde au chevet des Américains

Dans Le Monde daté du 20 janvier, qui publie ce jour-là une tribune signée Barack Obama sur l’engagement américain en Haïti, on trouve en page 2 une « analyse »… qui mériterait d’être longuement analysée.

Intitulée « Les États-Unis en Haïti, une question de leadership » et signée de Corine Lesnes, correspondante du journal à Washington, « l’analyse » nous explique ainsi pourquoi « Barack Obama a d’entrée pris les choses en main – instinctivement, dirait-on presque ». Peut-être un peu trop, car, s’interroge le quotidien, « L’administration Obama a-t-elle devancé l’appel ? S’est-elle indûment précipitée ? Sans doute est-ce l’avis de ceux – Français, Italiens, Brésiliens – dont les avions de secours se sont trouvés déroutés sur les autres aéroports de la région par des Américains croyant par définition bien faire , mais que nulle autorité supérieure n’avait mandatés  ».

Est-ce de l’ironie ? Rien dans l’article ne vient étayer cette thèse. Au contraire, la conclusion de l’article insiste : « Saisie d’une ambition de faire "bien", l’administration Obama promet cette fois un engagement à long terme pour en finir avec un mal chronique. À un moment où deux guerres drainent leurs ressources, il est difficile de faire reproche aux Américains de prétendre à une quelconque nouvelle "occupation" ». Et pointe pour finir la responsabilité… de l’ONU : « Si l’ONU avait eu des contrôleurs aériens à Port-au-Prince le lendemain du séisme, le sergent Chris Grove n’en serait pas à gendarmer le ciel d’Haïti ».

Certes, dans le corps de l’article, la journaliste fait état de quelques « reproches », vite balayés : « les Américains n’ignorent pas qu’on leur a reproché d’avoir évacué en priorité leurs compatriotes et d’avoir privilégié les vols militaires au détriment des secours : la sécurité, autrement dit, plutôt que l’aide humanitaire. Mais tout est rentré dans l’ordre, affirment-ils ». Et comme Le Monde croit « par définition » tout ce qu’affirment les Américains…

Et du reste, s’ils ont agi ainsi, c’est qu’ils ont de bonnes raisons : « Autant qu’un impératif humanitaire, Haïti est pour les Américains un impératif de sécurité nationale. À chaque soubresaut concernant la Caraïbe, et notamment Cuba, ils redoutent un exode qui jetterait des centaines de milliers de boat people vers la Floride ». Voire des centaines de millions.

5. L’art délicat de la « crispation »
- Ou : « Comment les fonctionnaires crispent lemonde.fr »

« Rien ne va plus entre le gouvernement et les syndicats » s’inquiète lemonde.fr, le 2 février. En effet, un projet de décret d’application de la loi sur la mobilité des fonctionnaires selon lequel « le fonctionnaire "peut être licencié" après trois refus d’affectation ». Où est le problème ? Le diagnostic est résumé par le titre de l’article : « Crispation autour d’un décret permettant le licenciement de fonctionnaires ». Et l’article confirme le parti pris que suggère son titre.

Après une présentation du projet de décret qui cite trois mots de « l’intersyndicale des fonctionnaires (qui) a dénoncé, lundi, un projet de décret qui ne prévoit "pas d’encadrement" des licenciements de fonctionnaires », un paragraphe entier est dédié à la position gouvernementale et au ministre du Budget et de la Fonction publique, Eric Woerth, qui dispose de 77 mots pour expliquer pourquoi il « estime qu’il est "profondément normal" de mettre en disponibilité un fonctionnaire si celui-ci refusait trois postes ».

Et pour terminer l’article, un dernier paragraphe qui laisse enfin la parole à… Eric Woerth – cette fois en 80 mots. Le voici, dans son intégralité. Attention, teneur en journalisme garantie : « "Et puis l’Administration lui propose bien sûr des postes", a ajouté le ministre, qui tiennent "compte de ses capacités, de sa formation, de ses contraintes familiales ou de contraintes géographiques". Mais "si au bout du troisième poste proposé (...), il refuse, alors il peut être mis en disponibilité, ce qui est bien normal", a encore fait valoir M. Woerth. "Si la personne refuse, c’est qu’au fond elle n’a plus envie de travailler dans l’Administration" et il n’y a "pas de raison que l’Administration continue à ce moment-là à payer", a-t-il jugé, estimant que c’était "profondément normal" ».

