Dans un article de Jean-François Kahn, François Darras et Thomas Vallières paru dans Marianne, le 6 mai 2002, on peut lire :
« Pendant deux semaines, il faut bien l’admettre, nous avons vécu sous l’emprise d’une propagande à la soviétique. Et nous y avons participé. Tous les médias ont été mobilisés pour forcer le destin. Il faut se réjouir du résultat. Mais pas nécessairement se satisfaire d’avoir dû, ainsi, nous libérer quelque peu des propres règles de notre démocratie. »
Passons sur l’expression - « propagande à la soviétique » - qui, manifestement excessive, reprend, involontairement, l’accusation proférée par Le Pen lui-même : Marianne à au moins le mérite de soulever une question légitime...
Une dérive peut en cacher quelques autres
Ainsi, non seulement une mobilisation sans principe ni règles au nom du combat contre le Front national entérine un rôle exorbitant des journalistes, mais il légitime après coup des dérives parfois moins voyantes : avant-hier en faveur du traité de Maastricht (par exemple), hier (et sans doute demain) au service de la version sécuritaire du problème de « l’insécurité ».
Et cette mobilisation sans principe ni règles a provoqué au moins deux « dégâts collatéraux ».
– D’abord, à supposer qu’elle ait légitimé la mobilisation contre Le Pen, elle a légitimé aussi, pour ses électeurs, la posture de victime qu’il affectionne ;
– Ensuite, sous la défense unanime et unanimiste des valeurs démocratiques, elle n’a cessé d’opposer au lepénisme, la version libérale de ces valeurs.