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Le médiateur peine à se voiler la "face cachée"

par Patrick Lemaire,

" Le Monde m’est devenu aussi indispensable que l’air que je respire ", " depuis plus de vingt ans je lis votre journal avec le même bonheur ", " ça me donne envie de m’abonner ", " tout cela est insignifiant "...
La sélection unilatérale des écrits de lecteurs publiée par le médiateur du Monde dans son papier hebdomadaire (en date des 2-3 mars) aurait pu s’intituler " Tous en chœur " comme la précédente, tant elle ne dépare pas dans la dérisoire litanie des communiqués langue-de-bois égrenés depuis que - dans le numéro consacré à... Staline ! - la chefferie du Monde a ouvert le bal.

Après le futile (mais long) passage promotionnel qui constitue l’ordinaire de cette chronique hebdomadaire, quelques remarques de Robert Solé résonnent néanmoins comme autant de gifles à la " couverture " par Le Monde de sa propre mise en cause [1].

 L’excès de zèle est souvent contre-productif. Robert Solé cite une phrase du " conseil de la Société des rédacteurs " qui, déclarant " solennellement " que " c’est l’ensemble de la collectivité du Monde, ses rédacteurs, ses cadres, ses employés, ses ouvriers, qui est livrée à l’opprobre, à la vindicte " (Le Monde du 28 février), kidnappe, dans sa communion " solennelle " avec la chefferie, des catégories de salariés qu’une société de rédacteurs ne représente pas... Mais ne doutons pas que, dans les prochains jours, les représentants de ces catégories poursuivront la litanie ci-dessus évoquée.

 Le médiateur conteste le sous-titre, qualifié par lui d’" abusif " (" Les deux cents rédacteurs réunis mercredi 26 février en comité de rédaction ont réfuté les graves accusations... ") : " de telles rencontres ne comprennent aucun vote et tous les présents n’avaient pas encore lu la totalité du livre. " L’ " entière liberté " du médiateur ne l’a pas conduit a enquêter pour savoir qui est l’auteur du sous-titre " abusif " : le Conseil de la Société des rédacteurs, qui signe le communiqué, le secrétariat de rédaction, les si bien nommées " édition centrale " ou " rédaction en chef centrale "... ?

Ajoutons que d’autres sources, comme l’AFP (reprise par le Journal du Net), dénombrent alors non pas 200, mais 140 à 160 rédacteurs présents (sur 414). On comprend mieux que la titraille enthousiaste du Monde annexe aux rédacteurs les autres salariés...

 Alors que, " après la publication des bonnes feuilles de L’Express, le journal s’est contenté de dire en quelques lignes qu’une " campagne " était lancée contre Le Monde ", le médiateur s’appuie sur l’interpellation d’un lecteur pour s’avancer encore : " je pense en effet que le mot "campagne" était malvenu. "

 Le médiateur reconnaît que la direction du journal " n’a volontairement pas répondu aux accusations " [2], ce qui suscite l’incompréhension... non du médiateur, mais, là aussi, de lecteurs (qu’il cite) : " sur le fond, hormis la question des finances, vous ne répondez à rien ", " rien sur le fond : rien sur Deleplace, rien sur le Rainbow-Warrior, rien sur le faux scoop de Panama (...), rien sur le journalisme de dénonciation, rien sur l’abus de pouvoir, rien sur Balladur, rien sur Messier, rien sur Jospin, rien sur les démêlés fiscaux de Colombani, rien sur 20 Minutes, etc. "
Une liste accablante en soi.

 Ultime audace, le médiateur suggère à la rédaction de " tirer les enseignements de cette tempête. L’énorme retentissement du réquisitoire de Péan et Cohen [3] l’incitera à s’interroger davantage sur ses pratiques et sur le strict respect des règles qu’elle s’est fixées. "
Ne peut-on comprendre, en creux, que certaines pratiques appellent cette " interrogation " ?

Voilà, compte tenu du contexte, un usage louable de l’ " entière liberté " dont dispose le médiateur. Aussi, pour calmer le jeu en conclusion, il paraphrase un lecteur (" Seule m’importe sa face visible "), et semble accepter de restreindre de lui-même son champ de compétence : " De toute manière, la meilleure réponse du journal réside dans la qualité de sa production quotidienne : la face visible du Monde... "

 
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Notes

[1Au passage, il " en profite pour rappeler que le médiateur est extérieur à la rédaction, qu’il jouit d’une entière liberté et n’a jamais eu à se plaindre d’une quelconque censure. " La précision était sans doute nécessaire.

[2" Sauf sur deux points : les comptes et la diffusion, qui ont fait l’objet d’articles et de schémas. "

[3" Qui est aussi un hommage indirect au Monde "...

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