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Les télécrates s’expliquent (2) Mougeotte

Etienne Mougeotte, vice-président de TF1, interrrogé par Daniel Psenny, du Monde-Télévision

(Première version : 23 avril 2002. Mise à jour du 05 et du 12-05-2002)

(1) Robert Namias et Olivier Mazerolles (2) Etienne Mougeotte (3) David Pujadas (4) Patrick Poivre d’Arvor


Question :

« Après les résultats du premier tour, la télévision est accusée d’avoir exploité le thème de l’insécurité. En multipliant les reportages alarmistes sur ce sujet, TF1 n’a-t-elle pas une part de responsabilité ? »

Réponse du Mougeotte :

(en gras, c’est nous qui soulignons)

« Je récuse totalement cette analyse. Les perdants du premier tour ont tort de chercher des boucs émissaires : la télévision qui aurait trop parlé de la violence, ou les sondages qui auraient sous-estimé le vote Le Pen. Mieux vaut après un échec se demander quelles erreurs on a commises, pour éviter de les reproduire. Depuis plus de deux ans, toutes les études d’opinion prouvaient que l’insécurité était de très loin le premier sujet de préoccupation des Français. Si TF1, comme tous les grands médias, a longuement traité de l’insécurité, c’est simplement que nous nous efforçons d’être à l’écoute de nos concitoyens et de répondre à leurs attentes. Ce n’est pas la télévision qui génère l’insécurité, c’est la montée de l’insécurité qui justifie que la télévision en parle. »

Et plus loin, en réponse à une autre question sur un autocritique éventuelle :

« S’agissant de TF1, plutôt que l’autocritique nous préférons nous interroger en permanence sur la validité de nos choix éditoriaux et de leur cohérence avec la réalité du pays et les attentes des téléspectateurs. Quand l’audience n’est pas au rendez-vous, nous n’en concluons pas que le public a tort mais que nous nous sommes trompés ; nous essayons de savoir pourquoi, pour nous remettre dans la bonne direction. »

La pensée-Mougeotte est encore plus limpide que la pensée-Namias.

Une part de responsabilité ? « Je récuse totalement cette analyse », répond l’émissaire de la Bourse qui refuse d’être un bouc. La télévision ? Un simple reflet, "pense" le non bouc-émissaire. Qui, avec le cynisme candide qui fait tout son charme, confirme :

 Que les sondages d’opinion sont des études de marché. Inutile de redire ici comment est construite artificiellement cette opinion pour sondages, sondologue et sondophiles. Il suffit de constater qu’elle permet de mesurer une audience potentielle, en glissant de la "préoccupation" présentée comme dominante aux prétendues "attentes" des consommateurs déguisés, pour l’occasion en "concitoyens" ;

 Que l’audience est le seul critère de l’information télévisée version Mougeotte ;

 Que seule importe l’importance quantitative de l’information sur l’insécurité, sans qu’il soit nécessaire de s’interroger sur son contenu et sa mise en forme ;

 Que la "pensée-Mougeotte" est la version audimateuse de la démagogie ;

 Que les critiques professionnelles de la profession, quand elles se bornent à invoquer - parfois légitimement - la déontologie, sont vouées à l’impuissance face à la politique boursicoteuse des Mougeotte ;

 Que les critiques "complexes" des médias qui récusent les critiques "simplistes" de l’assujettisement de l’information aux conditions de sa marchandisation... devraient lire Mougeotte plus souvent.

La suite (3) David Pujadas

 
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