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A propos d’une publicité du CRIF : Propagande à la hausse et rabais sur la propagande

Voici, accompagné de brefs commentaires (en italiques et entre crochets), le billet du médiateur du Monde qui, à propos des réactions suscitées par une publicité du CRIF, s’explique sur la publicité politique.

Appels payants, par Robert Solé,Le Monde du 27 janvier 2001

« Pour se faire entendre, le Conseil représentatif des institutions juives de France (CRIF) a acheté une pleine page de publicité dans Le Monde du 18 janvier. Avec un titre en gros [énormes] caractères [Alors que la mention "Publicité" est imprimée en caractères minuscules] : " Israël doit-il se suicider ? " Accusant Yasser Arafat de vouloir détruire l’Etat hébreu par " submersion démographique " et de " libérer des terroristes qui commettent des attentats ", les auteurs du texte déclaraient soutenir, pour leur part, " les efforts et la volonté de paix d’Israël ". [Robert Solé omet de préciser que c’est une "réponse" à la revendication du "droit au retour" des Palestiniens, dont l’éditorialiste anonyme du Monde estime par ailleurs qu’elle est abusive ...]

Comment Le Monde a-t-il pu s’associer à cette " désinformation manifeste " ?, me demande un lecteur parisien, Georges Laroche. " J’espère, ajoute-t-il, que vous commenterez cette étonnante participation au processus de paix au Proche-Orient. " Plus virulent, Michel Pons, de Meudon (Hauts-de-Seine), juge " proprement affligeant " qu’un journal respectable " se prostitue au point de véhiculer de la propagande sioniste pour arrondir ses fins de mois ".

[Que la propagande soit de la propagande : rien d’étonnant à cela. Que Le Monde se fasse payer pour la publier, c’est déjà plus troublant. Mais que Le Monde s’abstienne de tout commentaire sur ce texte, c’est sans doute une obligation commerciale]

Il y a deux mois déjà, des lecteurs avaient réagi à la publication d’un encart publicitaire du Consistoire de Paris et de l’association Bnai Brith France, accusant l’Intifada palestinienne de " violence barbare ". Cette fois, les protestations sont plus vives et plus nombreuses. Sans doute parce que la publicité du CRIF occupait une page entière et que, dans le même numéro, un article d’Elie Wiesel en faveur d’Israël était publié à la " une ", alors que le point de vue d’Edward Saïd, favorable aux Palestiniens, figurait en page intérieure. Des lecteurs n’ont pas fait la différence entre publicité et libres opinions. L’un d’eux réclame, par exemple, " un droit de réponse au CRIF et à Elie Wiesel ".

[Les lecteurs en effet doivent apprendre à distinguer les douces règles de la déontologie et les dures lois du commerce ! Mais s’ils confondent libres opinions et publicités, c’est peut être parce que Le Monde - moins que d’autres il est vrai, mais avec constance - ne cesse de brouiller la frontière ...]

La rédaction est soucieuse de conserver un équilibre entre les deux camps. Après Edward Saïd, la parole a été donnée à Elias Sambar dans le numéro du 25 janvier, et en première page cette fois. Pour ce qui est de la publicité, les pro-Palestiniens disposent d’un droit de réponse implicite : un encart payant ne leur serait pas refusé.

[C’est moi qui souligne. Médiateur ou modérateur ? Le médiateur s’interpose et le modérateur tempère, en termes élégamment mercantiles : si une publicité ne te plaît pas, tu peux toujours t’en payer une autre... Du moins si tu en as les moyens...En tout cas, sauf à confondre informations et libres opinions d’une part et publicité d’autre part, il ne saurait s’agir d’un droit de réponse, mais de libre concurrence payante...]

Ils ont, du reste, adopté à plusieurs reprises cette forme de communication au cours des derniers mois : dans Le Monde daté 4-5 mai 2000, l’Association des Palestiniens en France appelait à manifester " contre la politique colonialiste de l’Etat d’Israël " ; le 27 septembre 2000, des personnalités lançaient un " Appel pour Jérusalem ", tandis qu’un " Appel pour la Palestine "était signé par des Français d’origine arabe et des Arabes résidant en France (daté 19-20 novembre 2000).

J’avais reçu alors une protestation du président du Centre culturel juif de Montpellier, Charles Elbaz, reprochant au journal " sa dernière trouvaille, l’encart publicitaire, pour porter atteinte à l’Etat d’Israël "
Renvoyer dos à dos les protestataires, en invoquant la frontière étanche entre rédaction et publicité, serait un peu facile.

