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Françoise Laborde prise en flagrant délit de plagiat ? Circulez, y a rien à voir…

par Henri Maler,

À la suite de notre précédent article – « Françoise Laborde (du CSA) et Denise Bombardier prises en flagrant délit de plagiat » –, Taïeb Moalla du Journal de Québec a réalisé, le 26 février 2012, un entretien téléphonique avec Denise Bombardier que celle-ci l’a autorisé à reproduire. Il est disponible sur YouTube. Parce que cet entretien est difficilement audible, nous le faisons suivre d’une transcription la plus fidèle possible.

Le constat irréfutable des similitudes que nous avons relevées ne semble pas avoir ému d’autres observateurs des médias que nous-mêmes et que des journalistes québécois. Curieux, non ?

Apparemment prise au dépourvue, Denise Bombardier, très mal informée, s’abrite derrière les déclarations dilatoires de l’éditeur et fait preuve de beaucoup de désinvolture, alors que, de son propre aveu, elle n’est pas la rédactrice des passages incriminés.

Françoise Laborde ? Victime d’un acharnement

Selon Denise Bombardier, Françoise Laborde fait l’objet de notre part d’un coupable acharnement. La preuve ? Nous avons publié un article, que Denise Bombardier n’a manifestement pas lu – « Les cheminots selon Françoise Laborde : privilégiés et collabos » –, et qui porte sur un essai et non sur le roman qui lui a succédé et que mentionne Denise Bombardier :

« Je viens de le savoir parce que vous avez votre collègue du Journal de Montréal qui m’a téléphoné. Donc je viens de le voir. Alors cette histoire-là… Je sais par mon éditeur que c’est un site qui poursuit Fayard en disant qu’il y a eu plagiat dans le livre. Mais en fait ce site-là poursuit Françoise Laborde depuis… Elle a fait un livre qui s’appelle Une histoire qui fait du bruit, où elle a au fond démystifié la grande image des cheminots résistants, qui ont été grands résistants pendant la guerre… Parce que ce n’est pas vrai que tout le monde a été résistant. La preuve c’est que tous les trains qui envoyaient les Juifs dans les camps de concentration… il y a un [seul] résistant, il y a un [seul] cheminot qui a refusé de conduire le train parce qu’il savait où ils allaient, où il les emmenait les trains, des trains à bestiaux, vous savez. Alors depuis ce temps-là, elle a des poursuites. Mais là ils poursuivent pour plagiat… Ils poursuivent Fayard, finalement, pour dire qu’il y a un truc qu’elle a pris sur Internet.

Taïeb Molla se risque à dire qu’il ne voit pas le rapport avec l’accusation de plagiat (« J’avoue que je ne comprends pas l’idée. Les cheminots, c’est une autre histoire »), mais Denise Bombardier persiste, en amalgamant tout avec le reste :

« Oui, mais alors ils l’ont poursuivie dans une première fois, et là c’est comme une sorte d’acharnement. Ils la suivent partout où elle est. J’ai su qu’ils ont essayé, sur une déclaration qu’elle a faite – parce qu’elle est membre du CSA –, et là ils lui ont envoyé une poursuite en diffamation, je ne sais pas quoi… Donc ils lancent des poursuites comme ça […] »

Avec un grand art de la confusion, Denise Bombardier mélange une critique et une poursuite judiciaire, et attribue à « ils » (qui n’est pas Acrimed) une « poursuite en diffamation » qui n’a jamais été intentée par « ils ». A notre connaissance, la seule poursuite en diffamation émane de Françoise Laborde et elle vise Jean-Michel Aphatie.

Un plagiat ? Non, une citation !

« Alors depuis ce temps-là, elle a des poursuites. Mais là ils poursuivent pour plagiat… Ils poursuivent Fayard, finalement, pour dire qu’il y a un truc qu’elle a pris sur Internet. Parce que l’on a écrit le livre à deux, mais enfin, on a… [inaudible : « écrit chacune une partie » ?]… Parce qu’à un moment donné, je sais qu’on cite le New York Times, je crois, l’auteur américain, là, et là c’est quelqu’un qui a cité l’auteur… Je ne sais pas très bien, parce moi je ne me suis pas occupé de ça du tout, parce que je sais bien que ce n’est pas un livre qui a été copié. »

« Il n’y a pas de plagiat », risque donc Denise Bombardier. Un simple « truc » pris sur Internet, la simple reprise d’une citation, dit-elle :

