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"L’« antipub », un marché porteur"

Extraiut d’un article de François Brune [1] , paru dans Le Monde diplomatique de mai 2004.

L’invasion publicitaire se poursuit. Déjà nombre de restaurants, de cafés et de supermarchés imposent une rasade supplémentaire de « réclame » entre deux musiques d’ambiance. On parle désormais d’« assouplir » la directive européenne Télévision sans frontières afin de donner aux animateurs une plus grande marge de promotion des marques dans leurs émissions. Le développement du mouvement « antipub » témoigne d’un refus croissant de cette dégradation commerciale de l’espace public. "

[Après avoir analysé l’émergence et les manifestations du mouvement, l’auteur poursuit :]

Mais voilà : si la soudaine prédilection des revues et journaux pour les « croisés » de l’antipub (papier glacé, deux pages de texte, images hautes en couleur) a pu surprendre l’observateur, la lecture des articles consacrés au mouvement l’aura rassuré. Hâtivement ficelés, ils s’inscrivent dans la droite ligne de la récupération médiatique, et de ses procédés bien connus.

D’abord, un effet de vaccin. On concède qu’en effet, ici ou là, la publicité abuse de son pouvoir (prolifération, sexisme, abêtissement). Nos journalistes, entrant en connivence avec cette cause salutaire, sont alors allés, non sans une certaine condescendance, humer le parfum de rébellion soixante-huitarde que les barbouillages avaient répandu underground. Cela soulage tout le monde, et notamment les plus subtils défenseurs de la « pub ». Car cette liberté libertaire, face aux dérives publicitaires, prouve paradoxalement qu’on peut s’accommoder du système, comme le souligne sans ambages l’éditorialiste de Libération : « Puisque trop de pub tue la pub, la contestation ne peut pas faire de mal. Surtout si elle aide à renouveler le genre [2](. »

Le deuxième procédé est celui de l’amalgame. Un peu comme naguère l’expression « antimondialiste », l’appellation « antipub » permet d’étiqueter le phénomène tout en se dispensant de lui chercher une cohérence, qui serait politique. On donne à croire qu’on saisit le réel alors qu’on le construit, selon le schéma bien connu du phénomène de société dont le surgissement échappe à la raison. C’est significativement l’expression « pêle-mêle » qui revient dans les articles sur les antipub. Se dessine un regroupement hétéroclite de saturés du système, d’écologistes plus verts que les Verts, de publiphobes archaïques (trop illuminés pour que le lecteur dans la norme souhaite les rejoindre), d’étudiants « néo-situationnistes » à leur insu, d’anars clandestins qui fleurissent au grand jour, de tagueurs non violents qui s’adonnent au « free style », et même d’intégristes du voile islamique, tous plus ou moins entrés en « désobéissance civile » (expression reprise mais non élucidée).

Lire l’article.

 
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Notes

[1Auteur du Bonheur conforme (Gallimard, 1985) et de De l’idéologie, aujourd’hui (Parangon, 2004).

[2Libération, 10 mars 2004.

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