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« Ces correspondants vrais-faux journalistes » (dans « L’actu des médias »)

La presse quotidienne régionale vit beaucoup grâce à son réseau de Correspondants Locaux de Presse, chargés de faire remonter vers les rédactions centrales ces informations « de proximité » dont nombre de leurs lecteurs sont si friands ! Mais qui sont donc ces CLP ? Quelles sont, surtout, leurs conditions de travail, leur statut ? Nos amis étudiants en journalisme de l’IUT Bordeaux III ont enquêté et nous livrent leur résultats de leur enquête dans un dossier intitulé : « Ces correspondants vrai-faux journalistes » (L’actu des médias n°18, 25.11.2004) [*].

« Ce sont les petites mains de la presse quotidienne régionale, les yeux et les oreilles des journaux. » Ainsi débute le texte de présentation de ce dossier ; de fait, ces « petites mains » sont nombreuses : on en compte plus de 20500, qui tendent ainsi à remplacer de fait les journalistes titulaires.

 Lire « On aura toujours besoin d’un journaliste... ».

« De simples organes, en somme, des mutilés incapables de se mutiner depuis qu’a été votée une loi régissant leur statut. [...] Les correspondants locaux de presse (CLP) sont alors définis comme des non professionnels. S’ils dépassent le plafond de revenus annuels (fixé à 4 375 € en 2003), ils sont soumis à impôt. S’ils ne filoutent pas, c’est la précarité. Car, entre temps, les correspondants sont passés de secrétaires de mairie ou d’instituteurs retraités à chômeurs ou étudiants. Certains ne vivent que de leurs articles, en faux correspondants qui irritent les journalistes, lesquels, transformés en contremaîtres, sont menacés par cette main d’œuvre bon marché. Faux correspondants, ils le sont tous en réalité parce que leur indépendance vis-à-vis de leur journal est une vue de l’esprit. »
En effet, être CLP n’est ni vraiment rémunérateur, ni fréquemment valorisant, et les relations avec les rédactions sont souvent délicates ; la confiance est parfois difficile à établir. D’une certaine manière, ils tendent à devenir des « sous-pigistes » à qui l’on demande de plus en plus de mettre en forme l’information (et plus seulement de fournir des infos brutes), dont la formation est inexistante, le travail évalué sous le seul angle de a productivité, et dont l’horizon journalistique principal est la précarité à des tarifs ridicules.

 Lire « Comment (in)former le correspondant » et « Big Brother chez les correspondants ».

« La « formation », l’équipement numérique et informatique, les nouveaux services dédiés aux correspondants créent un cordon ombilical avec l’entreprise. Ce lien, qui nourrit une certaine confusion des genres, ne satisfait finalement aucun des acteurs de la profession et les confine souvent au silence. »
Dans ce domaine, les situations sont très variables : certains correspondants bénéficient de matériel fourni par le quotidien pour lequel ils travaillent, d’autres doivent en rester à des techniques plus traditionnelles ...

 Lire « Journal cherche CLP informatisé »

Au bout du compte, la situation de ces CLP est telle qu’en Bretagne, ils se sont regroupé dans l’association « Presse-Papier », première tentative de regrouper les forces de ces soutiers du journalisme.
Cependant, les situations sont tellement diverses entre cette myriade de correspondants locaux - qui n’ont, en outre, généralement aucun contact entre eux, ni, souvent avec les rédactions - que la création d’une association, voire d’un syndicat au niveau national semble pour l’instant hors de portée...

 Lire « La révolte des correspondants n’a pas eu lieu ».

A lire également, parmi les liens indiqués en annexe du dossier :

 Deux témoignages de correspondants qui établissent un lien entre la précarité et la “mauvaise qualité” de la PQR, sur le site de Jean-Pierre Tailleur. (lien toujours actif - août 013)

 Le point de vue de la CNT (“syndicat anarchosyndicaliste et syndicaliste révolutionnaire”) sur la situation des correspondants locaux. (lien périmé)

 
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Notes

[*En 1999, le Syndicat National des Journalistes protestait déjà contre l’ « emploi abusif de correspondants locaux de presse (CLP) en lieu et place de journalistes professionnels », constatant « une hausse régulière du nombre des CLP ainsi qu’une précarisation accrue des jeunes journalistes, trop souvent payés comme des CLP au lieu de se voir appliquer la Convention collective nationale de travail des Journalistes et les grilles négociées. » (« [Faux CLP, vrais journalistes : Dénonçons les dérives ! », communiqué du SNJ, 09.10.1999)[note d’Acrimed].

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