« Non, mais ce que Claire Levenson a fait, c’est qu’elle a cité la journaliste du New York Times. C’est ça qu’elle a fait. Et dans le livre, si j’ai bien compris – parce que je n’ai pas le livre sous les yeux –, dans la partie de Françoise, elle a cité la journaliste du New York Times. Alors donc, c’est comme si, je ne sais pas, moi, j’écris mon article dans Le Devoir… Parce que moi, je ne surfe pas, je ne connais pas ça, je ne suis pas sur Facebook. Alors donc, c’est comme si quelqu’un prenait mon article du Devoir, et là, tout à coup, il y a quelqu’un qui fait un blog, si j’ai bien compris, qui fait un blog qui prendrait mon article du Devoir et qui le citerait, en le citant, mais avec ces mots-ci et il y a quelqu’un qui me citerait, qui citerait ma déclaration du Devoir et elle, elle dirait : “Non, mais c’est moi qui l’a fait.” »

Denise Bombardier ne sait rien ou préfère ne rien savoir. Le livre de nos duettistes ne se borne pas à reproduire une citation – en l’occurrence, de l’historienne Joan Scott –, il reproduit presque textuellement les paragraphes dans lesquelles Claire Levenson cite cette historienne et les commente. Les commentaires font-ils partie de la citation [1] ?

Une question éthique ? Non, une question judiciaire

 Les « acharnés » n’ont pas de chance :

« […] Ils lancent des poursuites comme ça, mais comme c’est une machine et que c’est du droit, moi je ne me mêle pas de ça. C’est les avocats de Fayard qui, en ce qui concerne notre plaquette, c’est eux qui… Moi, tout ce que je sais, c’est que chez Fayard ils m’ont dit : “C’est des trucs, ça va prendre deux, trois ans, et puis qu’ensuite il y a une procédure et puis dans deux, trois ans…” Il n’y a pas de plagiat. »

Si l’on comprend bien la réponse que Denise Bombardier attribue à l’éditeur, il n’existe aucune raison de s’affoler puisque l’instruction judiciaire sera longue….

 Et encore :

« C’est comme ça, si j’ai bien compris, chez Fayard, c’est ça qu’ils m’ont dit. Ils considèrent qu’il n’y a pas de plagiat, parce qu’il n’y a pas de droit encore pour ça sur les affaires de blog et de sites comme ça. »

Si l’on comprend bien la réponse que Denise Bombardier attribue à l’éditeur, il n’existe aucune raison de s’affoler, puisqu’il n’existe pas de droit pour la copie d’un article paru sur un site.

 Et encore…

« Mais je sais que l’éditeur nous a dit : “Laissez-nous ça entre les mains, et puis bon, ça suivra son cours, et puis on ira expliquer ça.” Parce qu’apparemment, de plus en plus, ils en ont les éditeurs, ils en reçoivent des trucs comme ça, de gens qui ont des sites, qui ont des blogs, et puis… »

Si l’on comprend bien la réponse que Denise Bombardier attribue à l’éditeur, il n’existe aucune raison de s’affoler, il suffit de « laisser l’affaire suivre son cours ».

 De mieux en mieux :


- Taïeb Moalla : « Je veux bien ça, mais par contre, quand on voit dans le texte, même l’usage des mots… Vous allez le voir, l’article sur Acrimed, où ça ressemble vraiment beaucoup. Je ne dirais pas que c’est du copier-coller, mais ça y ressemble beaucoup dans le livre. D’où les accusations de plagiat qui sont sur le site. »
- Denise Bombardier : « Oui, mais enfin… oui, mais alors là, ils peuvent accuser de n’importe quoi. Il faut faire des procès pour prouver que ça été fait, que je ne sais pas, moi… »

Ainsi il n’existerait de preuve que judiciaire…

 Et pour finir :


- Taïeb Moalla : « … il n’y a pas de plagiat ou de contrefaçon. Est-ce que c’est ça que je comprends ? »
- Denise Bombardier : « Bien évidemment ! »
- Taïeb Moalla : « D’accord ! »
- Denise Bombardier : « C’est ce que je comprends. Et il y a la réaction de mon éditeur. De toute façon, on n’est pas poursuivies personnellement ! Ça doit être Fayard qui est poursuivi. »

Circulez, y a rien à voir… puisque c’est l’éditeur qui est poursuivi.

