Le 2 septembre 2016, au lancement de la chaîne d’information en continu du service public, Louis Laforge, journaliste de France Info, exposait fièrement ce qui allait « faire la différence » : « Sur le fond, on va essayer de décrypter davantage, de moins hystériser l’information et de prendre un peu de recul » [2].
Deux ans plus tard [3], on peut dire que la mission est accomplie :
« Sur le fond, on va essayer de décrypter davantage, de moins hystériser l’information et de prendre un peu de recul » affirmait Louis Laforge. Au cours des flashs d’information et des « reportages », le recul des journalistes fut tel qu’ils ont passé une journée entière à rapporter qu’ils ne savaient… rien. Florilège :
- 19h :
- Présentateur : Lucie Chaumette, vous êtes à l’Élysée, alors est-ce qu’il y a des signes avant-coureurs, est-ce qu’on sent que la pression monte avant ce remaniement qui se fait attendre ?
- Lucie Chaumette : Eh bien Louis, ça va peut-être vous décevoir mais pour le moment absolument pas, aucun signe avant-coureur. Tout est calme ici et aucune information ne filtre, ni sur l’ampleur du remaniement ni même sur l’horaire de l’annonce de ce remaniement. Ce que je peux vous dire par contre, c’est que certaines sources proches du président de la République estiment qu’Emmanuel Macron n’est pas pressé d’annoncer ce remaniement.
Vous avez dit tautologie ? Et de poursuivre :
Alors des députés tirent des conclusions, certains pensent que le remaniement n’aura pas lieu ce soir mais évidemment tout cela vous l’aurez compris ça reste à mettre au conditionnel, et il faut bien dire que les personnes qui se risquent à ce type de dispositions, euh de suppositions, sont de moins en moins nombreuses. Une chose est sûre, c’est qu’Emmanuel Macron n’a pas changé d’un iota son planning de la journée. Il a bien rencontré à 13h, comme c’était prévu, le président ouzbek. Il s’est ensuite rendu, et vous en avez parlé, à la Station F, cet incubateur… là encore il a suivi son emploi du temps et pendant ce temps-là le gouvernement continue le travail. Françoise Nyssen, qui est donnée par certaines sources comme une potentielle ministre sortante, eh bien elle, elle défend cet après-midi à l’Assemblée nationale un texte contre les « fake news », les fausses informations. Ça, ça devrait durer 48h : on voit donc que le gouvernement continue de travailler, face à une opposition qui s’impatiente de plus en plus, qui trouve le temps long, et qui veut connaître à la fois le nom du prochain ministre de l’Intérieur et puis aussi l’ampleur du remaniement.
- Deux heures plus tard :
- Présentateur : Les heures passent, et on ne connaît toujours pas le visage du nouveau gouvernement. On va en parler avec Lucie Chaumette. Bonsoir Lucie, on vous retrouve en direct devant l’Élysée. Seule certitude ce soir, le remaniement n’aura donc pas lieu ce soir.
- Lucie Chaumette : Alors ça c’est la première certitude effectivement qui vient d’être annoncée par l’Élysée. Malgré tout on ne sait pas [à] quel moment il aura lieu, ce remaniement, ni même quelles formes il prendra. Est-ce que ça sera un remaniement élargi ou pas ? Les questions restent en suspens. Et puis la deuxième certitude, c’est quand même que ce remaniement il aura lieu sans démission du gouvernement. Ça veut dire quoi ? Et bien ça veut dire qu’Édouard Philippe n’ira pas devant l’Assemblée nationale pour prononcer un discours de politique générale, ça veut dire qu’il ne présentera pas le cap qui sera suivi par ce nouveau gouvernement. Entre les lignes il faut peut-être comprendre qu’il n’y aura pas de changement de cap, donc peut-être pas de nouveau souffle – évidemment ça, ça reste à mettre au conditionnel. Toujours est-il qu’on se demande un petit peu si Emmanuel Macron prend son temps parce qu’il veut montrer que c’est lui le chef, qu’il décide et qu’il maîtrise la situation ou bien est-ce qu’il est isolé, est-ce qu’il a des difficultés à réunir autour de lui notamment des personnalités de gauche comme de droite ? Les questions restent posées, une chose est sûre c’est que ce remaniement, vous l’aurez bien compris, il prend du temps, il se fait attendre et il tourne au véritable feuilleton.
Un feuilleton que la chaîne publique prend visiblement grand plaisir à … feuilletonner !
- 21h30, après avoir dit que son émission « ne parlera[it] pas du remaniement », le présentateur de « L’Instant Module », Adrien Rohard, s’amuse du cirque :
Aujourd’hui, au programme, remaniement ministériel ou pas remaniement ministériel ? On attend toujours frénétiquement de savoir quand il aura lieu. Les chaînes d’info et leurs journalistes sont en syncope devant l’Élysée, et nous avec ! Mais pour l’instant, on ne voit rien venir, alors c’est pour aujourd’hui ou pour demain ?
Misère…
- 22h :
- Présentateur : Lucie Chaumette, le remaniement tant attendu n’aura donc pas lieu ce soir !
- Lucie Chaumette : Et c’est, effectivement, Julien, la première certitude de la soirée. Rien ne va bouger ce soir.
Et après des heures d’attente, une telle certitude méritait bien qu’on s’y attarde un peu plus :
Je vous rappelle l’information principale de cette soirée : il n’y aura pas de remaniement ce soir, annonce de l’Élysée : on va y revenir évidemment tout au long de la soirée. […] L’image de la soirée, c’est le chef de l’État qui rentre à pieds à l’Élysée, loin de l’agitation politique alors que vous le savez, le remaniement se fait attendre. Seule certitude donc : ce remaniement n’aura pas lieu ce soir.
Vous avez dit vide au carré ?
Pauline Perrenot