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Davos 2003

Les émois d’un quotidien suisse et financier

Le 15 janvier 2003, dans un éditorial de L’Agefi, quotidien suisse dédié aux affairistes et boursicoteurs, on pouvait lire la prose incendiaire d’un certain Pierre Veya, sous le titre « Davos ou le piège tendu par les antimondialistes »

La première phrase donne le ton :

« Année après année, le Forum économique mondial (WEF) de Davos soulève une tempête médiatique primaire entre les pseudo antimondialistes et les tenants du libéralisme sauvage, comme le résument certains commentateurs. »

Quand un journaliste dénonce la « tempête médiatique » à la quelle il prend part (ou la médiatisation de ceux qu’il contribue à médiatiser), on pressent le pire. Surtout quand on a affaire à une évocation de cet étonnant phénomène météorologique : « la tempête entre… ».

Entre quoi et quoi, d’ailleurs ? Entre « les pseudo antimondialistes et les tenants du libéralisme sauvage, comme le résument certains commentateurs ». A peine commencée, la phrase par en vrille. Qui parle ? Apparemment, mais ce n’est pas sûr, certains commentateurs ? Et ils parlent de quoi ? De « pseudo antimondialistes ». On a cherché : le terme ne figure dans aucune revue de presse. Mais « pseudo » ou pas, « antimondialistes » et « altermondialistes », qualifiés de « pseudos » ainsi par l’auteur de l’article ou des commentateurs introuvables, force est de constater qu’ils ne soufflent pas dans les médias au point d’y soulever une tempête.

Ils n’empêchent que peu c’est trop, comme nous l’apprend la suite :

« Cette perception est détestable et montre à quel point les ONG sont parvenues à pervertir l’essence même d’une manifestation. Car soyons clairs : le Forum de Davos n’est rien d’autre qu’un lieu de rencontres entre des chefs d’entreprises et des dirigeants politiques qui discutent et débattent de manière informelle. Il n’y a jamais eu de projet formulé ni de décisions prises à Davos. En ce sens, Davos est d’abord une manifestation privée.  » (C’est nous qui soulignons)

Les ONG ont donc « perverti l’essence », par une ingérence inadmissible dans la vie privée des chefs d’entreprises et des dirigeants politiques qui, quand ils se concertent sans rien décider, ne préparent nullement les décisions qu’ils vont prendre après s’être concertés.

Mais il y a plus grave encore :

« Cela dit, l’ampleur du mouvement antimondialiste et sa résonance sont inquiétantes. Des ONG sont parvenues à faire croire à une partie de l’opinion publique que le phénomène de la mondialisation était à l’origine de la misère de la planète, alors que toutes les études économiques et sociales sérieuses montrent l’inverse. ».

Comme celle d’Alain Minc par exemple, sournoisement plagié par un confrère suisse. Comme le montre un autre fragment :

« En réalité, il y a dans la contestation antimondialiste une composante religieuse et un refus obstiné de la raison économique qui relèvent de l’idéologie dans ce qu’elle a de pire : l’obscurantisme. Quant au Forum social mondial de Porto Alegre, contrairement aux antimondialistes, jamais il ne nous viendrait à l’idée de vouloir le perturber ou le combattre par la violence. Mais nous savons que ses organisateurs, antilibéraux dans l’âme, ont déjà formulé les réponses aux questions qu’ils soulèvent. Ils ont eux-mêmes fermé la porte au débat en décidant d’emblée que la mondialisation était le cauchemar de l’humanité, alors que l’histoire humaine montre au contraire que l’accroissement des échanges est le préalable au développement économique. Mais peut-être que leurs leaders sont trop riches et trop occidentaux pour comprendrece que signifient les mots développement ou stagnation économique…  » (C’est nous qui soulignons)

Tout y est. "Nous" : tiens donc ! il y a un « nous « auquel notre journaliste prend part, alors qu’il n’est pas invité puisque c’est une manifestation privée. "Nous" ne pertubera pas Porto Alegre. Pourquoi ? Parce que, dit-il, alors que nous discutons entre nous, « eux » refusent le débat avec nous. « Nous » qui, modestement, organisons le développement, dont « eux », les riches leaders de Porto Alegre tirent les bénéfices.

Et comme un article ne suffit pas le même quotidien éclairé, en date du 20 janvier 2003, publie un article d’un certain Emmanuel Garessus consacré à une « étude » de Carl Hamilton, de la Stockholm School of Economics : « Globalization and Democracy », Centre for Economic Policy and Research, paper 3653.

Titre de l’article : « DAVOS - La globalisation accroît démocratie et prospérité, n’en déplaise aux ONG ». Le début de l’éloge dithyrambique suffira :

« A l’approche du Forum de Davos, les opposants à la globalisation multiplient leurs opérations de marketing, répétant leur credo qui voudrait que la globalisation soit antidémocratique et que les institutions internationales comme l’OMC, le FMI ou la Banque mondiale souffrent d’un déficit démocratique. C’est le moment choisi par Carl B. Hamilton, de la Stockholm School of Economics et du CEPR, pour montrer qu’au contraire la globalisation, au sens du commerce international de biens, services et investissements directs, accroît la démocratie et les richesses, dans une étude publiée par le CEPR. Il démontre aussi que les ONG se sont mises d’elles-mêmes hors jeu, ne représentant finalement que leurs propres intérêts particuliers derrière leur volonté de parler au nom d’une très incertaine « société civile ». (C’est nous qui soulignons)

Alain Minc, au secours ! Les minorités nous oppriment !

 
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