Pas plagiaires, mais solidaires

Au fil de l’entretien, on apprend donc qu’il n’y a pas plagiat, puisque seule une citation a été reproduite, qu’il n’y a pas plagiat, puisque seule compterait une preuve judiciaire qui n’interviendra, si elle intervient, que dans deux ou trois ans. Mais on apprend aussi que les passages incriminés sont dus à la plume experte ou au clavier complaisant de Françoise Laborde.

Denise Bombardier se déclare solidaire ? C’est honorable. Mais cela n’efface pas le plagiat.


Henri Maler, grâce aux transcriptions de Naïma et Didier Duterrier.


Annexe :
Transcription de l’entretien réalisé le 26 février 2012 par Taïeb Moalla, du Journal de Québec

En ligne sur You Tube. Cet entretien étant souvent difficilement audible, notre transcription, ponctué par quelques remarques de notre cru peut souffrir de quelques approximations.


- Taïeb Moalla : « Allô, bonsoir, madame Bombardier ? »

- Denise Bombardier : « Oui, c’est moi. »

- Taïeb Moalla : « Bonsoir, Taïeb Moalla, Journal de Québec. »

- Denise Bombardier : « Oui, bonsoir. »

- Taïeb Moalla : « Ça va bien ? »

- Denise Bombardier : « Oui, ça va. »

- Taïeb Moalla : « Je vous appelle, par rapport, je ne sais pas si vous avez vu, hier, le site Acrimed ? »

- Denise Bombardier : « Je viens de le savoir parce que vous avez votre collègue du Journal de Montréal qui m’a téléphoné. Donc je viens de le voir. Alors, cette histoire-là… Je sais par mon éditeur que c’est un site qui poursuit Fayard en disant qu’il y a eu plagiat dans le livre. Mais en fait ce site-là poursuit Françoise Laborde depuis… Elle a fait un livre qui s’appelle Une histoire qui fait du bruit, où elle a, au fond, démystifié la grande image des cheminots résistants, qui ont été grands résistants pendant la guerre… Parce que ce n’est pas vrai que tout le monde a été résistant. La preuve c’est que tous les trains qui envoyaient les Juifs dans les camps de concentration… il y a un [seul] résistant, il y a un [seul] cheminot qui a refusé de conduire le train parce qu’il savait où ils allaient, où il les emmenait les trains, des trains à bestiaux, vous savez. Alors depuis ce temps-là, elle a des poursuites. Mais là ils poursuivent pour plagiat… Ils poursuivent Fayard, finalement, pour dire qu’il y a un truc qu’elle a pris sur Internet. Parce que l’on a écrit le livre à deux, mais enfin, on a… [inaudible : « écrit chacune une partie » ?]. Parce qu’à un moment donné, je sais qu’on cite le New York Times, je crois, l’auteur américain là, et là c’est quelqu’un qui a cité l’auteur… Je ne sais pas très bien, parce moi je ne me suis pas occupé de ça du tout, parce que je sais bien que ce n’est pas un livre qui a été copié. »

- Taïeb Moalla : « Parce que les deux portions… Parce que là, j’avoue que je ne comprends pas l’idée… Les cheminots, ça c’est une autre histoire si je comprends bien. Parce que là on parle… »

- Denise Bombardier : « Mais c’est la même, c’est la même ! Comment ça s’appelle ? “Slate” ou je ne sais pas quoi. »

- Taïeb Moalla : « Oui, slate.fr. »

- Denise Bombardier : « Oui, mais alors ils l’ont poursuivie dans une première fois, et là c’est comme une sorte d’acharnement. Ils la suivent partout où elle est. J’ai su qu’ils ont essayé, sur une déclaration qu’elle a faite – parce qu’elle est membre du CSA –, et là ils lui ont envoyé une poursuite en diffamation, je ne sais pas quoi… Donc ils lancent des poursuites comme ça, mais comme c’est une machine et que c’est du droit, moi je ne me mêle pas de ça. C’est les avocats de Fayard qui, en ce qui concerne notre plaquette, c’est eux qui… Moi, tout ce que je sais, c’est que chez Fayard ils m’ont dit que “c’est des trucs, ça va prendre deux, trois ans, et puis qu’ensuite il y a une procédure et puis dans deux trois ans”. Et puis... Il n’y a pas de plagiat ! »

- Taïeb Moalla : « Par contre, si je peux me permettre, madame Bombardier, les deux extraits qui sont mis donc sur le site Acrimed, ressemblent beaucoup à un article de cette madame Claire Levenson… Ou c’était vraiment, cela ressemblait beaucoup… »