[ Si Robert Solé en convient, que dire de plus ? ]

Le directeur de la publication est d’ailleurs responsable, au pénal comme au civil, de l’ensemble du journal. En 1984, Le Monde avait été poursuivi par l’Association nationale des anciens combattants de la Résistance pour avoir publié une page de publicité (" Français, vous avez la mémoire courte ") qui demandait la réhabilitation du maréchal Pétain. Il a dû répondre d’" apologie de crimes de collaboration avec l’ennemi. " Après cinq ans et demi de bataille judiciaire, dont un pourvoi en cassation, la cour d’appel de Paris a finalement donné raison au plaignant, mais la Cour européenne des droits de l’homme s’est prononcée en sens contraire, au nom de la liberté d’expression.

[ Donc ? Quelle conclusion Le Monde a-t-il tiré de cette regrettable confusion entre la liberté d’opinion et la liberté de la propagande publicitaire ? De cette déplorable démission, entérinée par la justice ? ]

Le journal se réserve le droit de refuser une annonce, sans en donner la raison.[ Il pourrait se réserver le droit de commenter publiquement les opérations de pure propagande] Certaines publicités sont modifiées en accord avec l’annonceur. Ce fut le cas pour celle du CRIF, qui était initialement plus agressive [ Le Monde ménage à la fois les annonceurs et les lecteurs].

" Le Monde accueillerait-il une page de publicité affirmant que la France est en passe de se "suicider" si la politique d’immigration se fait plus ouverte ? ", demande une lectrice de Melun (Seine-et-Marne), Suzanne Moreau. Argument similaire de la part de H. Dridi, d’Aubervilliers (Seine-Saint-Denis) : " Est-ce au nom de la liberté d’expression que vous avez publié la page du CRIF ? Dans ce cas, une vitrine politique du Hezbollah exposant en pleine page sa vision du conflit israélo-palestinien aurait-elle votre agrément ? " Selon M. Dridi, " des procédés de ce type réduiraient les débats à une guerre de communiqués, les uns aussi outranciers que les autres. La paix a besoin de dialogue, elle n’a pas besoin de publicité mensongère ".

Une guerre de communiqués ? L’argument de M. Dridi mériterait d’être pris en compte si les appels payants devaient devenir quotidiens. On n’en est pas là, même si les annonceurs se sont multipliés. Ils cherchent aussi bien à défendre des causes (Kurdes, Irakiens, Arméniens) que des catégories sociales (Restos du c¦ur, handicapés) ou des revendications professionnelles (syndicats, personnels en grève).

Le Monde accorde une ristourne de 15 % aux associations civiques et politiques, et de 45 % aux appels et témoignages de solidarité.[ Le Monde consent des rabais sur les libres opinions ...] Sans pour autant frapper aux portes : on ne démarche - faut-il le préciser ? - ni le CRIF ni les amis des Palestiniens. Les appels payants pour des causes ou des idées n’ont pas dépassé 8 millions de francs l’an dernier, pour des recettes publicitaires globales de 645 millions.[ D’où l’on peut simplement conclure que les associations ou les signataires d’appels sont moins riches que les entreprises ...]

Une publicité mensongère ? Si les annonceurs commerciaux trichent toujours un peu, vantant la perfection d’un produit qui a nécessairement quelques défauts, la publicité pour des causes ou des idées y va carrément, sans chercher à intégrer le point de vue de l’adversaire. Elle adopte le ton, de plus en plus incisif, sinon provocant, de la publicité commerciale. Dans une société où les messages et signaux de toutes sortes se multiplient, il faut, malheureusement, frapper fort pour se faire entendre. Et ceux qui en ont les moyens financiers préfèrent maîtriser entièrement leur communication plutôt que de passer par le filtre des journalistes : pour le CRIF, une page de publicité est plus payante, si l’on peut dire, qu’une conférence de presse. [ Et pour la presse l’occasion d’avouer son impuissance ou de la faire payer...]

Dans le cas des insertions commerciales, Le Monde se soumet au contrôle du Bureau de vérification de la publicité (BVP), qui traque [ Vraiment ???] les formules mensongères ou contraires à la réglementation sur la concurrence. Mais, dans le cas de la publicité politique, le journal ne peut compter que sur lui-même : tout est affaire de dosage et d’appréciation. Rien n’interdit aux lecteurs de porter une appréciation différente, et de le faire savoir. Gratuitement, bien sûr. »

[La chute est belle. Mais Robert Solé le sait bien : cette appréciation différente et gratuite a très peu de chances d’être publiée]

 Devinette : qu’est-ce qui cloche dans toute cette affaire ?

H.M.

 
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