157 (mots) à 3 ? Profondément normal.

6. L’art délicat de la mise en page
- Ou : « Avis de tempête et de carnaval »

Vu sur le site Maville.com - site édité et mis en ligne par Ouest France Multimédia :

« C’est carnaval sur maville.com », et aucune tempête ne saurait le remettre en cause. Voici ce que précise le texte, difficilement lisible sur la capture d’écran : « Vous avez une photo amusante, déguisée, "carnavalesque" même ... Déposez-la sur votre espace de discussions et gagnez un week-end à Disneyland Paris pour 4 personnes ! ». Voilà sans doute de quoi consoler plus d’un sinistré…

7. L’art délicat de la sondomanie
- Ou : « Silence, on sonde (1) ! : Siné Hebdo pris a son propre piège »

Le 13 janvier 2010, Siné Hebdo, l’hebdomadaire satirique qui avait initialement pour visée de « chier dans les bégonias », s’est laissé prendre aux sirènes de la sondologie. Soucieux d’illustrer un dossier sur la police, le journal a commandé à l’institut CSA (propriété de Bolloré) un sondage sur « les Français et la police ». Olivier Cyran donne le détail de l’affaire dans CQFD (15 février), mensuel de critique sociale :

« Dans le cas de Siné Hebdo, les commanditaires espéraient démontrer "qu’il existe un vent de révolte profonde contre la police de Sarkozy", comme ils s’en expliquent dans leur analyse des résultats. "Nous pensions que les Français profiteraient du sondage que vous allez découvrir dans ces pages et sur notre site pour crier leur colère et leur indignation." Un vœu sympathique mais qui surprend par son ingénuité : depuis quand "les Français" crient-ils "leur colère et leur indignation" par voie de sondage ? Comment interpréter la pieuse croyance que "les Français" – soit "1011 personnes âgées de 18 ans et plus", selon la fiche technique – n’attendaient qu’un questionnaire téléphonique pour se lever comme un seul homme contre "la police de Sarkozy" ? Le journal "mal élevé" pensait-il réellement qu’un coup de grelot en provenance d’une filiale du groupe Bolloré ferait flotter le drapeau noir sur la marmite ?

La rédaction de Siné Hebdo avoue donc sa déception : le sondage conclut que les Français aiment plutôt les flics, mais non plus tant que ça, qu’il y a du pour et du contre, des goûts et des couleurs, Jean-qui-rit et Jean-qui-pleure, et il faut bien toute une page aux malheureux apprentis exégètes pour faire semblant de tirer quelque chose de cette marmelade de chiffres. Sinon, c’était avouer qu’on avait claqué une liasse d’euros pour des prunes.

Désappointant pour Siné Hebdo, le sondage a en revanche été favorablement accueilli par Le Figaro, qui l’a repris en titrant : "Les Français satisfaits de leur police" (12/01/10). "Selon un sondage CSA, la police est considérée comme efficace par 57% des Français", exultait France-Soir (12/01/10), tandis que BFM TV annonçait que "les Français aiment leurs policiers". Le message est donc passé, mais dans le sens du képi. Siné Hebdo voulait chier dans les bégonias, ce sont les bégonias qui nous chient dessus. Le ministère de l’Intérieur n’en espérait pas tant. »

8. L’art délicat de l’intimidation
- Ou : « Silence ! on sonde (2) : Menace de procès contre une critique des sondages »

Alain Garrigou, politiste spécialiste de sondages, est assigné en diffamation par Patrick Buisson, le « monsieur sondages » du Président, suite à une interview donnée à Libération, où il déclarait notamment : « Pourquoi l’Élysée paie-t-il beaucoup plus cher en passant par lui (Patrick Buisson et Publifact) au lieu de les acheter (les sondages) à moindre prix directement ? Et pourquoi laisser Buisson se faire une marge de 900.000 euros sur son dos ? Soit c’est un escroc, soit c’est un petit soldat qui constitue un trésor de guerre pour payer des sondages durant la prochaine campagne électorale sans que ce soit visible dans les comptes de campagne du futur candidat Sarkozy ». Le bureau de l’Association des Enseignants et Chercheurs en Science Politique (AECSP) lui apporte son soutien dans les colonnes du journal le 15 février 2010 :

