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L’intérim en super promo dans… TV Magazine

par Franz Peultier,

Lorsque l’hebdo télé de Dassault vend une page de pub aux représentants de l’intérim, il offre la deuxième sous forme d’un article.

Non content d’être un médiocre hebdomadaire télévisuel mâtiné de people bas de gamme, TV Magazine se dédie également à des sujets dont on se demande bien ce qu’ils viennent faire dans un magazine de télévision. C’est le cas dans le n° du 2 août 2009 qui propose, dans la rubrique « Vie pratique », un vibrant hommage au travail intérimaire.

Après avoir répondu, à la page précédente, à un psycho-test lui permettant de savoir « quel ruminant il est », le lecteur est invité à voir tous les bons aspects de l’intérim, qui « offre du travail à deux millions de personnes en France ». Deux millions d’heureux, c’est évident.

Seul interlocuteur de l’article : François Roux, délégué général du Prisme, « le syndicat des professionnels de l’intérim, services et métiers de l’emploi ». Le chapeau donne des sueurs froides : selon le Prisme, « 80 800 missions intérimaires ont été perdues au cours du premier trimestre de cette année et 110 000 postes équivalents à des CDI entre janvier et juin ». Mais le lecteur peut se rassurer : « Faut-il pour autant se détourner de l’intérim ? » demande le chapeau. La réponse claque avec la force de l’évidence : « Non. Au contraire. »

L’article relève que l’intérim « reste l’un des plus sûrs pour le demandeur d’emploi, l’entreprise de travail temporaire étant assujettie à une législation de plus en plus contraignante ». Mais il est d’autres motifs de réjouissance : « La mise en place d’accompagnements sociaux permet désormais au personnel temporaire l’accès aux mêmes avantages que tout autre salarié dans les domaines nécessaires et ô combien légitimes de la formation (CIF, congé individuel de formation), des crédits, du logement (Fastt, le Fonds d’action sociale du travail temporaire), des études, des vacances et des mutuelles. »

Suivent des données pour nous prouver que les intérimaires n’ont vraiment pas de quoi se plaindre, et un chiffre (placé en exergue)  : « 25 % des missions mènent à un contrat d’embauche en CDI ». Avec une chance sur quatre d’obtenir un CDI derrière sa mission, on voit mal pourquoi l’intérimaire s’inquiéterait... Pour le cas où celui-ci serait trop nul pour se faire embaucher, pas d’inquiétude : « le "jobcoaching" est proposé par des agences de plus en plus nombreuses » (à ce stade, on a oublié qu’on lisait ce qui est censé être un hebdo télé). En quoi consiste le « jobcoaching » ? « Préparation et simulation d’entretien, "relooking", entretiens approfondis, "testing", rédaction de CV, analyse du projet professionnel... » Après ça, pas de doute : notre intérimaire est prêt à se couler sans résistance dans le monde du travail. Pour l’auteure, il s’agit surtout « d’accomplissement de soi et d’aboutissement »... La conclusion coule de source : « Cela vaut donc la peine. »

Bref, grâce à l’intérim, tout va pour le mieux dans le meilleur des mondes selon TV Mag. Peut-être cet enthousiasme – qui n’est nuancé par aucune voix contradictoire – a-t-il à voir avec la publicité qui se trouve sur la page de droite ? Non, ce serait trop gros... Et pourtant, il s’agit bien d’une pub pour le Fastt (évoqué plus haut), qui vient appuyer l’éloge de l’intérim dressé sur la page de gauche...

Pas question de faire de la pub pour cette pub : nous avons effacé le numéro de téléphone et l’adresse du site Internet. Mais si l’on se rend sur le site du Fastt, on peut également apprendre qu’il est « financé par les entreprises de travail temporaire » (c’est également signalé dans la pub) et qu’il a été créé en 1992 par « les partenaires sociaux : les organisations représentatives des salariés intérimaires et le Prisme (organisation représentant les professionnels de l’intérim, services et métiers de l’emploi) ».

Le Prisme... dont le délégué général était le seul interlocuteur de l’auteure de l’article « de fond ». La boucle est bouclée. Et TV Magazine a prouvé en deux pages qu’il est bien ce qu’il est : un magazine de télévision, mais doublé d’un hebdomadaire d’opinion (ou de propagande, comme on voudra), en toute neutralité !

Franz Peultier

 
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