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" Débats "

Quand Charlie Hebdo et Le Monde rivalisent d’esprit libertaire

par Henri Maler,

Arbitres des " débats " dont ils contrôlent l’accès, les médias dominants s’en font une conception tout à fait singulière. Deux épisodes récents le confirment amplement...

"Le Monde" : " Ils sont ici chez nous ces intellectuels "... qui défendent la lapidation des femmes adultères

Le Monde du 10 septembre 2002 publiait un point de vue intitulé " La charia incomprise " et signé "Hani Ramadan, directeur du Centre islamique de Genève", où l’on pouvait lire, entre autres, cette élégante défense de la lapidation : " Les peines concernant le vol et l’adultère ne peuvent être appliquées que dans une société où sont protégées les normes et les valeurs islamiques. Il est exclu de couper la main du voleur dans un Etat qui ne donne pas à ce dernier les moyens de vivre dignement. La lapidation prévue en cas d’adultère n’est envisageable que si quatre personnes ont été des témoins oculaires du délit. Ce qui est pratiquement irréalisable, à moins que le musulman choisisse d’avouer sa faute. Avant l’exécution de la sentence, les juristes précisent qu’il lui est toujours possible de revenir sur son aveu. "

Ou encore ceci : " Qui a créé le virus du sida ? Observez que la personne qui respecte strictement les commandements divins est à l’abri de cette infection, qui ne peut atteindre, à moins d’une erreur de transfusion sanguine, un individu qui n’entretient aucun rapport extraconjugal, qui n’a pas de pratique homosexuelle et qui évite la consommation de drogue. (...) La mort lente d’un malade atteint du sida est- elle moins significative que celle d’une personne lapidée ? "

Des lecteurs ayant protesté contre la présentation de la défense de pratiques criminelles comme un simple " point de vue ", le médiateur du Monde a jugé bon d’intervenir. Ce qui nous a valu, comme à l’accoutumée, le " point de vue " du directeur de la rédaction, Edwy Plenel, à qui l’on doit cette déclaration : " Ils sont chez nous, ces intellectuels, qui défendent une tradition religieuse. Ils font partie de notre monde. Nous devons favoriser un débat sur fond de références universelles communes, sans enfermer les autres dans des cases et sans entrer dans une guerre des mondes. La France est aujourd’hui le seul pays d’Europe, voire d’Occident, à réunir les qualités suivantes : fille aînée de l’Eglise, héritière de l’édit de Nantes, refuge après la catastrophe de la plus importante communauté juive européenne et, si l’on excepte la seule Russie, premier pays pour l’importance de sa population musulmane. En termes de dialogue et de débat, d’échange et de confrontation, cela crée des obligations. "

Faut-il comprendre qu’ " ils sont ici chez nous ces intellectuels "... qui défendent la lapidation des femmes adultères, l’amputation des voleurs, le châtiment divin par le sida pour les homosexuels ?

Passe encore si Le Monde avait publié le texte d’Hani Ramadan comme un document à charge... contre ses " opinions ". Mais, comme un " point de vue " indispensable au " débat " !

Mais il ne s’agissait encore que d’un " point de vue " dont seule la publication engageait la responsabilité du Monde ! Charlie Hebdo a fait beaucoup mieux...

"Charlie Hebdo" : " J’ai aimé "... ce livre au relents racistes qui condamne la croisade de l’Islam contre l’Occident

Car c’est à un chroniqueur du journal lui-même, et non à un simple " invité " que l’on doit, en guise de contribution au " débat " un éloge dithyrambique du libelle d’Oriana Fallaci, La rage et l’orgueil. Sous le titre " Courage intellectuel ", Robert Misrahi justifie ainsi son " courageux " éloge :

" Entre nous, il s’agit d’échanger des informations, de dialoguer en souhaitant convaincre l’autre en l’éclairant et de faire progresser ensemble la démocratie partout dans le monde ".

Ainsi, selon le philosophe de service de Charlie Hebdo, Oriana Fallaci non seulement contribuerait au " dialogue ", mais rien - non vraiment rien - dans son livre ne permettrait de l’accuser de xénophobie et de racisme.

Et Robert Misrahi, de se réjouir :

" Elle ne proteste pas seulement contre l’islamisme assassin (...). Elle proteste aussi contre la dénégation qui a cours dans l’opinion européenne, qu’elle soit italienne ou française par exemple. On ne veut pas voir ni condamner clairement le fait que c’est l’islam qui part en croisade contre l’Occident et non l’inverse ".

Brave philosophe de l’hebdomadaire contestataire : la précaution élementaire (et rudimentaire...) qui consiste à distinguer islam et " islamisme " part en fumée...

Mais s’étonner d’une telle énormité, si l’on se souvient qu’un autre journaliste du même périodique - Philippe Val - pourfend l’antisémitisme latent de " l’antiaméricanisme " d’extrême-gauche et soutient dans cette salubre " croisade " le preux Pierre-André Taguieff.

Même Alain Finkielkraut, si l’on en croit le " droit de réponse " que Le Monde Diplomatique de novembre a cru bon de publier (puisqu ’Alain Finkielkraut ne dispose que sur France Culture d’un " droit de réponse " permanent et sans contrepartie...) - même Alain Finkielkraut donc a cru bon d’écrire :

" Oriana Fallaci succombe au racisme quand elle affirme que les musulmans ont tendance à se multiplier comme des rats, et plus généralement, lorsqu’elle referme sur tous les musulmans le piège de l’islam " (L’ Actualité juive hebdo, n°753, du 20 juin 2002).

Alain Finkielkraut, plus nuancé que Charlie Hebdo !

Par Acrimed, que ces " débats " sont décoiffants et contribuent au dialogue démocratique !

 
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