« Ainsi, Alain Garrigou s’est-il permis de répondre à un journaliste qui enquêtait sur les pratiques sondagières de l’Élysée et sur le niveau de crédibilité des études réalisées par l’entreprise OpinionWay. On notera que le ton employé par notre collègue était celui de l’oralité, et qu’il en aurait été tout autrement s’il s’était agi pour lui de s’exprimer dans une revue scientifique. Cette plainte n’aurait pas attiré notre attention ni provoqué notre indignation si ce qu’elle révèle en creux ne portait pas atteinte à ce qui nous est le plus cher en tant que scientifiques et universitaires, à savoir la volonté de savoir et la démarche critique ; ce mauvais coup porté à l’un des nôtres, plus généralement, ne vaudrait pas non plus une heure de peine s’il n’illustrait et ne présageait pas en France de sérieuses menaces sur les sciences humaines et sociales. » [2].

9. L’art délicat du remplissage
- Ou : « TF1 bourre les bancs de l’Assemblée… »

Le mardi 9 février, le 20 heures de TF1 est revenu sur le vote de la loi Loppsi 2. Problème : l’hémicycle présenté par TF1 était plein, alors que celui vu par les internautes qui ont suivi les débats en direct sur le site de l’Assemblée était lui quasiment vide. C’est la deuxième fois en un an que TF1 bourre les urnes médiatiques à coup d’images d’archives, puisque la chaîne avait déjà été prise sur le fait lors du vote de la loi Hadopi. Cette fois-ci, elle s’est attiré une mise en demeure du CSA. « Arrêt sur images » résume l’affaire, vidéos à l’appui dans un article en accès gratuit.

10. L’art délicat de se faire piéger
- Ou : « Canal+ piégé par un canular roumain »

Selon le correspondant du Monde à Bucarest, Times.ro, un site satirique roumain, a annoncé qu’un bataillon de soldats roumains parti pour aider à secourir les victimes du tremblement de terre avait débarqué à Tahiti au lieu d’Haïti.

« Illustré par une photo présentant les soldats roumains sur une plage tahitienne, il cite le ministre roumain de la Défense : "Franchement, ce n’est pas la peine d’en faire un plat", aurait affirmé celui-ci, selon l’article. "Haïti, Tahiti, Mahiti, Papiti, toutes ces îles ont des noms qui se ressemblent. Qu’elles aillent au diable." », relate le quotidien du soir.

La présentation satirique de la supposée information n’a pas empêché l’émission « L’Édition spéciale » de Canal+ de se prendre les pieds dans le tapis, comme le raconte Le Monde : « Et l’aventure continue en France. Le 18 février, l’hebdomadaire Courrier international résume un article de la presse roumaine et révèle la bourde médiatique, mais sur Canal+ on ne lit que le début de l’article et on tombe dans le panneau. L’émission "L’Édition spéciale" de la chaîne consacre plusieurs minutes à l’incroyable histoire roumaine, que le site Times.ro signale à sa manière : "Canal+ a reçu l’information de son correspondant local, le peintre Paul Gauguin, peut-on lire sur le site roumain. Il vit sur cette île et a été le témoin oculaire de l’arrivée du bataillon roumain." »

LePoint.fr apporte cette précision : « Dans tous les cas, voilà qui ne va pas arranger les affaires de Canal+ au moment où le CSA pointe du doigt ses manquements en matière d’honnêteté de l’information. La chaîne cryptée a été priée de lire un communiqué d’excuses pour des erreurs passées. Elle refuse cette punition humiliante. Avec cette dernière boulette, le CSA a de quoi se montrer insistant... Du côté de Canal+, on minimise : "Cette séquence de L’Édition spéciale est consacrée à une info plus légère reprise sous la forme d’un quizz de revue de presse. Ce n’est pas aussi grave que s’il s’agissait d’une information que nous aurions fournie en propre." »

C’est d’autant moins grave que le téléspectateur sait naturellement distinguer les informations « fournies en propre », et celles fournies… au figuré.

