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Médias en campagne : à propos du documentaire « DSK, Hollande, etc. »

par Mathias Reymond,

Depuis le 18 avril, le film « DSK, Hollande, etc. » est en ligne sur le site www.pierrecarles.org/. Ce documentaire au montage évolutif réalisé par Julien Brygo, Pierre Carles et Aurore Van Opstal est autoproduit et a nécessité l’aide de techniciens bénévoles.

Film de critique des médias, « DSK, Hollande, etc. » s’inscrit dans la lignée de « Juppé forcément », réalisé par Pierre Carles en 1995, où il était question du traitement médiatique de la campagne municipale de Bordeaux. Cette fois, on parle de la présidentielle de 2012. Les noms et les lieux ont changé… mais pas les méthodes.

Les institutions de la Ve République et en particulier l’élection présidentielle au suffrage universel qui ne laisse que deux candidats en lice au second tour favorisent la bipolarisation et la personnalisation de la vie politique

Or les principaux médias – souvent avec la complicité des partis politiques – contribuent à accentuer ces tendances par leurs propres mépris des « petits » candidats, l’orchestration des débats et la délimitation des sujets de discussion et surtout mise en scène de la compétition électorale sur le modèle d’une course hippique.., à grands renforts de sondages et de commentaires de sondages.

Dans le film « DSK, Hollande, etc. », les réalisateurs – Julien Brygo, Pierre Carles et Aurore Van Opstal – s’intéressent à tout cela, en montrant comment les médias coordonnent une campagne et sélectionnent leurs candidats. En effet, à l’occasion des élections et, surtout de l’élection présidentielle, les principaux médias, quand ils se gardent de se prononcer pour un candidat, se posent toujours en chefs d’orchestre de la campagne et en administrateurs du débat et se prononcent alors pour un candidat… sans le nommer.

Dominique Strauss-Kahn, attendu comme un messie, a longtemps été le chouchou des médias [1]. Mais « l’affaire du Sofitel » l’a fait tomber de son piédestal. Qu’importe : la presse habituellement classée à gauche ou au centre-gauche lui a rapidement trouvé un équivalent et un remplaçant en la personne de François Hollande. C’était leur choix…

… Seulement voilà : les porte-voix de ces médias le nient. Pis : ils s’offusquent qu’on puisse le croire. Et c’est tout l’intérêt de ce film de le montrer, à grand renfort d’entretiens. À entendre Nicolas Demorand de Libération, Laurent Joffrin du Nouvel Observateur ou Maurice Szafran de Marianne, leur média ne « roule » pas pour le candidat socialiste… « Pas ça, pas nous », affirme en substance chacun d’eux en déclarant que tous les autres, en revanche, soutiennent bien Hollande. Évidemment. Cette comédie devient transparente quand Szafran, alors que la caméra semble arrêtée, concède : « L’Obs a soutenu Hollande, nous, on a plutôt soutenu Hollande, Libé a plutôt soutenu Hollande, Le Monde a plutôt soutenu Hollande […]. » L’arrogance avec laquelle ils affichent leur neutralité de façade est parfois burlesque, souvent déconcertante. Alors, pourquoi ne pas l’admettre ? Pourquoi cette duplicité ? Pourquoi ne pas admettre que, à l’instar du Figaro (supporter de Nicolas Sarkozy) ou de l’Humanité (supporter de Jean-Luc Mélenchon), les journaux qui le nient sont des journaux de parti pris, voire des journaux partisans qui soutiennent François Hollande ? Cela irait mieux en le disant, non ?

Ce film met également en lumière les passions qui agitent le microcosme médiatique et, en particulier, l’amour inconditionnel des journalistes de compétition pour le seul arbitre de l’élection : le sondage. On invitera un candidat en fonction de sa popularité dans les sondages… sans jamais se demander si sa popularité dans les sondages n’est pas due, ne serait-ce que partiellement, à sa présence dans les médias. Ainsi, l’élection présidentielle est l’occasion de pointer du doigt le mépris réservé par les grands médias à ceux qu’ils appellent les « petits » candidats. Le crédit qui leur est accordé par les journalistes est malheureusement corrélé à leur score dans les sondages d’intention de vote… Et quand ils accèdent enfin au micro, les distorsions qualitatives se combinent aux distorsions quantitatives, car les contrôleurs d’antenne et autres intervieweurs s’emploient à les maltraiter. Exceptionnellement invités pour parler du fond, ils doivent d’abord faire face à une série de questions et remarques subalternes, consistant la plupart du temps à justifier leur existence.

Si la campagne pour l’élection de 2012 n’a pas échappé à cette règle, c’est dans l’émission « Le Grand Journal » de Canal +, régulièrement épinglée par Acrimed, que les disparités ont été les plus significatives. « Vous devez être le prototype du candidat inutile dans cette campagne. Totalement inutile. » C’est ainsi par exemple que Jean-Michel Aphatie, également interrogé dans le film, donnait son avis sur le pluralisme lorsqu’il s’exprimait face à Jacques Cheminade, sur Canal Plus, le 31 janvier 2012 [2].

Qu’importent les rares moments consacrés au fond et au programme des candidats, le message principal reste : il existe des candidats légitimes et d’autres illégitimes. Les premiers sont consacrés par les sondages, leurs commanditaires et leurs gardiens, les seconds sont enterrés, par les mêmes juges, avec « la morgue et le mépris » qu’on leur connaît parfois. À ce sujet, dans le film « DSK, Hollande, etc. », Eva Joly revient sur la façon dont elle a été traitée tout au long de cette campagne, et comment les médias ont mis en doute, avec une régularité insolente, sa candidature, ne l’interrogeant que rarement sur des enjeux politiques.

En commentant une campagne comme un match à coups de sondage quotidiens, on ne peut aborder le fond, les questions sociales, économiques, internationales, qu’en pointillés. Et lorsque le fond est (enfin) abordé, il se fait dans un cadre bien précis. Brygo, Carles et Van Opstal, montrent bien que si les médias en question contribuent à dépolitiser le débat politique, ils se comportent en même temps en fervents défenseurs d’un statu quo idéologique, politique et institutionnel.

Mathias Reymond

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