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Critique des médias sur le web (mai-juin 2011)

par Franz Peultier,

N° 14 de notre sélection bimestrielle d’articles de critique des médias parus sur le Web et disponibles gratuitement [1].

Présentation thématique des articles publiés en mai et juin 2011 : Malaises dans la profession - Salauds de pauvres - Services publics de la propagande - Splendeur et misère de la sondomanie - Splendeur et misère du journalisme télévisé, etc.

Malaises dans la profession

  Aux Echos, un malaise encore poli chez les journalistes (Rue89, 23/06/11) – « Plusieurs journalistes des Echos – nous en avons interrogé une dizaine, très divers – redoutent de plus en plus de « se saumoniser » [en référence au cahier saumon du Figaro qu’ils considèrent comme sensible aux pressions des entreprises, ndlr]. Depuis le rachat du titre par le groupe LVMH, selon plusieurs journalistes, la ligne éditoriale s’est infléchie : la politique prend plus de place et les entreprises sont mieux traitées. »

  À Libération, la motion contre Demorand approuvée à 78% (Rue89, 30/06) - La rédaction reproche au nouveau directeur de Libération trois choses, essentiellement : le départ d’un journaliste en CDD ; le recrutement d’un ancien assistant au même moment ; la refonte de la page « Vous » en conso. »

  Le blues des journalistes (Marianne2.fr, 04/06/11) – « Des journalistes qui ont la gueule de bois, c’est un peu la démocratie qui trinque. C’est justement pour évaluer ce lien entre démocratie et qualité de l’information que le cabinet Technologia, spécialisé dans la prévention des risques professionnels, a mené une longue enquête sur le travail réel des journalistes français. Cette étude, confirme que de méchants virus rongent ce métier dans lequel même les plus chevronnés se sentent désormais mal à l’aise. Une radiographie dans laquelle chaque membre de cette profession aux multiples visages peut se retrouver, « par identification ou par répulsion », selon les rédacteurs du rapport, dans les tendances relevées. « Je ne m’épanouis plus intellectuellement. On enquête de moins en moins. On réfléchit de moins en moins », confesse l’un des 1 070 journalistes qui ont répondu à un questionnaire adressé à quelque 7 000 détenteurs de la carte de presse. C’est une étrange défaite, en effet, qui envahit les hommes de presse. « La profession dans son entier, écrivent les auteurs du rapport, se sent en situation de fragilité. »

Salauds de pauvres

  Fraude sociale contre fraude fiscale. Quand le Figaro fait déjà campagne (Sarkofrance sur Marianne2.fr, 06/06/11) - « Puisque cette « journaliste » commence avec un cliché des plus bas, usons du même artifice. Attachons nous à la messagère. Sophie Roquelle, au Figaro, s’est spécialisée dans les articles de fond sur l’assistanat et cette solidarité nationale « qui nous coûte si cher ». Chacun de ses articles est très largement repris par les blogs et sites d’extrême droite. En mars dernier, elle interrogeait le ministre Xavier Bertrand, avec un titre éloquent : « les fraudeurs volent les Français ». En octobre dernier, elle s’indignait de l’aide médicale d’Etat qui permettait à des immigrés clandestins malades d’être soignés gratuitement en France : « Aide médicale d’Etat : ces vérités qui dérangent » . En avril 2010, elle s’enthousiasmait pour l’étrange repreneur russe du quotidien France Soir, (« Pougatchev, l’homme qui veut relancer France Soir »). En octobre 2007, cette rédactrice en chef adjointe du Figaro, livrait une tribune, dans la page Débats du Figaro, sur l’école privée : « Le succès croissant de l’école privée va obliger le système public à se réinventer. »

  OpinionWay ouvre la chasse aux pauvres (Observatoire des sondages, 13/05/11) – « Comment les médias peuvent-ils se laisser abuser par cette espèce de sondage ? Faut-il en parler parce que les autres médias en parlent, parce que cela fait du spectacle et de la polémique, parce que les journalistes qui en parlent sont incompétents ou parce qu’ils participent sciemment à la manœuvre d’intoxication ? Les médias auraient pu s’interroger sur cette prouesse des sondages en ligne qui est d’obtenir des réponses sur les pauvres, pour se garder de leurs abus, de la part de sondés qui, pour viser les gratifications promises par OpinionWay, ne doivent pas rouler sur l’or. »