11. L’art délicat de la convergence
- Ou : « Demorand-BHL ? Ouf ! Nous ne sommes plus seuls »

Dans un précédent article, daté du 22 février – « “L’amour, ça se fait à deux”, par Nicolas Demorand et Bernard-Henri Lévy » – nous avions rapproché, vidéo à l’appui, l’étonnement feint par Nicolas Demorand au sujet de l’omniprésence médiatique de BHL, sa censure agacée de l’intervention d’un auditeur qui lui rappelait le nombre des invitations qu’il avait lui-même accordées à BHL, et l’accueil réservé au susdit BHL par le susdit Demorand, deux jours plus tard, sur France 5.

Quelle ne fut pas notre surprise de découvrir que le « Petit journal » de Yann Barthès sur Canal Plus osait le même rapprochement ! Peut-être même en étions-nous les inspirateurs. Sans doute pas, puisque nous n’étions pas cités. Mais qui sait ?

12. Pas délicat du tout !

C’est par « Le blog de Circé que nous avons été alertés [3]. Avec l’autorisation de sa rédactrice nous reproduisons éléments d’analyse et documents illustrant son article : « Violences faites aux Femmes : du mensonge à l’instrumentalisation... ».

L’objet de cet article – à lire intégralement – est de dénoncer l’instrumentalisation des violences faites aux femmes. Il s’appuie essentiellement sur la façon dont les autorités et les médias ont célébré la réussite de l’« Alerte enlèvement » qui a permis, le 16 février, de retrouver sain et sauf un petit garçon enlevé par son père. En revanche, de la mère qu’il a assassinée, on ne saura presque rien, ni de l’échec – par inconscience ? impuissance ? désintérêt ? – de la police alors que la jeune femme avait déposé de nombreuses plaintes contre son ex-compagnon, et que celui-ci avait été plusieurs fois condamné. La dernière condamnation, à 4 mois de prison avec sursis, datait de la semaine précédente, précisément pour menaces de mort à l’encontre de son ex-compagne. « Et alors ? Rien. Rien n’avait été fait pour la protéger. » Mais les autorités n’ont pas oublié de communiquer « sur l’identité du meurtrier à la couleur passablement non gauloise, sur son prénom, qui sent lui aussi son étranger, sur son passé de délinquant. »

Et l’article du Blog de Circé de préciser, à propos des violences faites au femmes : « Ah...C’est vrai, j’oubliais, elles ont la plupart du temps plus de 13 ans les victimes et moins de 80 ans, pas médiatiques en plus, si leur compagnon ne fleure pas bon le délinquant étranger ».

Pour preuve de cette instrumentalisation, deux articles parus le même jour dans La République du Centre :

« Dans celui-ci, clairement la nationalité de l’agresseur est citée. Son attitude est volontairement décrite, prouvant s’il en était besoin qu’il ne peut être qu’un meurtrier en puissance, peut-être même un "sérial killer". Sans doute, si rien n’est encore fait, le sera-t-il un jour, meurtrier, mais est-ce dû à sa nationalité ou à l’indifférence de notre société lorsque des violences sont commises à l’égard des femmes par leurs conjoints, concubins ou ex ? »

Autre cas :

« Et là, hormis un prénom, rien. Pas de nationalité, on suppose donc qu’il est français, pas de traits, rictus, visage décrits pour celui que l’on qualifie même de "jeune homme". Pour quelles raisons, les violences faites aux femmes seraient une histoire d’âge ? Et ici, sa jeunesse serait clairement "une excuse" ? Pourtant, aucun de ces deux individus ne mérite de traitement différent, tant dans l’information que dans la condamnation sur les faits qui leur sont reprochés. Et pourtant, vous ne trouvez pas, vous, que ces deux articles ne renvoient pas la même perception quant aux faits de violences inouïes et inqualifiables qui ont été commis ? Pour info, tout de même, ces deux articles ont été rédigés le même jour, publiés le même jour. Alors ? »

 
Acrimed est une association qui tient à son indépendance. Nous ne recourons ni à la publicité ni aux subventions. Vous pouvez nous soutenir en faisant un don ou en adhérant à l’association.

Notes

[1Audrey Pulvar, interrogée par le JDD.

[2L’intégralité de la tribune peut être lue ici.

[3Et très exactement par un journaliste qui nous a signalé ce blog.

A la une

Nathalie Saint-Cricq dans Libération : une « pointure » et beaucoup de cirage

« Nathalie Saint-Cricq vote », et Libération vote Saint-Cricq.