Alors Michel Field démissionne ! Pourtant ses derniers jours à la tête de l’info ont été marqués d’un immense élan de lucidité. Avec son humour inoxydable, dans une tribune à Libération du 16 mai, il se lamente sur : « Le manque de diversité sociale et géographique dans le recrutement des grandes rédactions […] l’absence d’approche contradictoire des grands enjeux économiques et sociaux […] n’abuse-t-on pas de ce « journalisme incarné » où le reporter met en scène son investigation ou son questionnement ? »
Une véritable volée de bois vert. Dans Libé, Field sermonne Michel nommé directeur de l’info depuis décembre 2015. Un an et demi d’action passé à la paille de fer de sa propre critique : les recrutements de jeunes journalistes pas vraiment à l’image de la diversité, D. Pujadas qui en fait des tonnes en soupesant le code du travail et qui ne représente pas vraiment l’idée qu’on se fait de l’approche contradictoire, pas plus que F. Lenglet récitant du Gattaz à longueur de 20 heures. Et tous ces stand-up devant l’Élysée, ou ailleurs qui relèvent plus que de la mise en scène que du journalisme.
Quelle repentance ! Ou quelle désinvolture ? Ceux qui se retrouvent piégés, ce sont les journalistes. Confortés par des dizaines de mails de félicitations émanant de leur directeur de l’information, ils croyaient bien faire, ils se rendent compte qu’ils ont tout faux.
Et en pleine nomination des ministres, mercredi dernier, le présentateur du 20 heures annonce qu’il ne va plus présenter à la rentrée. On a même cru un instant que c’était parce qu’il allait entrer au gouvernement ! En fait, avec un sens inné du timing et de l’indépendance c’est Delphine Ernotte et Michel Field qui ont pris la décision.
Michel Field s’en va, mais son testament reste : « Les JT vont retrouver et fortifier le lien social et la confiance de nos concitoyens avec leurs grands médias […] pour leur offrir une information certifiée et impartiale et […] rétablir un rapport de confiance avec ses téléspectateurs. »
On va en finir avec le « casting du 20 heures », Anne-Sophie Lapix devrait maintenant lancer les sujets des journalistes des régions et d’outre-mer comme on le fait au 19/20 : « Avec son maillage dans les régions, dans les outre-mer, avec la qualité et le professionnalisme de ses rédactions nationales […] le service public de l’information en a les moyens et les ressources. Il en a aussi la volonté ».
Fini la torture en salle de montage avec trois rédacteurs en chef dans le dos, fini les V7, V10, V12 [1], la SDJ de France 2 qui depuis des mois estimait urgent de débattre « sur les conditions de réalisation et de fabrication du 20H, sur la brutalité, le respect des journalistes et la ligne éditoriale » va devoir se trouver rapidement d’autres urgences.
Paris, le 22 mai 2017