Services publics de la propagande

  « C dans l’air », un exemple de propagande (monde-diplomatique.fr, 20/05/11) – « Des propos inachevés, des arguments opportuns, des exemples superficiels, des contre-vérités, des clichés… cela ressemblerait à un café du commerce si derrière ce curieux mélange de titres d’autorité galvaudés, pour faire sérieux, et de médiocrité de pensée, n’existait une ligne mélodique. Le café du commerce, c’est le bruit, cette cacophonie des idées sommaires et hétérogènes qui donne l’image de la diversité. Ne pas s’y tromper, il existe bien une ligne mélodique générale qui s’accommode des fausses notes et qui fait une émission de propagande. Celle-ci a besoin de l’apparence du débat. Il n’y en pas réellement comme le trahit l’animateur en cours d’émission : « tout le monde est d’accord autour de cette table ». Une parodie bruyante de pluralisme. »

  Au JT tunisien, la propagande fait de la résistance (télérama.fr, 24/05) - « Pendant des années, la télévision a été vidée de ses compétences. Pour être promu, il fallait d’abord détenir la carte du RCD (le parti de l’ex-Président), et surtout aller très loin dans le discours élogieux. Aujourd’hui, le non-professionnalisme est toujours à l’œuvre au JT de la TTN1 (ex TV7). On y donne des informations douteuses, sans aucune analyse, perspective ou recul. On retrouve toujours les travers de ce “journalisme de communiqué” qui caractérisent la diffusion de l’information sous un régime totalitaire. Le plus inquiétant, en particulier dans la perspective des prochaines élections, c’est de voir que le gouvernement ne donne pas de signes fort de désengagement, de promotion de la diversité. »

Splendeur et misère de la sondomanie

  Joly : les 133 sondés de Libé avaient faux (Arrêt sur Images, contenu gratuit, 30/06) – « Libération faisait sa Une le 20 juin sur le sujet, entretenant une certaine confusion entre souhaits des Français en général, et intentions de vote des électeurs à la primaire. Le journal précisait à propos de son sondage ViaVoice et de Hulot : "Chez les sympathisants écologistes , son score atteint 63% (contre 28% à l’ancienne magistrate)". Seul un renvoi en bas de page précisait que cette partie du sondage portait sur un "échantillon de 133 personnes" »

  Sondeurs sachant sonder sans sondage (Observatoire des sondages, 17/05/11) – « L’affaire DSK a suscité l’intervention des sondeurs sur tous les plateaux de télévision et dans la presse : Stéphane Rozès (CAP), Gaël Sliman (BVA), Brice Teinturier (IPSOS), Jérôme Sainte Marie (CSA), Jérome Fourquet (Ifop), Edouard Lecerf (TNS Sofres). Pourtant aucun sondage n’a été réalisé. Les sondeurs ont enfin trouvé la solution à leur difficulté de trouver des sondés. Ils décryptent l’opinion tout seuls. »

  « Par définition les sondages ne se trompent jamais, car ils n’ont pas vocation à prédire » (Observatoire des sondages, 15/06/11) - « Le patron du FMI demeure à des hauteurs himalayennes, autrement dit surréalistes, en tout cas dans l’hypothèse… hypothétique du duel final où il écrabouillerait le président sortant : 61 % à 39 % », (CSA-Marianne, 18 février 2011) »

  Nicolas Sarkozy remonte ! Qui le dit ? (Observatoire des sondages, 15/06/11) - « On savait depuis quelques mois que la descente aux enfers sondagiers de Nicolas Sarkozy serait suivie d’une lente remontée annoncée comme une reconquête. Le « plan com » ne faisait aucun doute : un storytelling agencé par la cellule communication de l’Elysée et les sondeurs. Nous y sommes et le produit porte la trace d’une écriture à plusieurs, collective faudrait-il dire. Pauvre mythe de l’auteur solitaire face à la feuille de papier blanc ou à l’écran noir. Il y a du monde autour. »

Splendeur et misère du journalisme télévisé

 Trou de mémoire en direct sur TF1
(deldebbio.net, 28/06) – « Je me dois aussi de vous faire part d’un reportage diffusé le 23 novembre 2010 dans le 13H et le 20H, qui montrait la saisie par les douaniers d’une Kalachnikov dans le coffre d’une voiture, circulant à Marseille. Selon Le Canard enchaîné, la voiture avait été emmenée par les douanes et serait revenue, permettant ainsi de « rejouer » devant les caméras la scène de la découverte de l’arme. Toujours dans le souci de vous faire revenir la mémoire, je vous informe que le 27 juillet 2009, un reportage sur les incendies de forêts en Corse montrait des experts de la gendarmerie cherchant des indices sur un lieu de départ de feu criminel. Or, selon Le Canard enchaîné, « il s’agissait d’une reconstitution pour les caméras, averc mise en scène et pandores jouant leur propre rôle ». A votre décharge, France 2 a aussi profité de cette séquence des « experts ».

