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Puisque nous sommes tous américains... (4)

Haro sur l’ennemi intérieur (bis) : « l’antiaméricanisme »

Derrière le spectre de « l’antimondialisme », l’hydre de « l’antiaméricanisme »… Car quels "autres" que des "antiaméricains" pourraient s’interroger sur le rôle des Etat-Unis dans le monde, au point d’être hostile à la politique de ses gouvernants ?

Haro sur « l’antiaméricanisme »

 Georges-Marc Benamou, éditorialiste chez Hachette (La Provence, Europe 1) dirigeait L’Evénement (Hachette) lorsque cet hebdomadaire a, en 1999, défini comme " complice de Milosevic " tous les opposant à la guerre du Kosovo. Le même, sur Europe 1, le 16 septembre 2001 :

« C’est la phrase de la semaine : Nous sommes tous des A-mé-ri-cains ! Elle est de Jean-Marie Colombani, le directeur du journal Le Monde [...] Il n’y avait rien à dire. Elle [la phrase] était parfaite. [...] Les amis de Milosevic et de Saddam Hussein se sont mobilisés [...] On peut se demander si tout cela, toutes ces réticences qu’on ne rencontre nulle part ailleurs en Europe ne sont pas le premier signe d’un retour d’une veille maladie française, l’antiaméricanisme primaire. Avec son nouveau look, son corollaire, l’anti-mondialisation primaire [...] L’antiaméricanisme primaire est surtout une haine grincheuse de l’Amérique, un système de pensée clos qui prétend, dès à présent, nous tenir non-aligné, c’est-à-dire à égale distance de l’obscurantisme des Talibans et de l’Amérique. Insupportable équivalence ! » (Première publication : 03-10-2001 – avec PLPL)

 Emile Malet, directeur de la revue " Passages ", " Terrorisme d’hier et d’aujourd’hui ", Les Echos, 19 septembre 2001 :
" Ceux qui détournèrent les avions du ciel américain pour éliminer des vies innocentes par milliers exécraient les symboles contemporains de la démocratie. D’un même mouvement, leur haine s’alimentait de l’existence de l’Amérique et du marché, de l’économie et du pluralisme politique, des libertés et des progrès de la science, des techniques et in fine de la diversité humaine chère à Amartya Sen, l’économiste prix Nobel indien […] Après la stupeur et le deuil viendra le retour à la loi. S’il revient à l’expertise militaire de trouver les cibles idoines et de les détruire sans faillir, il incombe à chaque citoyen responsable et libre de témoigner de sa solidarité active par rapport aux victimes de New York et Washington, de solidarité pour un pays allié qui participa avec panache et par deux fois au XXème siècle à sortir l’Europe de la tourmente et de solidarité tout court dans l’éradication politique et militaire du terrorisme. Cela passe également par un ressourcement culturel débarrassé de tout manichéisme, l’anti-américanisme étant devenu le mot de passe bien-pensant de nos sociétés modernes en quête d’une idéologie de substitution au communisme qui sombra dans les ruines du mur de Berlin un certain jour de novembre 1989. Il nous revient comme à d’autres de dire que l’éthique politique commande aujourd’hui d’en finir avec un anti-américanisme salonard et moisi. " (Première publication : 03-10 – Avec PLPL )

 Jacques Juillard-le-subtil, titre élégamment sa chronique du Nouvel Obervateur du 20-26 septembre (page 63) : "L’antiaméricanisme tue aussi !". Et nous avertit dans le sous-titre : "Il faut aussi combattre cet amalgame qui confond le peuple américain avec le grand Satan des islamistes et des intellectuels : l’impérialisme". La technique de Juillard est des plus simples : j’amalgame d’abord et je distingue ensuite, pour ne pas "verser dans les amalgames que je suis en train de reprocher aux autres" : "L’antiaméricanisme de tant d’intellectuels, qui est comme la petite monnaie de leurs illusions évanouies, évite en général d’identifier le peuple américain avec l’impérialisme abhorré". Concession d’une phrase, vite reprise par la suivante : "Mais il n’évite pas de diaboliser ce dernier au-delà de tout bon sens, et de le tenir pour responsable de tout ce qui va mal dans le monde". Existe-t-il au moins un antiampérialisme "de bon sens" ? Que nenni ! Car, ce qui pèse sur le monde actuel, ce n’est pas l’impérialisme des Etats-Unis : c’est la nullité de leur diplomatie". Bon ! Qu’est-ce que l’américanisme de Jacques Julliard ? Une forme diplomatique d’antiaméricanisme ?

