Une petite trentaine de députés, Éric Ciotti en tête, vient de déposer ce 26 mai une proposition de loi « visant à rendre non identifiables les forces de l’ordre lors de la diffusion d’images dans l’espace médiatique ». C’est la deuxième fois cette année que des parlementaires cherchent à empêcher les journalistes et autres citoyens de témoigner et de rendre compte du travail des forces de l’ordre.
A la mi-février déjà, un service du ministère de l’Intérieur avait confirmé à Mediapart l’information selon laquelle la Direction générale de la police nationale (DGPN) avait lancé une étude sur des « évolutions juridiques » destinées notamment à « rendre obligatoire le floutage de tous les agents ». Si l’information avait été ensuite démentie par le ministre de l’Intérieur, ce projet a donc continué à faire son chemin dans d’autres sphères.
Le fait que cette proposition de loi survienne après que, à Minneapolis (Etats-Unis) ce lundi 25 mai 2020, un afro-americain, George Floyd, a été étouffé à mort lors d’un plaquage ventral effectué par des policiers, est plus qu’inquiétant. Les 4 policiers ont été démis de leur fonction et, après plusieurs nuits d’émeutes, le procureur a annoncé que l’officier était arrêté. C’est bien la diffusion de la vidéo de cette interpellation meurtrière qui a permis d’établir les faits et de confondre les policiers fautifs.
Coïncidence grave et révélatrice du climat actuel : l’audition en tant que « suspecte » de la journaliste de Mediapart Pascale Pascariello par l’IGPN ce même 26 mai. Notre consœur a enquêté sur l’affaire de Geneviève Legay, gravement blessée par les forces de l’ordre à Nice le 23 mars 2019, pendant une manifestation. Le travail de cette journaliste a mis au jour les mensonges et conflits d’intérêts policiers et judiciaires de ce dossier.
Pour le site d’information en ligne Mediapart, « c’est la quatrième fois en moins de 18 mois que la justice essaye de s’en prendre aux sources de Mediapart à la suite d’enquêtes embarrassantes pour l’exécutif ».
Empêcher les journalistes de travailler, d’aller sur tous les terrains, tenter d’identifier leurs sources, couvrir les délits et crimes révélés en poursuivant les journalistes qui enquêtent et les publient, semble bien être une constante de ce gouvernement et d’une partie de la droite politique.
Le SNJ, le SNJ-CGT, la CFDT journalistes, le collectif REC et tous les signataires apportent tout leur soutien à Pascale Pascariello. Nous condamnons ces tentatives trop nombreuses et répétées contre la liberté d’informer et d’être informé.
Nous appelons tous les défenseurs des libertés fondamentales à prendre conscience du risque que les forces de l’ordre deviennent un État dans l’État.
Paris, le 31 Mai 2020
Liste des signataires : Syndicat National des Journalistes (SNJ), Syndicat National des Journalistes CGT (SNJ-CGT), CFDT-Journalistes, Fédération internationale des journalistes (FIJ), Reporters en colère (REC), Ras la Plume, Informer n’est pas un délit, CNT, Union syndicale Solidaires, BondyBlog, collectif Gerda.