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Elections de 2002

Insécurité : le " syndrome du trappeur "

par Patrick Lemaire,

L’utilisation des chiffres à l’occasion des élections de 2002 était le thème de la " Grande nuit des élections " organisée en septembre 2002 par l’association Pénombre (lire sa Lettre blanche spéciale 10 ans et des extraits ici-même). Bien entendu, les " statistiques " de l’ " insécurité " ont notamment été passées au crible.

Bruno Aubusson : (...) " Le graphique c’est simple on l’a trouvé un peu partout, on l’a trouvé en particulier dans des tracts du RPR et puis dans le programme du candidat Chirac et le graphique disait que la délinquance a baissé de 11 % sous le gouvernement Juppé et qu’elle a augmenté de 15 à 16 % sous le gouvernement Jospin. Évidemment si on admet ça en matière de chiffres, après il n’y a plus beaucoup à discuter et pourtant il y avait de quoi réfuter ce graphique. (...) La statistique de la délinquance du ministère de l’Intérieur ne mesure pas précisément la criminalité commise (...) [1], par ailleurs les variations que l’on observe sur un an ou sur deux ans, quand on les replace dans le long terme, cela montre que ce sont des accidents conjoncturels qui n’ont pas une signification très importante par rapport à la façon dont est traité le problème de la délinquance. (...) Il y a certains journalistes qui ont essayé de déminer l’affaire mais c’est curieux quand même car aucun des journaux qui se sont fendus d’un article pour essayer d’expliquer que les choses n’étaient pas aussi simples, aucun de ces journaux n’a renoncé à un titre du genre " les mauvais chiffres de la délinquance "... Et que va faire Jospin de ces chiffres ?... ce qui s’est passé, vous le savez mais je le rappelle quand même, c’est que Lionel Jospin lui-même, le jour de sa déclaration de candidature a rendu toutes les explications inutiles, parce que c’est lui-même qui a affirmé que la délinquance a augmenté au cours des 5 dernières années...(...) Un institut a mesuré un indice de pression médiatique sur le thème de l’insécurité qui a montré que, de l’automne 2001 jusqu’à avril 2002, le thème de l’insécurité avait occupé une place croissante dans les médias. Les arguments des journalistes que j’ai pu entendre depuis, montrent qu’ils se sont posé des questions quand même après sur la façon dont ils avaient traité l’insécurité pendant la campagne électorale. Il y en a qui n’ont pas encore trouvé d’explication à leur comportement, il y en a qui l’ont trouvée assez vite, ça consiste à dire en gros : la délinquance a augmenté, donc il fallait en rendre compte. Et qu’est-ce qui prouvait que la délinquance avait augmenté ? C’est qu’à la télévision on parlait de plus en plus de faits de délinquance... (rires) en fait ce qui prouvait que l’insécurité se développait...

Jean-René Brunetière : " Ça me rappelle l’histoire du trappeur (...).

Ça se passe au Canada, c’est l’automne, comme en ce moment, ça se passe peut-être quelque part en ce moment, et il y a trappeur qui vient de s’installer dans une région qu’il ne connaît pas. Il fait de plus en plus froid, comme ici, mais au Canada, ça ne rigole pas, surtout dans le Nord. Alors il commence à couper du bois pour l’hiver. Il fait son petit tas, puis il se demande s’il en a assez ou pas assez... Il voit un vieil Indien qui fume son calumet, et il va lui demander " est-ce que tu penses que l’hiver sera rude " ? L’Indien lui dit : " Oh ! faut être prudent, toujours, avec les hivers, mais c’est un peu tôt pour dire... " Alors, voyant l’Indien un peu sceptique, il va recouper un peu de bois, puis il retourne voir l’Indien quinze jours après et lui demande : " Alors qu’est-ce que tu en penses, maintenant, as-tu des signes ?" " Ah ! dit l’Indien, ça va tout de même être un hiver un peu froid... " Alors, là, il en coupe un bon coup, et puis il se dit, si j’en coupe trop, il m’en restera pour l’année prochaine. Alors, il va revoir le vieil Indien, et lui dit : " alors, tu as du nouveau ?", et là, le vieil Indien lui dit " ouh la la ! qu’est-ce qu’on va déguster !..." Alors le trappeur lui demande : " mais comment fais-tu ? C’est le lichen sur les arbres ?..." et l’autre lui dit : " non, non, mais il y a un vieux proverbe : quand visage pâle couper beaucoup de bois, hiver très rude !". (rires)

C’est un phénomène à l’œuvre assez souvent dans les médias, mais nos amis journalistes nous diront comment cela fonctionne. "

 
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Notes

[1Lire dans le n° 24 de Pénombre "Les marrons de la délinquance" (Ndr).

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