Jean-Michel Bretonnier, rédacteur en chef et éditorialiste vedette de La Voix du Nord, donne son avis sur tout et n’importe quoi [1]. Courant 2005, il a multiplié les éditoriaux : sur le rejet du Traité Constitutionnel Européen (VDN du 30 et du 31 mai 2005), sur la libération de Florence Aubenas (VDN du 13 juin 2005), sur les élections législatives allemandes (VDN du 20 septembre 2005), sur les violences urbaines en France (VDN du 05 novembre 2005)...
Un journalisme de consensus ?
Au lendemain du référendum du 29 mai, Jean-Michel Bretonnier est abasourdi : « Autant la question appelait, semblait-il au départ, une réponse consensuelle et apaisée, autant la réponse fut brutale et clivante ». Après avoir associé non de gauche et non de droite dans une même réprobation - ces Français qui ont dit non « n’apportent pas non plus de solution, puisque de Le Pen à Besancenot, ils sont loin d’être d’accord » - Jean-Michel Bretonnier explique qu’« à l’heure où les Etats-Unis et la Chine orchestrent la mondialisation, l’union de l’Europe est plus que jamais nécessaire. (...) La France est l’homme malade d’une Europe qui ne se porte elle-même pas très bien ce soir ».
Le prescripteur d’opinion ne pouvait pas en rester là : il revient à la charge dans l’édition du lendemain de La Voix du Nord (31 mai 2005), et tire sur cette « association d’associations, ATTAC, [qui] réinvente des mondes parallèles où le marché n’existera plus, pas plus que la compétition internationale ».
L’apologie des « réformes »
Quand il ne fait pas l’apologie de la compétition et des « réformes » libérales en France, Jean-Michel Bretonnier ausculte l’Allemagne. Les élections au Bundestag sont l’occasion pour l’éditorialiste de pointer du doigt, « de chaque côté du Rhin, les mêmes tares économiques » (20 septembre 2005). Pour lui, en France comme en Allemagne, c’est le corps électoral qui est fautif : « Il (le corps électoral) sanctionne les gouvernants incapables de sortir le pays de l’ornière, et il sanctionne ceux qui tentent de le faire par un coup de collier jugé trop brutal ». Il en est atterré : « Le pays a donc refusé à la droite les pleins pouvoirs pour réformer l’Etat providence dans le sens d’une plus grande responsabilisation des citoyens ». Comble de malchance, voilà les sociaux-démocrates « flanqués » à leur gauche d’un « pôle de radicalité qui ne fait, quant à lui, que demander encore plus à cet Etat providence ».
La présentation que fait l’éditorialiste de La Voix du Nord du paysage politique allemand est d’une grande mauvaise foi : à droite, une présentation sur le mode affirmatif et des termes connotés positivement (réformes, responsabilisation) ; à gauche, une phrase négative et des termes dépréciatifs (flanqués).
Libéralisme et maintien de l’ordre
Les violences urbaines de l’automne constituaient une occasion de plus pour le rédacteur en chef de La Voix du Nord de marteler en première page le programme de son journal. Jean-Michel Bretonnier utilise son éditorial du 5 novembre 2005 pour faire un « constat d’échec » : « Celui d’un modèle d’intégration, d’un modèle social, d’un modèle économique ». L’urgence est donc de démanteler ce « modèle social » : « l’assistance généralisée, qui se trouve être aujourd’hui la réponse principale au chômage, infantilise ces populations, leur ôte toute confiance en leurs possibilités ».
Il en appelle donc au « courage » des chefs politiques chargés de mener à bien les « réformes » libérales : « La guerre au chômage passe par des batailles décisives qui demandent du courage parce qu’elles peuvent être fatales à nos généraux. L’emploi ne reviendra pas sans la croissance et la croissance ne reviendra pas sans quelques réformes dont certaines seront forcément impopulaires ».
Si les éditoriaux d’une personne n’engagent pas idéologiquement un journal, ceux de Jean-Michel Bretonnier ont ponctué l’actualité d’odes aux réformes libérales, remettant en question l’idéal d’indépendance et de neutralité historique affiché par le quotidien.
David Noël