  Comment M6 transforme un adepte du tuning en macho (Arrêt sur Images, 20/05/2011) – « Le journaliste aurait même procédé à une belle mise en scène. Dans le reportage, on voit qu’au moment du déjeûner, c’est sa femme qui fait à manger, elle doit même attendre et appeler plusieurs fois les hommes qui sont en train de s’affairer autour d’une voiture. "C’est le journaliste qui a demandé à ma femme de faire le barbecue, alors que d’habitude c’est moi qui m’en occupe", assure Runembert. "Le journaliste nous a aussi demandé de rester autour de la voiture plus longtemps, alors qu’elle nous avait appelés pour nous dire que le repas était prêt". Et dans le reportage, on voit sa femme, qui, effectivement, sort de chez elle, une casserole à la main, pour rappeler à tout le monde que le repas est prêt. "Ils m’ont fait descendre trois fois les escaliers pour recommencer cette scène", raconte sa femme. "Ils ont tout organisé, on faisait ce qu’ils nous disaient’  »

  Le vrai-faux reportage de TF1 en Israël (Télérama.fr, 28/06) – « Sur place, Patrick Fandio commente la visite. « De loin, le décor fait presque illusion : six cents bâtiments, 40 000 mètres carrés qui ont l’allure d’une ville palestinienne. Mais en réalité, nous sommes ici sur une base militaire israélienne. C’est dans ce type d’architecture que l’armée israélienne croit Guilad Shalit retenu prisonnier depuis maintenant cinq ans. » Dans un souci de clarté, le réalisateur colle une image animée de Guilad Shalit en différents endroits de « ce type d’architecture ». Admirez la délicatesse et la subtilité du procédé qui a dû bluffer les communicants de Tsahal – à moins que ce ne soit eux qui l’ai suggéré à TF1. »

Selon que vous serez joggeuse ou ouvrier…

  Marche blanche ou crève (télérama.fr, 27/06) – « Au contraire, à Florensac (où une collégienne est morte sous les coups d’un camarade), à Tournon-sur-Rhône, (où une joggueuse a été retrouvée « calcinée »), à La Bernerie-en-Retz (où l’on enterrait Laëtitia, victime d’un violeur récidiviste), les participants aux « émouvantes marches blanches » l’ont expliqué : « Ça peut arriver à n’importe qui  » car « la violence est partout ». Même dans dans les fonderies. Dans les usines, sur les chantiers. Par exemple sur celui du réacteur EPR, dans la Manche. Deux morts depuis le début de l’année (qui a dit que le nucléaire était sans danger ?). Sans violeur ni la moindre explosion. Donc, pas de Flamanville « en état de choc » dans les JT, et surtout pas dans celui de TF1, car l’entreprise qui assure le génie civil de la construction de l’EPR s’appelle Bouygues. Elle est d’ailleurs citée dans un procès verbal de l’Autorité de sûreté du nucléaire (ASN) qui lui reproche une « démarche intentionnelle » de non-déclaration d’accidents de travail sur ce chantier. »

Sale affaire, patron

  Une consternation française (Culture visuelle, 16/05/11) -
« On peut enfin mettre d’accord mélenchoniens et zemmouriens : la presse n’est ni de droite, ni de gauche, elle est bourgeoise, libérale et mysogine, en un mot strauss-kahnienne, à un point que seul révèle l’unanimisme médiatique de ce matin. »

  Une Leçon De Maintien De Christophe Barbier (Sébastien Fontenelle, 02/06) – « Ainsi, rédactionne Christophe Barbier dans son édito de la semaine : alors même que chacun(e) sait, « dans les antichambres des gouvernements », que « la crise financière n’est pas finie » (et que « le gouffre de la dette publique s’est » si profondément « creusé sous le mince plancher de nos certitudes d’État providence » qu’« il s’en faut de peu que nous chutions brutalement dans l’abîme  ») - de quoi c’est qu’on parle, dans la France d’après ?« Parle-t-on de cela ? » Nenni : la crise va nous faire crever le mince plancher, mais « la France des bistrots », loin de s’en alarmer, préfère « se demande(r) si c’est bien du sperme de Strauss-Kahn que l’on a trouvé sur le chemisier de la femme de ménage  ». Bonjour le niveau de la France des bistrots, confite dans ses « divagations ».

