Un « scrutin important »…
Le 27 novembre 2022, l’Opinion prévient que « [ces] élections syndicales […] sont lourdes d’enjeux, syndical, politique citoyen » ; le 28 novembre, une dépêche AFP titrée « Elections à l’hôpital : après le Ségur, l’heure des comptes pour les syndicats », annonce un « enjeu [...] crucial » dans la fonction publique hospitalière… Et ainsi de suite : « Pourquoi c’est important » (L’Est républicain, 1/12), « un scrutin important pour tous les salariés de l’Etat, des collectivités et des hôpitaux » (La « 1 » de France Télévisions, 7/12)…
Un discours prometteur, mais qui ne sera guère suivi d’effet.
... mais toujours invisible
Disons-le d’emblée : à la différence des scrutins des précédentes élections professionnelles dans les TPE en 2017 (L’Humanité), puis en en 2021 (France Bleu), aucune rédaction ne tire son épingle du jeu.
Entre le 1er novembre et le 8 décembre 2022, date de clôture du scrutin, les recherches effectuées à partir de deux moteurs de recherche externes et de celui des 51 sites des médias étudiés [2] mettent en évidence un désintérêt total pour ce scrutin et ses enjeux.
Sur l’ensemble des médias observés, nous avons relevé :
- Cinq entretiens : avec le sociologue et historien Laurent Frajerman (Le Monde, 22/11) ; avec Luc Farré, secrétaire général de l’Unsa Fonction Publique (L’Est républicain, 28/11) ; avec Frédéric Blin, syndicaliste Unsa (France Bleu Normandie, 1/12) ; avec Stanislas Guérini (France info, 2/12) ; avec Sophie Binet, secrétaire générale de l’union des ingénieurs, cadres et techniciens CGT (L’Humanité, 3/12) ;
- Deux chroniques sur Europe 1 de moins d’une minute les 2 et 5 décembre [3], une autre ainsi qu’un reportage d’une minute et vingt-cinq secondes le 7 décembre dans le journal télévisé du soir de la « 1 » de France Télévisions en Guyane ;
- 58 articles, dont 18 qui ne sont que des reprises de dépêches AFP. Le Parisien, Nice Matin, Challenges, L’Express, Le Point et Mediapart ont réduit leur effort à cet usage. Quant à la relative abondance réservée par La Dépêche (10 articles), Midi Libre (5) et Ouest-France (8), elle s’appuie sur un travail journalistique fort économe, et qui se limite à résumer succinctement dans de courts articles des éléments communiqués par les syndicats ou retranscrire des propos tenus par leurs représentants.
En se rappelant en outre que la très grande partie des médias observés n’en ont même pas parlé, assurément, le désintérêt est consommé. On notera d’ailleurs que lors des trois entretiens au cours desquels les deux secrétaires généraux des CGT et CFDT furent conviés – Philippe Martinez sur RTL (13/11) [4] et Laurent Berger sur RTL (28/11) puis sur France 2 (5/12) –, ces derniers ne seront pas interrogés sur le sujet.
Si les élections professionnelles ne semblent pas susciter d’intérêt auprès des médias, il en va de même pour les questions sociales. Aussi, comme nous le martelons depuis longtemps, les suppressions de poste dans les rédactions et la précarisation des journalistes ont des conséquences sur la qualité de l’information produite. Il est temps de donner des moyens à l’enquête sociale !
Denis Pérais