Guillaume Goutte met l’accent sur la précarité de la profession. « Aujourd’hui, la majorité des correctrices et correcteurs en activité sont des travailleurs payés à la tâche, à la pièce », explique-t-il. Un « tâcheronnage » qui « s’exprime à travers divers statuts ou formes de rémunération, dans le cadre du salariat (statut de travailleur à domicile, rémunération à la pige, contrat de travail à durée déterminée) ou du travail prétendu indépendant (microentrepreneuriat, rémunération en droits d’auteur). »
La précarité est en effet, écrit-il, « la règle pour tous » :
Car le paiement à la tâche, c’est d’abord l’assurance d’avoir des revenus qui fluctuent d’un mois à l’autre, d’une année à l’autre, sans grande visibilité, les charges de travail prévues pouvant être annulées ou reportées à tout moment.
« Le métier de correcteur est socialement sinistré », résume-t-il, après avoir évoqué la disparition progressive du métier de correcteur de presse. « Les cassetins [1] de presse, qui accompagnaient chaque titre de presse au siècle dernier, ont été réduits à portion congrue, voire supprimés. » Dans la PQR, exception faite du Parisien, « les correcteurs ont disparu, la correction étant reléguée aux secrétaires de rédaction […], voire, dans certains titres, éliminée. » En revanche, tous les titres de presse quotidienne nationale « disposent encore d’un service de correction ». Tous… sauf Libération, « qui a eu bien du mal à embaucher des correcteurs mais aucun à s’en débarrasser en 2007 ». [2]
Face à ces dynamiques, Guillaume Goutte appelle à défendre le métier. Il incite par exemple à se mobiliser contre « l’injonction à la polyvalence », ici dans la presse :
Considéré comme désuet, hérité d’un autre âge, le correcteur voit son savoir-faire confié au secrétaire de rédaction, pour le support imprimé, ou à l’éditeur, pour le Web. Soit il devient lui-même secrétaire de rédaction ou éditeur, soit le secrétaire de rédaction ou l’éditeur absorbe sa charge de travail. Dans les deux cas, le métier s’efface derrière le salarié multitâche. Beaucoup d’entreprises, surtout en presse magazine et en presse quotidienne régionale, ne voient désormais plus l’utilité de professionnels exclusivement dédiés à la correction des journaux. La première victime de cette polyvalence, c’est la qualité éditoriale, du fait que cette fusion des fonctions impose que l’une s’exerce au détriment de l’autre, inéluctablement.
Avec « quels outils pour lutter » ? Guillaume Goutte achève son livre en proposant des moyens d’action : « créer du lien entre les correcteurs », s’investir dans le travail syndical, ou encore dénoncer publiquement les journaux et les maisons d’édition qui bafouent le Code du travail.
Maxime Friot