- Denise Bombardier : « Non, mais ce que Claire Levenson a fait, c’est qu’elle a cité la journaliste du New York Times. C’est ça qu’elle a fait. Et dans le livre, si j’ai bien compris – parce que je n’ai pas le livre sous les yeux –, dans la partie de Françoise, elle a cité la journaliste du New York Times. Alors donc, c’est comme si, je ne sais pas moi, moi j’écris mon article dans Le Devoir… Parce que moi, je ne surfe pas, je ne connais pas ça, je ne suis pas sur Facebook. Alors donc, c’est comme si quelqu’un prenait mon article du Devoir, et là, tout à coup, il y a quelqu’un qui fait un blog, si j’ai bien compris, qui fait un blog qui prendrait mon article du Devoir et qui le citerait, en le citant mais avec ces mots-ci, et il y a quelqu’un qui me citerait, qui citerait ma déclaration du Devoir, et elle, elle dirait : “Non, mais c’est moi qui l’ai fait”. C’est comme ça si j’ai bien compris, chez Fayard, c’est ça qu’ils m’ont dit. Ils considèrent qu’il n’y a pas de plagiat, parce qu’il n’y a pas de droit encore pour ça sur les affaires de blog et de site comme ça. Mais je sais une chose, c’est que nous on a déposé… Il y a un livre aussi, Troussage de domestique. Et ce livre-là est sorti à la fin du mois d’août. Et nous, on a déposé notre manuscrit chez Fayard, et ça c’est tout documenté, on a déposé ça en juillet. On a déposé le manuscrit avant que je ne revienne au Québec, en juillet dernier, donc on ne peut pas avoir copié un truc, un livre, qui n’était pas encore publié. »

- Taïeb Moalla : « Oui, mais par contre, si on revient juste à l’histoire, c’est que, la première fois, l’article de cette madame Levenson est publié sur un site le 1er juin 2011. Et il est repris ensuite dans un livre, avec l’autorisation de l’auteure, qui est publié en août 2011. Donc, si on regarde la chronologie… »

- Denise Bombardier : « Mais moi je ne peux pas vous dire… Je ne sais pas, parce que je ne sais pas ce que c’est ça… Parce que moi… Alors moi, j’ai écrit le livre avec Françoise, on se l’est partagé et tout. Mais je sais que l’éditeur nous a dit : “Laissez-nous ça entre les mains, et puis bon, ça suivra son cours, et puis on ira expliquer ça.” Parce qu’apparemment, de plus en plus, ils en ont les éditeurs, ils en reçoivent des trucs comme ça, de gens qui ont des sites, qui ont des blogs, et puis… »

- Taïeb Moalla : « D’accord. Parce que là, on parle des pages 63-65 de votre livre, coécrit avec madame Laborde. Est-ce que je dois comprendre que c’est une portion qui est écrite par madame Laborde et pas par vous ? »

- Denise Bombardier : « Oui, oui, oui, oui ! »

- Taïeb Moalla : « … qui est celle qui est, celle qui est… là, il y a un contentieux là-dessus, là. Ce n’est pas votre, la portion que vous avez écrite ? »

- Denise Bombardier : « Non, non ! Pas du tout, pas du tout. »

- Taïeb Moalla : « OK. J’imagine… Je ne sais pas si vous avez discuté avec elle, mais avez-vous l’assurance de sa part qu’il n’y a pas de plagiat, de contrefaçon ? »

- Denise Bombardier : « Non ! Il ne peut pas y avoir. Si c’est un truc du New York Times, moi quand je l’ai lu j’ai vu que c’était un truc du New York Times. Mais en fait, je ne peux pas vous dire [inaudible]. Je ne sais pas quoi vous dire. Qu’est-ce que vous voulez que je vous dise ? Moi j’écris et puis je suis solidaire avec Françoise quand même ! Et puis, elle n’est pas comme ça ! Il y a une partie, on était dans la même pièce, elle écrivait, j’écrivais et puis… J’écrivais mes parties, elle écrivait la sienne et puis on...

 
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Notes

[1Et ce qui vaut pour la citation de Joan Scoot vaut également pour celle d’Elaine Sciolino. Quant à Eric Fassin, cité lui aussi par Claire Levenson, son propos est privé de guillemets dans la version de Françoise Laborde !

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