La grande loi portant protection du secret des sources des journalistes, engagement fort du chef de l’État et de tous les ministres concernés de ce gouvernement socialiste jusqu’au premier d’entre eux, est reportée... sine die. Le Syndicat National des Journalistes (SNJ), première organisation de la profession, est surpris et choqué. L’annonce, aussi tardive qu’incompréhensible pour toute une profession, vient d’en être faite alors que les parlementaires devaient se pencher sur le dossier le 16 janvier prochain.
Des années d’intense lobbying avaient abouti à la loi du 4 janvier 2010, certes bien imparfaite, mais qui posait le principe de l’inviolabilité du secret de nos sources.
Deux ans de travaux supplémentaires avaient rapproché les ministères concernés, la Commission nationale consultative des Droits de l’Homme, les représentants du SNJ et les parlementaires. Après visa du Conseil d’État et de la Commission des lois de l’Assemblée, le texte final était prêt pour le calendrier fixé.
Même si pour le SNJ certaines dispositions devaient être aménagées et d’autres précisées, le texte allait globalement dans le sens voulu par toute la profession, c’est-à-dire pour une protection sérieuse sans zones d’ombres ni exceptions-alibis.
Pourquoi ce report, brutal, non motivé ?
Le SNJ en demande publiquement la ou les raisons.
Le SNJ ne peut croire que les tenants de la réaction, qui avaient tenté de torpiller le principe même de protection des sources par l’introduction d’exceptions et de notions très vastes, presque illimitées telles que l’intérêt national, aient pu triompher.
Le SNJ ne peut croire non plus à l’existence d’interventions prépondérantes et récentes qui auraient traduit certains déplaisirs enregistrés au plus haut niveau par la lecture d’une presse curieuse et pas toujours tendre quant à l’état de "désamour" des relations entretenues entre le chef de l’État et les Français.
Le SNJ exige que les raisons de ce report soient données publiquement et qu’une nouvelle date soit promptement donnée pour l’examen de ce projet de loi.
La protection des sources des journalistes est d’intérêt public. Elle est une obligation démocratique urgente.
Paris, vendredi 10 janvier 2014
Le SNJ-CGT a appris avec stupéfaction que l’examen par l’Assemblée nationale du projet de loi sur la protection des sources des journalistes était reporté après les municipales alors que ce texte avait été présenté en Conseil des ministres en juin dernier.
Ce projet de loi, un des engagements pris par François Hollande alors qu’il était candidat à la présidentielle, avait fait l’objet d’un long et fructueux travail parlementaire avec les syndicats de journalistes.
Les amendements proposés par la rapporteure du projet de loi, Mme Chapdelaine, précisaient dans le bon sens les modalités de porter atteinte au secret des sources pour prévenir ou réprimer une atteinte grave aux intérêts de la nation ; cette notion particulièrement large permettait, de fait, de justifier de trop nombreuses levées du secret des sources.
Cette décision avait été précédée par des prises de position du SNJ-CGT pour un amendement du texte initial et d’une lettre ouverte des syndicats et associations (SNJ, SNJ-CGT, CFDT, Ligue des droits de l’Homme, RSF, Association de la presse judiciaire) à la garde des Sceaux et à la ministre de la Culture et de la Communication, pour dire leur inquiétude sur le paragraphe incriminé.
Et alors que le texte devait enfin être examiné le 16 janvier, le gouvernement Ayrault a pris la grave décision de le déprogrammer sans autre explication.
Le SNJ-CGT interpelle le gouvernement pour connaître les raisons inavouées (inavouables ?) à ce jour, de cette décision aussi soudaine qu’intolérable et qui constitue un très grave retour en arrière malgré les engagements au plus haut sommet de l’État.
Le SNJ-CGT appelle dès maintenant à la mobilisation des syndicats, des associations, des parlementaires et des citoyens pour qui la liberté de la presse n’est pas un vain mot.
Après le refus du Sénat de lever l’immunité de Serge Dassault (patron et éditorialiste occasionnel du Figaro), le report de la loi sur la protection des sources est une mauvaise nouvelle pour la démocratie et un mauvais coup contre les libertés fondamentales de la part du gouvernement qui, hélas, n’en est pas à son coup d’essai. N’est-ce pas lui qui n’hésite pas à poursuivre les syndicalistes et qui expulse les étrangers à tour de bras ?
Tous ensemble pour défendre la liberté de la presse et de la démocratie dans ce pays, patrie des droits de l’Homme.
Montreuil le 10/01/2014