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Les fausses excuses de Vincent Peillon

par Olivier Poche,

Avec un peu de retard, dans cette rubrique pourtant intitulée « Sur le vif », retour sur une vraie/fausse information, significative de la réception de la critique des médias par les médias...

Tout a commencé par un « Buzz », en date du 2 mars : les regrets de Vincent Peillon à propos de la demande de démission d’Arlette Chabot, à la suite de son boycott de l’émission « A vous de juger » consacrée à Eric Besson le jeudi 14 janvier 2010. Des regrets ? Quels regrets ?

…. Et tout s’effondre définitivement dans une interview à TV Magazine daté du 2 avril.

 Retour aux sources. Un article intitulé « Buzz sur les "regrets" de Peillon concernant Chabot : analyse d’une désinformation » et publié le 3 mars dernier sur le blog « Antennerelais » signalait que la chaîne Public Sénat avait la veille posté sur Dailymotion puis Lepost un extrait de 35 secondes de l’émission « Déshabillons-les » avec Vincent Peillon.

Un extrait « spectaculaire » (d’une émission d’une durée totale de 43 minutes qui devait être diffusée… deux semaines plus tard [1]). Un extrait qui était destiné à « buzzer » et qui le fit, mais au prix de déformations non moins « spectaculaires » de son contenu, relevées par « Antennerelais ».

Voici le verbatim intégral de cet extrait emprunté à la même source :

- Vincent Peillon : « Je pense en même temps que j’ai fait des fautes, qu’ils n’analysent pas, par exemple sur Arlette Chabot, sur la démission d’Arlette Chabot. Ils ne sont pas mûrs pour aller jusque là de l’analyse. Et donc on a personnalisé, on a dit "c’est les médias" »
- Hélène Risser : « On a dit "il veut la tête d’Arlette Chabot" alors que... »
- Vincent Peillon : « Voilà, ça permettait... Ils ont communiqué sur la forme ("regardez, Staline est de retour") ce qui est quand même assez stupéfiant. »
- Hélène Risser : « Donc là vous reconnaissez que vous avez mal..., enfin été maladroit sur... »
- Vincent Peillon : « Très maladroit. J’ai fait ça dans ma cuisine, mon fils qui a 13 ans est passé, m’a dit "tu devrais pas mettre ça" (c’était mon seul conseiller, voyez les choses sont artisanales). Maintenant je l’écouterai tout le temps ! Je pensais qu’il était surtout bon en football en fait il est meilleur que moi en politique. »

« Il s’agit d’essayer de faire "buzzer" quelque chose sur le net avant la diffusion de l’émission, pour attirer l’attention sur l’émission et sur la chaîne elle-même », indique Antennerelais. L’extrait choisi reprenait en effet le passage le plus « vendeur » du moment, le retour de Vincent Peillon sur son précédent « coup médiatique ».

Le court extrait, hors de tout contexte, n’est pas d’une limpidité totale, mais il semble qu’il faille comprendre que Peillon reconnaît avoir été maladroit en demandant la démission d’Arlette Chabot, mais seulement en raison de la forme donnée à cette demande qui prêtait le flanc à des réactions indignées et sans la regretter ou s’en excuser sur le fond.

 Effets de « buzz » - Très logiquement, nombre de médias n’entendront dans cet extrait que ce qu’ils voudront bien entendre : un acte de contrition.

- « Peillon regrette d’avoir demandé la démission d’Arlette Chabot », titrent aussitôt LeParisien.fr et LeMonde.fr.

- «  "Mea culpa"  », titre LeFigaro.fr, qui précise dans l’article : « Dans un communiqué, il avait ensuite mis en cause les responsables de France 2. Aujourd’hui, il regrette : "Je pense en même temps que j’ai fait des fautes que je n’analyse pas sur la démission d’Arlette Chabot" ».

- « Arlette Chabot : “Vincent Peillon s’excuse du bout des lèvres”  », titre 20minutes. « Du bout des lèvres », en effet… puisqu’il n’y a pas d’excuses ! Avec cette « précision » dans le chapeau de l’article : « Le député PS reconnaît avoir commis des « fautes » mais ne regrette pas sa politique de la chaise vide ».

Titres « choc » propres à attirer des clics. Titres « choc » fondés sur une dépêche de l’AFP qui contenait de surcroît une erreur de transcription relevée par Antennerelais : « J’ai fait des fautes qu’ils n’analysent pas  » devenant « des fautes que je n’analyse pas » [2].

 Epilogue - Dans une interview (qui n’a pas « buzzé ») à TV Magazine daté du 2 avril, Vincent Peillon est revenu sur sa demande de démission d’Arlette Chabot. Et il confirme ce que la vidéo laissait supposer : « J’ai été incompris en demandant sa tête, mais ce n’est pas pour autant que je m’en excuse. J’assume pleinement et je ne regrette rien sur le fond  »..

Un mois plus tôt, lors de la diffusion de l’extrait vidéo de Public Sénat, TVmag avait titré : « Affaire A.Chabot : Vincent Peillon s’excuse ».

Nous l’avions écrit : « Demander la démission d’Arlette Chabot à cette occasion n’était sans doute ni justifié ni opportun » [3]. Comme il ne serait pas justifié de demander la démission de ces journalistes qui écrivent n’importe quoi, particulièrement quand l’un-e des leurs est en cause.

 Moralité Faut-il le (re)dire ? Ce n’est pas le comportement de Vincent Peillon qui nous importe au premier chef, mais la réception par les médias de la critique des médias quand, comme c’est le cas, en l’occurrence, elle est fondée. Oui, France 2 a fait une part trop belle au débat gouvernemental sur l’identité nationale. Oui, il était légitime de contester le dispositif et le thème du « spécial Besson » organisé par Arlette Chabot, le 14 janvier 2010.

Olivier Poche

P.S. Au fait, quel était le principal reportage de l’émission « Envoyé spécial » le 8 avril 2009 ? « Eric Besson, la rupture pour identité ». D’une rare complaisance… Un « spécial Besson » tous les trois mois, ce n’est pas un peu trop ?

 
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Notes

[1Elle le fut, le 16 mars 2010.

[2Précision du 21 avril 2010, 11h00 : « Antennerelais » nous signale que la dépêche de l’AFP contenait bien une erreur, mais pas celle qu’il avait cru relever. Vincent Peillon dit en réalité : « j’ai fait des fautes qu’il n’analyse pas », car il parle ici du « psy invité à commenter ses faits et gestes », selon Antennerelais, ce que seule la diffusion de l’émission (que nous n’avons pas pu voir) permettait de comprendre.

[3Ici.

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