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Les médias « trop de gauche » ? Quand les éditocrates prennent leurs cauchemars pour des réalités

par Maxime Friot,

Hallucination collective des éditocrates.

« Les médias sont-ils trop de gauche ? » se demandent Élisabeth Lévy, Eugénie Bastié, Judith Waintraub et Laure Mandeville le 3/02 (Le Figaro). Les journalistes « sont tous ou presque d’extrême gauche », répond Franz-Olivier Giesbert le même jour dans Le Point – et de poursuivre : « Beaucoup de médias nous servent la marmelade idéologique des néorévolutionnaires de la Nupes ou de la CGT qu’ils se gardent bien de contredire ou même de questionner. » Le 26/02, sur I24 News, Michel Onfray ne dit pas autre chose : « Vous savez, en France, une grande majorité de la presse est assez mélenchonienne ou mélenchoniste. Il y a un espèce de logiciel de gauche, avec ce qu’il y a de pire dans la gauche, c’est-à-dire cet antisionisme associé à l’antisémitisme. » Gilles-William Goldnadel dénonce, lui, un « privilège rouge » (Le Figaro, 13/03).

Le « constat » n’est pas nouveau. Pendant la campagne des dernières élections législatives, Ivan Rioufol s’indignait du « cirque médiatique mené par l’extrême gauche autour de son nombril » (Le Figaro, 05/05/22) ; Jean-François Kahn voyait en Jean-Luc Mélenchon le « nouveau chouchou des médias » qui jouissait d’une insupportable « lune de miel médiatique » (Le Point, 12/05/22) ; quand Pascal Praud avait « l’impression que c’est Jean-Luc Mélenchon qui a gagné l’élection présidentielle [...] avec une complicité ou une douceur de l’espace médiatique », il était rejoint par l’ancien directeur général de LCI et membre de la direction de TF1 Éric Revel : « L’extrême gauche n’affole surtout pas les médias bien-pensants. L’extrême droite toujours, l’extrême gauche jamais ! » (CNews, 05/05/22)

On pourrait trouver cocasse de voir ces omniprésents médiatiques, penchant tous plus ou moins (mais plutôt plus que plus) à droite, s’insurger contre l’omniprésence de la gauche dans les médias, où elle est en réalité systématiquement marginalisée. Constatons en tout cas que, si nombre d’éditocrates s’insurgent contre une imaginaire « extrême gauchisation » des médias, bien peu de voix s’élèvent, dans les médias, contre leur évidente droitisation.

« Évidente droitisation » ? À la différence de nos éditocrates préférés, nous ne nous contenterons pas de jugements à l’emporte-pièce ou d’accusations non fondées. C’est précisément à décrire et documenter ce processus que s’attache notre nouveau livre, Les médias contre la gauche, qui paraît le 17 mars. Celles et ceux qui le liront sans œillères pourront mesurer « à quel point les médias dominants, en situation d’interdépendance étroite à l’égard des pouvoirs politique et économique, contribuent à mutiler le pluralisme et le débat démocratique. Dirigés et contrôlés par des chefferies éditoriales sociologiquement solidaires des intérêts et des points de vue des classes dirigeantes, ces médias jouent un rôle actif dans l’histoire sans fin de la droitisation du débat public depuis quarante ans. Un processus qui s’est encore accéléré au cours du premier quinquennat d’Emmanuel Macron, en même temps que se dégradaient les conditions d’expression et d’existence médiatique de la gauche. »

À bon entendeur...



Maxime Friot

 
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