Un quémandeur...
Que nous apprend Le Canard sur cette lettre électronique adressée à des éditeurs de la presse hebdomadaire régionale ? Qu’Hervé Guéneron « leur demande d’avoir l’amabilité de publier, dans leurs colonnes respectives, un article livré clés en main par ses soins, et qui relate une rencontre de première importance entre le sous-ministre de l’Industrie, François Loos et le nommé André Merlin, le patron du Réseau de transport d’électricité (RTE), une filiale d’EDF en voie de privatisation ».
... très motivé
Cette missive d’Hervé Guéneron intervient naturellement à un moment très particulier. « Vous savez que la société RTE aide le SPHR à financer la filière de formation « journalistes en presse hebdomadaire régionale », que nous avons mise en place voilà dix ans avec l’Ecole supérieure de journalisme de Lille. Le syndicat est actuellement en négociation délicate avec la RTE pour le renouvellement de ce partenariat ». Au moins, cela a le mérite d’être clair.
... Multirécidiviste
Toujours soucieux de garantir l’indépendance de la corporation qu’il représente, Hervé Guéneron précise dans un élan de sincérité qui l’honore : « C’est pourquoi je me permets de vous proposer, une nouvelle fois, un très court article. Sa publication (avec, si possible, la photo), par un certain nombre d’hebdos nous permettrait de discuter en meilleure position ». Nous espérons simplement qu’une telle abnégation sera récompensée à sa juste valeur ! ... et que notre multirécidiviste ne sera pas concerné par la proposition de loi actuellement en discussion au Parlement.
... Professionnel
Car c’est bien devant cela qu’il faut s’incliner dans la mesure où l’article a été rédigé, précise Le Canard enchaîné, par « un prof de l’école de journalisme de Lille et il passe vigoureusement la brosse à reluire sur les pompes de Merlin ». Bien entendu, « la photo dudit Merlin et du ministre est également fournie en prime ». Devant un tel professionnalisme, on ne peut qu’applaudir, même si nous pourrions soupçonner une microscopique entorse à une des dispositions de la Charte du Journaliste qui précise qu’un journaliste « ne signe pas de son nom des articles de réclame commerciale ou financière ». Mais, c’est quand même un peu mesquin.
Cette formidable démonstration de journalisme indépendant n’a finalement rien d’étonnant puisque Hervé Guéneron est, rappelle Le Canard, « membre du jury Varenne, récompensant chaque année les meilleurs jeunes journalistes français ». Une solide référence.
... et exemplaire
Les élèves et futurs élèves de l’Ecole Supérieure de Journalisme de Lille savent dorénavant que la liberté de la presse s’arrête là où commencent les subventions privées.
A l’heure où nous écrivons, nous ne savons toujours pas si cette annonce publicitaire a finalement été publiée et si une telle prévenance sera payée en retour.
Denis Perais