« Les voyages, tout ça, ça fait longtemps que ça existe chez les politiques, chez les journalistes aussi d’ailleurs, on pourrait en parler aussi… » Franz-Olivier Giesbert, le Grand Journal, 28 février 2011.

  Le Canard épingle des journalistes hôtes de Ben Ali (Rue89, 28/06) – « Selon l’hebdomadaire, Image 7 organisait les vacances de certains journalistes en Tunisie : du 20 mai au 24 mai 2009, Etienne Mougeotte (Le Figaro), Nicolas de Tavernost (M6), Dominique de Montvalon (Le Parisien) et Alain Weil, patron de RMC-BFM TV seraient partis à Tunis avec leurs épouses ; du 22 juin au 24 juin 2007, Michel Schifres et Marie-Ange Horlaville (journaliste du Figaro spécialiste du luxe) auraient bénéficié d’un séjour VIP dans la capitale tunisienne ; en juin 2004, Gérard Gachet, ancien de Valeurs actuelles, serait parti avec sa femme en vacances à Tozeur cinq jours ; fin 2004, Image 7 aide Françoise Laborde, alors présentatrice du JT de France 2, à organiser un réveillon à Zarzis avec son compagnon et ses deux enfants. Devenue depuis membre du CSA, elle reviendra en 2010 en vacances et bénéficiera d’une voiture avec chauffeur. »

Heureusement que les femmes ont Téva

  Téva libère la femme (télérama.fr, 19/06) - « Téva a 15 ans et le fait savoir. D’abord, la chaîne la plus féministe du PAF diffuse des programmes exceptionnels, comme l’élection de « LA femme Téva », « celle qui incarne le mieux la Téva touch ». La grande gagnante se voit offrir « une journée de princesse concoctée par Téva  » (coiffure, shopping, etc.) que vous pouvez découvrir ce dimanche à 11h45 dans le magazine Du temps pour moi (rediffusé samedi 25 juin à 11h15) tandis qu’« un sujet relooking beauté » lui est consacré dans le magazine Télé 7 Jours. »

Amnésie médiatique

  Outreau : quand les journalistes jouaient les procureurs (Marianne2.fr, 30/06) – « Là est la limite du film, « Présumé coupable » souffre de la difficulté à se lancer dans la critique médiatique. Pourtant, peu de journalistes ont assumé leur traitement de l’affaire. Pour son film, Vincent Garenq a demandé à plusieurs journalistes de réenregistrer leurs voix afin de reprendre leurs sujets selon le Nouvel Observateur. Tous ont refusé et ont demandé à ce que l’on change leurs noms « tant ils avaient rétrospectivement honte de leurs reportages », selon le réalisateur. Seule Elise Lucet a assumé son travail et réenregistré ses JT. »

Et encore…

  Site de presse cherche intellectuel en promotion (Culture visuelle, 08/05/11) - « C’est bien connu, comme l’acteur ou la chanteuse en promo qui viennent décorer à peu de frais le plateau du Grand Journal, le chercheur a toujours un livre à vendre, et doit s’estimer heureux qu’on lui prête quelques secondes de la grande lucarne. Le deal est considéré comme honnête, et personne n’évoque alors ni le boulanger ni la baguette. J’aimerais donc que les moralistes et autres adeptes de la sagesse populaire ouvrent les yeux sur le fonctionnement réel du monde médiatique, qui n’a que faire des adages. »

  Les jours et l’ennui de Seb Musset : 1er mai : les JT roulent-ils pour le FN ? (Blog de Seb Musset, 06/05/2011) – « L’opération de com’ carrée est un succès. Sujets identiques et reprise à l’unisson de la "story" (angle, images, éléments de langage). Le FN a pu passer son message sur un parti jeune et sans excès, proche du travailleur sans l’ombre d’un commentaire critique sur les trois médias qui lui ont tous consacré un temps d’antenne supérieur aux défiles syndicaux pourtant bien bien plus fournis. Les médias roulent-ils pour le FN ? C’est plus affligeant que ça. Il s’agit ici avant tout de mimétisme, de paresse et d’alimenter un feuilleton en vue des présidentielles. En revanche à la lumière des traitements comparés, on constate, une fois de plus, pour qui ils ne roulent pas. »

 
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Notes

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