Si vous trouvez que la pensée de Jacques Julliard est trop compliquée, vous pouvez vous reporter à cette déclaration de Denis Lecorne, directeur de la Fondation nationale des sciences politiques, dans le même numéro du Nouvel Observateur, page 78-79, qui trace une ligne droite entre l’antiaméricanisme de Heidegger et celui des ... mouvements hostiles à la mondialisation libérale :
"Au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, cet antiaméricanisme viscéral franco-allemand [qui amalgame Heigegger et Emmanuel Mounier] se teintera d’une coloration anti-impérialiste, mieux adaptée aux exigences d’ une gauche rédemptrice. Aujourd’hui, d’autres formes radicales de l’antiaméricanisme se manifestent avec la défense de l’exception culturelle, la critique des OGM, d’une science asservie à l’impératif du profit".

José Bové ? Une réincarnation d’Heigegger...
(Première publication : 20-09-2001)

En toute innocence

- Le Point daté du 21 septembre, page 35. Sous le titre "Le vrai coupable", Jean-François Revel s’inquiète de l’existence de quelques notes discordantes. Cela commence ainsi :

"Le 11 et 12 septembre, devant les ruines et les milliers de cadavres, nous étions tous américains. Mais, au bout de quarante-huit heures seulement, quelques notes discordantes se faisaient entendre. Ne fallait-il pas s’interroger sur les causes profondes, les "racines" du mal qui avait poussé les terroristes à leur action destructrice ? Les Etats-Unis ne portaient-ils pas une part de responsabilité dans leur propre malheur ? Ne fallait-il pas prendre en considération les souffrances des pays pauvres et le contrastes de leur misère avec l’opulence américaine ? "

Il faut admettre que Revel a l’ouïe très fine s’il a entendu distinctement, dès le 13 septembre, ces questions inconvenantes : le moins que l’on puisse dire c’est que les tenanciers des médias dominants ne se sont guère bousculés pour les poser... Questions inconvenantes, puisque "assez vite, on laissa entendre çà et là que le devoir de pleurer les morts ne devait pas occulter le droit d’analyser les motifs". Heureusement, Revel monte la garde, et nous explique doctement qu’aucune de ces objestions - où l’on "reconnaît en l’occurrence le raisonnement marxiste rudimentaire" - ne résiste à l’examen. Elles recèlent d’ailleurs un péril majeur : que l’on puisse "mettre en garde contre toute croisade de cow-boys excités". (Première publication : 21-09-2001)

 Après nous avoir livré ses réflexions dès le 13 septembre dans Le Figaro - "le monde musulman est un monde à part" - Pascal Bruckner approfondit sa réflexion dans Le Monde du 26 septembre. Sous le titre "Tous coupables ? Non ?", on peut lire : "L’ Amérique est coupable, l’Europe est coupable, nous sommes tous coupables : depuis le 11 septembre, la rumeur ne cesse d’enfler qui nous appelle, nous les repus, les gavés, à la pénitence à la flagellation. On voit les chaisières de l’anticapitalisme ressortir leurs bréviaires, énoncer gravement que nous payons gravement la fracture Nord-Sud, les inégalités flagrantes. On nous expliquera demain que, si la taxe Tobin, avait été adopté, Ben Laden aurait retenu ses kamikazes".

Nimbé des Lumières de la raison, Pascal Bruckner tourne ainsi en dérision des arguments obsurantistes et misérables. C’est qu’il tient l’explication : le terrorisme s’explique par la haine, la haine par le nihilisme. Et le nihilisme ? Sans doute par la haine. En tout cas, toute recherche d’autres causes débouche sur la "tentation de l’indulgence". C’est pourquoi, nous ne pouvons "en aucun cas nous excuser d’être ce que nous sommes : les enfants des Lumières et de la prospérité".

Pascal Bruchner scintille et prospère pour "nous"...
(Première publication : 25-09-2001)

 
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