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Journalistes africains en France : « Les plumes de la galère » (Le Gri-Gri International)

Nous publions ci-dessous, avec l’autorisation de la rédaction, un article paru dans le quinzomadaire Le Gri-Gri International le jeudi 24 mars 2005 (Acrimed) [1]

LES PLUMES DE LA GALERE

Salaires de misères, tracasseries administratives...les journalistes africains en France n’ont que leurs plumes pour panser leurs plaies !

Devinette : combien la France accueille-t-elle de correspondants de la presse africaine ?
Sur les 1300 journalistes étrangers recensés à la direction de la communication et de l’information du ministère des Affaires étrangères, seuls cinq plumitifs représentent l’Afrique subsaharienne. Soit cinq fois moins que le Maghreb. Mais rassurez-vous, ce ne sont que des chiffres officiels : « Aux réunions de l’association des correspondants de la presse africaine, je rencontre au moins une trentaine de confrères. Les uns sont mal payés, les autres pas du tout. Pour tous, c’est une manière de se donner un statut social », indique Vincent Garrigues, correspondant de la chaîne sud-africaine Channel Africa et journaliste à RFI.


Fins de mois difficiles

C’est le même topo un peu partout. Les médias africains recrutent en général leurs correspondants au sein de la diaspora sans pour autant les rémunérer. Abdoulaye Ndiaye, le correspondant d’Africa n°1, se rappelle : « J’avais contacté la rédaction du quotidien sénégalais « le Soleil » pour leur proposer une collaboration. Ils étaient d’accord à condition que ce soit à titre bénévole. J’ai dit non. »

Amadou Fall, directeur des rédactions du « Soleil » se défend du bout des lèvres, et évoque « un manque de moyens ». Rares sont les journalistes qui arrivent à arrondir les fins de mois en collaborant à plusieurs médias. Car la presse panafricaine installée en France n’a pas son pareil pour plumer les pauvres journalistes qui cumulent plusieurs mois d’arriérés d’un salaire déjà miséreux. Les médias français n’ouvrent pas d’avantage leurs portes. Un préjugé bien partagé dans la presse française fait croire que les journalistes africains seraient moins compétents que leurs confrères français. Certains se font vigiles, balayeurs, agents d’intérim ou livreurs de pizza...


Quelques privilégiés

A en croire, Abdoulaye Ndiaye, correspondant permanent d’Africa n°1, son employeur « est le seul média africain, à part l’agence Panapress, qui paie convenablement ses journalistes. » « Une dépêche de 600 mots est rétribuée 50 dollars. Mais notre salaire dépend essentiellement de l’actualité africaine en France. Quand celle-ci est abondante, comme lors des accords de Marcoussis, et qu’on envoie quatre ou cinq dépêches par jour, inutile de vous dire qu’on est heureux et le banquier aussi », explique Seidick Abba, un des correspondants du bureau Panapress de Paris. Vivement d’autres Marcoussis !


Otages de la bureaucratie

L’accréditation des correspondants étrangers en France relève du parcours du combattant. Celle des correspondants africains est un casse-tête chinois. Louis Keumayou qualifie d’ « horribles » les démarches à faire. « Les fonctionnaires sont paranoïaques. Ils voient des immigrés clandestins partout. » Mais les journalistes africains gardent la tête froide. C’est vrai qu’ils ont vu pire. La plupart sont venus en France pour se mettre à l’abri de la répression exercée par des régimes sanglants et dictatoriaux. Le Camerounais Eyoum N’gangué est un homme libre en France. Mais dans son pays, il lui reste encore deux mois à purger. Condamné à un an de prison ferme en 1997 pour outrage à chef d’Etat, il a passé 60 jours à l’ombre avant d’être libéré sous caution. Sans demander son reste, il a rejoint la France avec l’aide de quelques amis. Aujourd’hui, il dirige l’association Journaliste africain en exil (JAFE) qui se consacre à l’assistance des confrères menacés physiquement dans leurs pays. Ces derniers constituent, il est vrai, une espèce en voie d’expansion. Cela dit, si vous voulez voir à quoi ressemble un journaliste persécuté, faites un tour à la maison des journalistes (MDJ) ou à « L’Ambassade », un bar du 19è arrondissement, le quartier général des journalistes exilés à Paris.

Gnimdéwa Atakpama,
Le Gri-Gri International du 24 mars 2005.

 
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Notes

[1Sur Le Gri Gri International, voir dans Lu, vu, entendu : « D’ici et d’ailleurs », un résumé du dossier (paru dans le n° du jeudi 10 mars 2005) consacré au financement de Jeune Afrique - l’Intelligent. Sur le site des Amis du Gri-Gri (lien périmé), lire la première page du dossier : « On aime le fric à Jeune Afrique - l’Intelligent » (lien périmé). (note d’Acrimed)

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