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EN BREF

Quand Guy Béart chantait la critique des médias

C’est bien connu, les morts sont toujours des braves gens. On en a une fois de plus l’illustration avec Guy Béart qui reçoit des hommages unanimes de tous ses collègues et bien sûr du milieu médiatique.

Pour la première catégorie, on oubliera que Béart était considéré comme un ours et qu’il n’avait pas sa langue dans sa poche quand l’un de ses confrères l’importunait. Au milieu de tous les éloges, on ne remarquera donc pas le silence de Pierre Perret contre qui Guy Béart avait témoigné quand Perret se prévalait (ce qui était contesté) de l’amitié de Paul Léautaud. On n’entendra pas non plus Serge Gainsbourg (inutile de rappeler le clash célèbre sur le plateau d’Apostrophes) qui a des excuses puisqu’il est mort avant lui.

En ce qui concerne les hommages de la part des médias, et particulièrement des télévisions, on peut parler de larmes de crocodiles. Guy Béart, qui fut à partir de 1966 et pendant 6 ans (et 70 émissions) producteur et animateur de « Bienvenue chez Guy Béart » [1], l’ancêtre du Grand Échiquier, avait fini par prendre en grande détestation ce qu’est devenue la télévision. La télé le lui rendait bien, qui l’avait oublié pendant tant d’années.

Qui donc croira que Jean-Pierre Pernaut, la larme à l’œil en annonçant au 13 heures de TF1 la mort du chanteur, partageait avec Guy Béart la nostalgie d’une époque où « la seule doctrine » n’était pas « de faire du gras », comme dit dans un des derniers titre écrit par Guy Béart dans son dernier disque ?

Ce titre, « Télé Attila », c’est, en quelque sorte, notre hommage à l’auteur Guy Béart.



 Extrait des paroles de « Télé Attila » :

L’as-tu la télé nouvelle
L’as-tu, l’as-tu là ?
En dents de scie ou dentelles
Jingles et flaflas

Ses jeux à fortes poitrines
Aux nichons pas plats
Que l’on suit jusqu’aux latrines
Jusqu’aux trous lala
Avec pour seule doctrine
De faire du gras

L’as-tu la télé nouvelle
L’as-tu, l’as-tu là ?
De faux gentils interpellent
De faux méchants gars

Ses aboyeurs s’assourdissent
D’un public de choix
Joyeux, ils nous étourdissent
De louanges à tout va
Ils s’embrassent et s’applaudissent
Gentils Attilas

L’as-tu la télé nouvelle
L’as-tu, l’as-tu là ?
Aux informations-poubelle
Poubelle et coups bas

Des présentateurs très drôles
Qu’on ne comprend pas
Ils vous coupent la parole
Pendant les débats
Et se donnent le beau rôle
Ces grands Attilas

L’as-tu la télé nouvelle
L’as-tu, l’as-tu là ?
Celle des vies virtuelles
Pas ta vie à toi



Et pour qu’on ne puisse pas dire que c’est parce qu’il était devenu aigri qu’il a écrit cette charge contre la télé, un tube de 1967, « Rotatives », montre que Guy Béart s’est intéressé de longue date à la fabrication de « la mousse médiatique ».

 Les paroles de « Rotatives » :

Quand le soleil est sage
Il nous faut des orages
Du sang des sensations
Et des superstitions
Dans les hebdomadaires
Vivants mais légendaires
Renaissent les héros des contes de Perrault
Le monde est un spectacle
Il nous faut des miracles
Des meurtres des amants
Et des enterrements
Chantons les marionnettes
Les princes des manchettes
Que l’on anoblira grâce à la caméra

Tournez tournez rotatives
Pour les âmes sensitives
À tout cœur et à tout sang
À la prochaine je descends
Le métro chante sa chanson grise
Je n’ai pas trouvé de place assise
Il me faut pour tenir le coup
Une histoire à dormir debout

Souffrez que je présente
Une fille qui chante
Voici la cendrillon de nos microsillons
Elle n’a pas de souffle
Mais gagne une pantoufle
Qui va la remplacer, c’est le petit Poucet
Cette jeune starlette
D’un seul coup de baguette
De son impresario
A perdu son maillot
Mais le bon photographe
A corrigé la gaffe
Avant que vienne un flic
Qui presse le déclic

Tournez tournez rotatives
Pour les âmes sensitives
À tout cœur et à tout sang
À la prochaine je descends
Le métro chante sa chanson grise
Je n’ai pas trouve de place assise
Il me faut pour tenir le coup
Une histoire à mourir debout

La commère bavarde
Mais c’est Shérazade
Nous sommes tout autant
Ses lecteurs ses sultans
Qui a le vent en poupe ? c’est Riquet a la Houppe
Qui malgré sa laideur
En amour est vainqueur
C’est dans une clinique
Que la quenouille pique
La belle au bois dormant boit des médicaments
Ou bien c’est pas de chance
Elle attend la naissance
D’un rejeton royal
Pourvu qu’il soit normal
Et lorsque le sang coule
Sur les fous, sur les foules
S’il va du bon côté
Ça peut se raconter
Mais il peut faire tache
De grâce qu’on le cache
Sous la soie des papiers
Des mariages princiers
Si les sorciers nous mentent
Et si la vie augmente
Pourquoi crier : À bas Marquis de Carabas !
Puisqu’à toutes les pages
De nos revues d’images
Pour nous réconforter
Il y a ces chats bottés

Tournez tournez rotatives !

 
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Notes

[1Sur ce qu’on appelait alors la première chaine de l’ORTF.

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