Cela faisait longtemps. Voici que Le Point remet le couvert, avec une nouvelle Une angoissante dénonçant le « péril islamiste ».
Depuis novembre 2018, ce ne sont donc pas moins de cinq Unes du magazine qui ont agité la menace de l’islamisme, associée tantôt à celle des gilets jaunes, de la haine de la police, ou des narcotrafiquants [1] :
Cette fois-ci, le magazine agite « un rapport parlementaire choc sur la radicalisation à l’école, à l’hôpital, dans les transports ». Bref : les services publics sont menacés. Les mêmes services publics qui sont, avec les fonctionnaires, régulièrement brocardés en Une du Point :
Et peu importe si, de l’avis des rapporteurs mêmes de ce texte, les services publics « ne sont touchés par la radicalisation que de façon marginale ». Pour alimenter sa « croisade », Le Point fait visiblement feu de tout bois...
A l’image de Franz-Olivier Giesbert. Dans une bouffée délirante qui fait office d’éditorial, l’éditocrate s’interroge : « Faut-il avoir peur d’Eurabia, l’Europe islamique ? » Donnant ainsi, en toute décontraction, un gage de légitimité à une théorie complotiste (« Eurabia ») selon laquelle le monde arabo-musulman serait en passe de submerger l’Europe. Une théorie répandue au sein de l’extrême-droite européenne, comme l’indique Raphaël Liogier dans Le Monde diplomatique. Et qui est notamment citée en référence dans le manifeste du tueur norvégien Anders Behring Breivik.
Sautant à pied joint dans la mare de boue islamophobe, Franz-Olivier Giesbert s’interroge gravement : peut-on encore arrêter « la radicalisation islamique » qui serait « en marche dans plusieurs secteurs de la société » ? Il dénonce le « tabou » qui frapperait ce sujet, et le fait que des lanceurs d’alerte soient « bâillonnés, ostracisés, calomniés » (on ne peut plus rien dire, mon bon monsieur). Puis il s’interroge à nouveau : « L’islam est-il soluble dans la République ? » en laissant lourdement sous-entendre que non, et s’interroge encore : « La République est-elle soluble dans l’islamisme ? » Tout y passe, « voile intégral », « quartiers tenus par des salafistes »... N’en jetez plus. Et l’éditocrate de regretter, enfin, l’ostracisation de la britannique Bat Ye’or, auteure du concept d’Eurabia, visiblement cher à Giesbert.
Il faut dire que l’exploitation des fantasmes islamophobes par la presse magazine ne date pas d’hier, comme le rappelle Raphaël Liogier :
La vision de Bat Ye’or fait aussi vendre des journaux : on ne compte plus les « unes » de magazines consacrées à la « menace » musulmane. Quand L’Express met en scène le combat de « L’Occident face à l’islam » (6 octobre 2010) ou assène « Les vérités qui dérangent » sur l’islam (11 juin 2008), Le Point répond en agitant « Le spectre islamiste » (3 février 2011), promet de révéler « Ce qu’on ne dit pas sur la burqa » (21 janvier 2011) ou s’emporte face à « Cet islam sans gêne » (1er novembre 2012). Le Figaro Magazine, Valeurs actuelles, mais parfois aussi Marianne ou Le Nouvel Observateur n’ont pas des lignes très différentes.
Autant de Unes que nous référencions dans notre article sur « les obsessions islamiques de la presse magazine » :
Bref, si on se posait encore la question, la rhétorique vaseuse du Point et de Franz-Olivier Giesbert est, elle, bien soluble dans l’extrême-droite.
Frédéric Lemaire